Niger
Le gouvernement affronte une nouvelle motion de censure
(Photo : AFP)
Les députés de l’opposition qui ont déposé une motion de censure, le samedi 26 mai, contre le Premier ministre et son gouvernement ont déclenché, un peu au-delà de leurs espérances, une véritable crise politique au Niger. Procédure judiciaire et lecture minutieuse de la Constitution du pays ont été, tout ce week-end, des thèmes de débat à Niamey.
La nouveauté, pour cette quatrième motion de censure contre le gouvernement, vient du vote possible de quelques députés de la majorité présidentielle et surtout de certains parlementaires issus du propre parti du Premier ministre, le Mouvement national pour la société de développement (MNSD). Mais les députés de l’opposition croient moins en la volonté de ces derniers de vouloir sanctionner le gouvernement que de monnayer au passage quelques avantages.
L’affaire MEBA (ministère de l’Education de base et de l’alphabétisation) est le point de départ de la crise politique que connaît depuis quelques mois le Niger. En effet, quelque quatre milliards de francs CFA, mis à la disposition du Niger dans le cadre d’un Programme décennal de développement de l’éducation (PDDE), auraient disparu des caisses de l’Etat. Les deux ministres qui se sont succédé à la tête du MEBA, Ibrahim Ary et Hamani Harouna, au moment des faits ont été mis en examen et écroués. En septembre 2006, la procédure judiciaire qui a été déclenchée a conduit à l’arrestation d’une vingtaine de personnes.
Deux poids deux mesures
Les deux anciens ministres comparaîtront devant la Haute Cour de justice, mais l’opposition persiste à croire que les ministres et leurs complices n’ont pas agi seuls. Pour elle, le Premier ministre doit être tenu responsable, ne serait-ce que politiquement, des malversations enregistrées. Les juges qui instruisent le dossier ont en vain manifesté l’intention d’entendre le Premier ministre, Amadou Hama. Ce dernier tout en se disant disposé à se soumettre aux questions des enquêteurs a, néanmoins, posé quelques conditions. Il a demandé à recevoir par écrit un questionnaire auquel il répondrait aussi par écrit. La commission n’a pas accédé à sa demande, mais elle a cependant bouclé son dossier.
L’opposition, s’opposant à ce «système judiciaire fait de deux poids deux mesures» a déposé une motion de censure contre le gouvernement et demande à Amadou Hama de s’expliquer devant la représentation nationale. L’opposition espère ainsi porter l’affaire sur la place publique. Mais là, quelques points de procédure judiciaire ont été soulevés. Une affaire en justice ne peut être débattue tant qu’elle est en cours d’instruction. Cet argument est évoqué par les députés de la majorité présidentielle qui se refusent à toute déclaration. Toutefois, de nombreux constitutionnalistes nigériens ont expliqué de long en large, dans la presse locale, que l’évocation de l’aspect politique d’une affaire en cours d’instruction, devant l’Assemblée nationale, n’était pas en contradiction avec les textes fondamentaux de la République.
Par ailleurs, le député Moussa Zangaou du MNSD, le parti du Premier ministre, a relevé que deux signataires de la motion de censure étaient également membres de la Haute Cour de justice qui doit juger l’affaire MEBA. Ils ne peuvent donc être juges et partie. En fin de compte, après d’âpres discussions, la recevabilité de la motion de censure a été admise mais le débat public sur l’affaire MEBA a été reporté.
par Didier Samson
Article publié le 31/05/2007 Dernière mise à jour le 31/05/2007 à 17:56 TU