Législatives 2007
Le mode de scrutin en question
Photo : AFP
Il n’y aurait pas de risque de «vague bleue» à l’Assemblée nationale avec la proportionnelle. Cet argument est mis en avant par tous ceux qui réclament à corps et à cris une modification du mode de scrutin. Selon eux, le scrutin uninominal majoritaire à deux tours ne peut pas permettre une représentation équitable des forces politiques françaises. Il handicape donc le fonctionnement de la démocratie en concentrant les pouvoirs dans les mains de grands partis. Mais justement, c’est bien la raison pour laquelle il a été préféré à la proportionnelle depuis le début de la Ve République. Il est destiné à permettre l’émergence d’une majorité claire à l’Assemblée nationale et à éviter les risques d’instabilité gouvernementale. Quitte à ce que l’élection de candidats des petits partis deviennent presque une mission impossible sans alliance.
Il fallait faire un choix, les gouvernements qui se sont succédé depuis 1958 ont tous fait celui du scrutin majoritaire. A une exception près, lorsqu’en 1985 les socialistes ont décidé d’établir la proportionnelle pour les élections législatives de juin 1986. Cela a permis au parti d’extrême droite de Jean-Marie Le Pen, le Front national, d’obtenir une trentaine d’élus. Mais l’expérience a été de courte durée. La droite, revenue au pouvoir, a décidé d’abroger cette loi immédiatement. Retour à la case majoritaire.
Vers une «dose» de proportionnelle
A entendre François Bayrou, cela relève aujourd’hui du déni de démocratie. Le dirigeant du MoDem, le nouveau parti centriste successeur de l’UDF, fait partie des plus farouches détracteurs du mode de scrutin en vigueur pour les élections législatives. Il est vrai qu’ayant réuni sur son nom environ 7 millions d’électeurs à la présidentielle 2007, il a du mal à accepter de voir la place de sa formation réduite à la portion congrue, voire à pas de portion du tout, à l’Assemblée nationale, comme l’indique les enquêtes sur les intentions de vote. Le Parti communiste, les Verts ou le Front national sont sur la même ligne protestataire et réclament qu’on leur donne les moyens de jouer un rôle dans le débat législatif.
Dans ce contexte, on a vu surgir des propositions jusque dans les rangs de l’UMP, où pourtant on est plutôt favorable au système actuel. Brice Hortefeux, aujourd’hui ministre de l’Immigration, avait lancé l’idée d’une réforme pour introduire une «dose» de proportionnelle avant même le premier tour de la présidentielle. Même si à ce moment-là, on a précisé dans l’entourage de Nicolas Sarkozy que cela ne faisait pas partie de son projet présidentiel, les choses ont peu à peu évolué. Et le président de la République a annoncé, dans sa première interview depuis son élection (Le Figaro du 7 juin), qu’il allait engager des consultations avec toutes les formations politiques ayant des élus «à l’Assemblée, au Sénat ou au Parlement européen», Front national compris, sur la question de la modification du mode de scrutin. Lui, qui avait souvent fait part de sa préférence pour le scrutin majoritaire, a laissé entrevoir un changement. Il a déclaré qu’il n’était «pas fermé» à l’introduction «d’une dose minoritaire de proportionnelle».
Est-ce le gage d’une évolution prochaine ? Pas sûr. Car Claude Guéant, le secrétaire général de l’Elysée, a précisé les choses, dès le lendemain, en rappelant l’attachement de Nicolas Sarkozy «au fait majoritaire» et en indiquant qu’une réforme éventuelle pourrait concerner l’Assemblée nationale ou bien le Sénat. Le Premier ministre François Fillon a, lui, affirmé qu’il préfèrerait introduire «la diversité au Sénat» et que s’il fallait le faire à l’Assemblée nationale, il faudrait que cela concerne «peu de sièges» et n’augmente le nombre de députés.
Quel que soit au final le résultat, et même s’il paraît peu probable que le scrutin majoritaire soit totalement abandonné, un débat sera certainement nécessaire pour confronter les arguments. D’autant que les sondages indiquent que près de la moitié des Français (49%) voient l’introduction de la proportionnelle d’un bon œil. Bernard Accoyer, le président du groupe UMP à l’Assemblée nationale, est convaincu que la concertation aura lieu car il y a une nécessité de trouver un mode de scrutin «qui garantisse d’une part, une majorité claire pour soutenir le gouvernement, et, d’autre part, qui assure la représentation au Parlement de tous les grands courants de la vie politique».
Redécouper les circonscriptions
Tout sera donc une question de dosage. Entre le passage à un système où 50% des sièges de l’Assemblée nationale seraient attribués à la proportionnelle, comme le préconise François Bayrou, et l’introduction d’une petite dose de proportionnalité de l’ordre de 10%, comme cela est évoqué du côté de l’UMP, il faudra trouver un équilibre. Tout comme il paraît indispensable que le gouvernement s’intéresse à la question du redécoupage des circonscriptions électorales. Le Conseil d’Etat a, en effet, pointé à plusieurs reprises les déséquilibres existants. Certaines circonscriptions rurales peu peuplées disposent, en effet, d’un poids électoral équivalent à d’autres circonscriptions qui le sont beaucoup plus. Le découpage est basé sur un recensement de la population de 1982. Date depuis laquelle la démographie des régions a beaucoup évolué. Il y a là une source d’injustice car les 577 députés n’ont pas tous la même représentativité.
Il semble donc probable que les règles en vigueur pour élire les députés évoluent après le 17 juin. Du mode de scrutin à la définition de nouvelles limites pour les circonscriptions, la donne aura vraisemblablement changé lorsque les Français voteront de nouveau pour élire leur Assemblée nationale, en 2012.
par Valérie Gas
Article publié le 08/06/2007 Dernière mise à jour le 08/06/2007 à 13:38 TU