par Stefanie Schüler
Article publié le 30/11/2007 Dernière mise à jour le 30/11/2007 à 18:35 TU
Le gouvernement colombien a diffusé vendredi une vidéo montrant Ingrid Betancourt en vie.
(Photo : Reuters)
Le gouvernement colombien a divulgué des documents qui montrent 16 otages des Farc vivants – parmi eux, la Franco-Colombienne Ingrid Betancourt. Elle est apparue sur une vidéo et sa famille indique avoir reçu une lettre de «désespoir et de solitude». Même si ces documents suscitent de l'inquiétude, les familles des prisonniers ainsi que les dirigeants français se réjouissent de ces premières preuves de vie depuis des années. Néanmoins des interrogations sur le sort des otages persistent.
« C'est une image triste de ma sœur, mais elle est vivante », a déclaré Astrid Betancourt après avoir vu la vidéo qui montre sa sœur apparemment quelque part dans la jungle. Ingrid Betancourt y apparaît très amaigrie, traits tirés, cheveux très longs, vêtue d’un pantalon et d’un t-shirt. Celle qui se trouve aux mains des Farc depuis cinq ans et neuf mois, est assise sur un banc en bois devant une petite table. Ingrid Betancourt ne regarde pas la caméra, ne dit pas un mot. « Elle sait qu'elle donne des preuves de vie. Elle a dû se rendre compte que donner de preuves de vie, c'est comme donner un bulletin à la guérilla pour faire pression sur le gouvernement colombien et elle ne veut pas entrer dans le jeu de la guérilla", a estimé l’époux d’Ingrid Betancourt, Juan Carlos Lecompte.
Ne pas rentrer dans le jeu des Farc
La vidéo, sur laquelle apparaissent également 15 autres otages de la guérilla marxiste, dont trois Américains, a été retransmise par les télévisions colombiennes sans bande sonore.
C’est le Haut commissaire colombien pour la paix, Luis Carlos Restrepo, qui a annoncé, tôt ce vendredi matin, que le gouvernement, à Bogota, était en possession de preuves de vie de plusieurs otages retenus par les Forces armées révolutionnaires de Colombie. Selon le commissaire Restrepo, des vidéos, des photos et des lettres des prisonniers seraient tombées dans les mains des autorités colombiennes lors d’une opération militaire de l’armée contre les bases urbaines des Farc à Bogota. Opération pendant laquelle trois rebelles, les porteurs des documents, auraient été arrêtés.
Le gouvernement colombien a promis aux familles des otages ainsi qu’aux autorités françaises et américaines de leur faire parvenir ces documents. Mais vendredi soir, après la diffusion des quelques premières images, personne - hormis les militaires colombiens - n’avait encore pu visionner ces preuves de vie, les premières après des années d’attente éprouvante.
La longue attente d’un signe de vie d’Ingrid Betancourt |
2002 23 février Enlèvement d’Ingrid Betancourt, candidate des Verts à la présidentielle en Colombie, et de sa directrice de campagne Clara Rojas. Les Farc proposent, quatre jours plus tard, un échange avec des rebelles emprisonnés. 23 juillet Première apparition d'Ingrid dans une vidéo filmée le 15 mai. 2003 30 août Ingrid Betancourt s'exprime dans une vidéo, transmise par les Farc, dernière preuve de vie avant celle de vendredi. 2005 1er février Le numéro deux des Farc, Raul Reyes, affirme qu’Ingrid Betancourt est « en bonne santé ». 2007 14 janvier Le ministre colombien de la Défense annonce qu'Ingrid est « vivante et en bonne santé ». Selon lui, le gouvernement tentera de la libérer par la force. 16 mai John Frank Pinchao Blanco, un otage parvenu à échapper aux Farc, affirme que Betancourt est vivante pour l'avoir vue le 28 avril. 8 novembre « Tous les otages sont vivants » - déclaration à Caracas l’émissaire du Secrétariat des Farc, Ivan Marquez, et de la médiatrice colombienne Piedad Cordoba. 20 novembre Déception à Paris où le président vénézuélien Hugo Chavez arrive sans les preuves de vie promises. 30 novembre Le gouvernement colombien fait état de vidéos, photos et lettres de 16 otages des Farc dont Ingrid Betancourt et 3 ressortissants américains |
Pour les familles, la médiation de Chavez a été efficace
Selon le gouvernement colombien, six des sept lettres écrites par les otages de Farc et retrouvées entre les mains des trois guérilleros, seraient datées des 23 et 24 octobre 2007. Une date qui correspondrait à celle de l’enregistrement de la vidéo, diffusée aujourd’hui dans les médias. C’est ce qu’a révélé encore le Haut Commissaire pour la paix, Luis Carlos Restrepo.
Pour les familles des prisonniers, ces dates concordantes sont un signe clair que les rebelles voulaient fournir des preuves de vie de leurs prisonniers, comme l’avait demandé le médiateur de l’époque, le président vénézuélien Hugo Chavez, au chef des Farc, Manuel Marulanda.
La date sur les documents « prouve bien que les Farc étaient en train de réunir ces preuves et de les acheminer pour les donner au président Chavez. C’est la preuve que sa médiation a été efficace », juge la sœur d'Ingrid Betancourt, Astrid. Même son de cloche au comité de soutien à Ingrid Betancourt qui exige dans un communiqué : « Il faut maintenant obtenir que la rencontre, prévue par la médiation, entre le président Chavez et le chef de la guérilla, Manuel Marulanda, soit organisée dans les plus brefs délais ». Seulement voilà : Hugo Chavez n’est plus le médiateur entre les Farc et le gouvernement à Bogota. Son homologue colombien, le président Alvaro Uribe, lui a brutalement enlevé son mandat le 22 novembre dernier. Il reproche au chef d’Etat vénézuélien une ingérence dans les affaires colombiennes, pour avoir parlé directement au chef de l’armée colombienne par téléphone.
Exercice de haute voltige pour Paris
Face aux très fortes tensions qui se sont installées depuis la fin de la médiation d’Hugo Chavez entre le Venezuela et la Colombie, le gouvernement français, très investi dans le dossier des otages, a du se livrer aujourd’hui a un exercice extrêmement délicat : montrer son volontarisme absolu de parvenir à la libération des otages et ne pas froisser les sensibilités ni de Bogota ni de Caracas.
Ce vendredi matin, Nicolas Sarkozy a promis de vouloir redoubler les efforts de la France : « Maintenant, on sait qu'elle (Ingrid Betancourt ndlr) est vivante, maintenant il faut se battre avec acharnement pour obtenir sa libération et la fin de ce calvaire dans les plus brefs délais », a déclaré le chef d’Etat. Son ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, s’est montré également très engagé : « Il est aujourd'hui plus que jamais nécessaire d'intensifier les efforts en vue d'une solution humanitaire permettant la libération de tous les otages détenus en Colombie. Les autorités françaises restent totalement mobilisées à cette fin, en liaison étroite avec les autorités colombiennes ».
« Intensifier les efforts »
Mais alors que les proches des otages attendaient de la France qu’elle augmente la pression sur Alvaro Uribe, pour que le président colombien confie à nouveau la médiation à Hugo Chavez, Paris semble s’orienter dans une toute autre direction. « La médiation Chavez, je crois pouvoir dire qu'elle est aujourd'hui du passé. Nous prenons acte qu'aujourd'hui le président colombien Alvaro Uribe a dit qu'il ne souhaitait pas cette médiation », expliquait, dans l’après-midi, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Pascale Adréani. Deux heures plus tard, elle revient sur ses déclarations : « Nous soutenons toutes les facilitations et toutes les médiations qui peuvent aider à dégager une solution humanitaire permettant la libération de tous les otages, dont Ingrid Betancourt ».
En somme : Paris s’efforce de ne fermer aucune porte pour arriver à la libération des otages. Le Premier ministre François Fillon doit d’ailleurs se rendre en Argentine où il assistera à l’entrée en fonction de la nouvelle présidente, Cristina Kirchner, la semaine prochaine. L’occasion, peut-être de lancer une médiation diplomatique entre le médiateur disgracié, Hugo Chavez et le président colombien, Alvaro Uribe.
Audios
La sœur d'Ingrid Betancourt
« Je suis extrêmement émue, avec ma maman, de voir ces images de ma sœur. »
30/11/2007
« Le ton de la lettre serait celui d’une femme à bout. La vidéo, en revanche, n'est accompagnée d'aucun message. »
30/11/2007 par Zoé Berri