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Pakistan

Benazir Bhutto tuée dans un attentat suicide

par  RFI

Article publié le 27/12/2007 Dernière mise à jour le 27/12/2007 à 17:23 TU

L'ex-Premier ministre pakistanaise et leader de l'opposition Benazir Bhutto est morte jeudi des suites de ses blessures, victime d'un attentat suicide qui a tué au moins 16 autres personnes à l'issue d'un meeting électoral dans la banlieue d'Islamabad. Elle avait 54 ans. Le président du Pakistan Pervez Musharraf a appelé à la « paix » jeudi soir.

Au moins quatre personnes ont été tuées par balles lors de violences survenues dans plusieurs villes du Pakistan après l'assassinat de l'ex-Premier ministre.

Washington et Moscou condamnent fermement l'attentat. Le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner a exprimé sa « très grande émotion » et condamné fermement cet « acte odieux ». Le Conseil de sécurité de l'ONU a décidé de tenir une réunion d'urgence jeudi pour discuter de la situation au Pakistan après l'assassinat de Benazir Bhutto.

Sur les lieux de l'attentat dans la banlieue d'Islamabad, le 27 décembre 2007.(Photo : AFP)

Sur les lieux de l'attentat dans la banlieue d'Islamabad, le 27 décembre 2007.
(Photo : AFP)

C'est l'émotion et la stupeur chez les partisans et les militants du Parti du peuple pakistanais (PPP). Celle qu'ils chérissaient comme la Dame de l'Est ou la Dame de Karachi, son fief électoral, est morte des suites de ses blessures, touchée par un fragment de la bombe qu'a fait exploser un kamikaze lors d'un meeting électoral.

Son parti avait mobilisé ses militants réunis dans un faubourg de Rawalpindi, la grande ville située à quelques kilomètres d'Islamabad.

L'explosion a eu lieu vers 12h15 en temps universel. La réunion de Madame Bhutto venait à peine de se terminer. Elle s'apprêtait à quitter la salle de la réunion quand un kamikaze s'est fait exploser. Benazir Bhutto avait reçu une balle dans le cou tirée par le kamikaze avant l'attentat, a annoncé la police.

Rana Jawad, correspondant au Pakistan du service anglais de RFI

« Benazir Bhutto animait un meeting important (...) C'était elle la cible, les kamikazes voulaient tuer madame Bhutto. »

Selon des témoins, immédiatement après le drame, plusieurs corps déchiquetés jonchaient le sol. Selon un bilan provisoire, 15 autres personnes sont mortes dans l'attentat. Cette action sanglante survient à deux semaines des élections législatives.

Benazir Bhutto.(Photo: AFP)

Benazir Bhutto.
(Photo: AFP)

Depuis son retour au Pakistan le 18 octobre dernier, après huit années d'exil, Benazir Bhutto était une cible.

Ce 18 octobre, dans la ville de Karachi, son convoi avait été attaqué par deux kamikazes. Il y avait eu 139 morts. Miraculeusement, Madame Bhutto avait eu la vie sauve.

Déclaration de Benazir Bhutto le 19 octobre 2007

« L'attaque n'était pas contre moi. Elle visait ce que je représente. »

Elle avait fait de la lutte pour la démocratie son combat, elle qui par deux fois avait été Premier ministre entre 1988 et 1990, puis entre 1993 et 1996. Elle avait dû quitter ses fonctions car son nom et celui de son mari avaient été cités dans des affaires de corruption.

Dès son retour au Pakistan, Benazir Bhutto avait dénoncé le régime de Pervez Musharraf, celui qu'elle présentait comme un dictateur lié à certains milieux islamistes.

D'ailleurs, certains de ses partisans accusent déjà des proches de Pervez Musharraf d'être responsables de cet attentat suicide.

Madame Bhutto avait adopté des positions très dures contre les partis fondamentalistes. Des militants proche des talibans avait juré de se débarrasser de Madame Bhutto.

Son père, Zulfikar Ali Bhutto, a été pendu par le général Zia. Son frère est décédé dans un attentat. Madame Bhutto est morte à 54 ans.

L'ex-Premier ministre Nawaz Sharif, autre figure de l'opposition, a promis jeudi aux Pakistanais de « mener leur guerre » après la mort de Benazir Bhutto.

L'attentat a provoqué une vive émotion à l'étranger. La Russie « condamne fermement » l'attentat suicide qui a coûté la vie à l'ex-Premier ministre pakistanais. Les Etats-Unis et la France ont également condamné l'attentat.

Un destin exceptionnel


Benazir Bhutto avait titré son autobiographie La fille du Destin... Un destin exceptionnel pour cette femme devenue la première à diriger un pays musulman. C'était en 1988 et elle avait 35 ans. Benazir succédait alors à Zia Ul Haq, l'assassin de son père, l'ancien Premier ministre Zulfikar Ali Bhutto pendu en avril 1979.

Elle racontait que c'est lors de la dernière visite à son père, avant sa pendaison, qu'elle eut la conviction de reprendre le flambeau. Emprisonnée à plusieurs reprises ou placée en résidence surveillée, Benazir Bhutto avait réorganisé et dirigé le Parti du Peuple Pakistanais.

Deux fois Premier ministre de la République islamique du Pakistan dans les années 80 et 90, Benazir Bhutto fut deux fois chassée du pouvoir pour corruption et mauvaise gestion et à chaque fois elle prit le chemin de l'exil.

A 54 ans ans, elle avait fait le 18 octobre son dernier retour au pays avec le soutien des Etats-Unis, artisans d'un arrangement politique avec le président Pervez Musharraf.

Ce retour triomphal à Karachi, sa ville natale, devient une tragédie avec un énorme attentat qui fit plus d'une centaine de morts et dont elle est sortie indemne. Avec ses shalwar kamis colorés et élégants, la tenue traditionnelle des pakistanaises et ses voiles blancs, Benazir Bhutto incarnait l'image glamour et moderne d'un Pakistan tiraillé entre le pouvoir des militaires et l'extrémisme des islamistes.

Pakistan : quelle démocratie ?(Montage : L. Mouaoued/RFI)