Article publié le 27/12/2007 Dernière mise à jour le 28/12/2007 à 11:26 TU
Benazir Bhutto, lors de son ultime meeting, le 27 décembre 2007, à Rawalpindi. A ses côtés, Makhdoom Amin Faheem, vice-président de leur parti (PPP).
(Photo : AFP)
Avec notre correspondante aux Etats-Unis, Anne Toulouse
George Bush vient de faire une déclaration dans laquelle il dit que la meilleure façon d’honorer la mémoire de Benazir Bhutto est de continuer le processus de démocratie pour lequel elle a donné sa vie.
Il s’est écoulé plusieurs heures entre le moment où le président a enregistré cette déclaration et celui où il a appris l’attentat, dans son ranch au Texas, où il passe quelques jours. Il était d’ailleurs en train de tenir une réunion de sécurité de routine avec son entourage par télécommunication.
En ce moment, il faut dire que le gouvernement américain tourne au ralenti : le Congrès ne siège pas en raison des fêtes de fin d’année, mais il semble qu’avant de faire une déclaration publique le gouvernement a surtout voulu en savoir un peu plus sur ce qui s’est passé. Et lorsque, dans sa déclaration, le président souhaite que les responsables soient traduits devant la justice, il pose la question, cruciale pour les Etats-Unis et sans doute pour le reste du monde, de savoir qui est derrière cet assassinat.
Les Etats-Unis, il faut le dire, sont dans une position délicate. Ils ont de gros intérêts au Pakistan, un allié-clé dans la guerre contre la terreur entamée après les attentats du 11 septembre 2001. Ils ont versé depuis lors des milliards de dollars pour assurer la sécurité du Pakistan, et ce qui s’est passé aujourd’hui (jeudi) tendrait à montrer que cet argent n’a pas été bien employé, comme le disent certains membres du Congrès et la presse américaine.
Mais d’autre part les Etats-Unis ne veulent pas avoir l’air d’intervenir dans les élections pakistanaises. Ils ont beaucoup œuvré en coulisse pour que le président Musharraf lève l’état d’urgence, ce qu’il a fait ce mois-ci. Ils ont également beaucoup insisté pour la tenue d’élections libres. Ces élections sont prévues pour le 8 janvier, et les Etats-Unis ne veulent surtout pas avoir l’air de soutenir l’un des partis. Ils ont, dans les dernières semaines, rarement évoqué nommément Benazir Bhutto, bien qu’elle soit une personnalité très connue aux Etats-Unis, ne serait-ce que parce qu’elle y a vécu et fait une partie de ses études à l’université de Harvard.
Irruption dans la campagne électorale américaine
Vous savez que nous sommes dans le dernier jour avant le début des caucus de l’Iowa, et des primaires du New-Hampshire, qui sont la première épreuve de sélection des candidats. Le débat, dans ces deux étapes (de la campagne électorale), portait surtout sur les problèmes intérieurs. Et il est intéressant de noter que le tout premier à réagir (à l’attentat suicide qui a coûté la vie à Benazir Bhutto) a été le républicain John McCain en rappelant que cet événement prouvait que le monde était un endroit dangereux, et qu’il fallait s’intéresser à la politique internationale, qu’elle devait jouer un grand rôle dans cette campagne.
Et John McCain est l’un des candidats qui se prévaut de la plus grande expérience en la matière. Il est donc certain que dans les prochains jours, tous les candidats qui étaient plutôt centrés sur des problèmes intérieurs vont devoir répondre aux gens de questions que posent des événements comme ceux du Pakistan. Je ne dis pas que ça va modifier l’issue du scrutin, mais ça peut tout de même peser sur le choix des électeurs.
La condamnation américaine n'est bien sûr pas la seule. De toutes les capitales du monde entier viennent des déclarations d'inquiétude quant aux évènements qui pourraient intervenir dans les prochains jours au Pakistan.
« Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est joint au Conseil de sécurité pour condamner fermement ce crime odieux. Il s'est dit choqué et scandalisé par l'attentat et a appelé les Pakistanais à faire preuve de calme et de retenu. »
Le chef de l'Etat français insiste pour que les élections du 8 janvier prochain se déroulent normalement : «La France, comme l'Union européenne, affirme Nicolas Sarkozy, sont particulièrement attachées à la stabilité et à la démocratie au Pakistan».
A Londres, le Premier ministre britannique Gordon Brown a estimé que Benazir Bhutto avait été « assassinée par des lâches qui ont peur de la démocratie ».
« Pour Gordon Brown, c'est un jour triste pour la démocratie et un moment dramatique pour le Pakistan. »
Cette inquiétude, on la retrouve en Inde où l'un des dirigeants du parti d'opposition, le BJP, évoque le processus de talibanisation qui menace le Pakistan. Même son de cloche du Premier ministre indien Manoman Singh qui rappelle les dangers communs auxquels font face les deux pays.
« Le Premier ministre, Manmohan Singh, a qualifié cet attentat d'acte abominable et il rappelle que le terrorisme est et reste une menace sérieuse dans la région. »
En Afghanistan, le président Karzaï évoque un acte d'une immense brutalité commis par les ennemis du Pakistan.
Toujours en Asie, Pékin a également condamné vigoureusement cet assassinat.
A Téhéran, le ministère des Affaires étrangères estime que le gouvernement pakistanais ne doit ménager aucun effort pour identifier le groupe terroriste à l'origine de l'attentat et le punir pour empêcher toute autre action de ce type de groupe.
A Moscou, les dirigeants russes espèrent que le gouvernement d'Islamabad fera le nécessaire pour assurer la stabilité du pays. Mais l'un des vice ministres des Affaires étrangères, proche de Vladimir Poutine, dit craindre une déstabilisation du pays et le déclenchement d'une vague de terrorisme. «La situation au Pakistan pourrait être radicalement changée», a estimé Anatoly Safonov.
Audios
Président des États-Unis
« Nous demandons au peuple pakistanais d'honorer la mémoire de Benazir Bhutto,en poursuivant le processus démocratique pour lequel elle a si courageusement donné sa vie ».
27/12/2007 par Julie Lerat
Ministre français des Affaires étrangères et européennes
« Nous avons une pensée douloureuse et meurtrie pour cette femme qui était à la fois très belle et très déterminée (...) quelle famille extaordinaire, quelle destinée et quelle tragédie ! »
27/12/2007
Chercheuse au CERI, spécialiste du Pakistan
« Benazir Bhutto voulait revenir une troisième fois au pouvoir avec la bénédiction des Etats-Unis qui pensaient avoir trouvé une solution pour donner un visage civil au gouvernement du président Musharraf ».
27/12/2007 par Stéphane Lagarde
Benazir Bhutto avait titré son autobiographie La fille du destin. Un destin exceptionnel pour cette femme devenue la première à diriger un pays musulman, c'était en 1988. Elle avait 35 ans.
27/12/2007 par Farida Ayari