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Pakistan

Les élections compromises après l’assassinat de Bhutto

par  RFI

Article publié le 28/12/2007 Dernière mise à jour le 28/12/2007 à 13:25 TU

Des milliers de partisans de Benazir Bhutto sont venus assister aux obsèques prévues dans la journée au fief familial, dans la province méridionale du Sindh, près de la ville de Larkana.(Photo : Reuters)

Des milliers de partisans de Benazir Bhutto sont venus assister aux obsèques prévues dans la journée au fief familial, dans la province méridionale du Sindh, près de la ville de Larkana.
(Photo : Reuters)

La dépouille de l'ancien Premier ministre Benazir Bhutto assassinée hier à Rawalpindi, dans la banlieue d'Islamabad, a été rapatriée dans le fief familial, dans la province méridionale du Sindh, près de la ville de Larkana. Des milliers de ses partisans sont déjà massés pour assister aux obsèques prévues dans la journée. Trois jours de deuil national ont été décrétés par le président Pervez Musharraf, qui a appelé au calme. Mais les partisans de Benazir Bhutto sont très en colère et des émeutes ont éclaté dans les grandes villes du Pakistan, Karachi, Peshawar, ou encore Lahore, une dizaine de personnes ont été tuées. Benazir Bhutto, elle-même, accusait Pervez Musharraf de ne rien faire pour la protéger et de lui refuser une sécurité adéquate. Et dans ce climat de tension, tandis que le gouvernement pakistanais n’a pas encore pris sa décision sur le maintien ou l’annulation des élections législatives prévues pour le 8 janvier, l'ex-Premier ministre et opposant Nawaz Sharif estime que la tenue de ces élections conduirait le Pakistan à la « destruction ».

« Si quelque chose m'arrive au Pakistan j'en rendrai Musharraf responsable ». Voilà ce qu'écrivait madame Bhutto le 26 octobre dernier dans un message électronique adressé à son porte-parole aux Etats-Unis, Mark Siegel. « Ses hommes de main me font me sentir en danger », avait-elle indiqué, demandant à son collaborateur de publier ce courriel si quelque chose devait lui arriver.

Dans ce message, révélé jeudi par la chaine de télévision CNN, Benazir Bhutto affirme que Pervez Musharraf lui avait interdit une protection rapprochée, par exemple une escorte de quatre voitures de police pour qu'elle puisse circuler en toute sécurité.

Depuis son retour au Pakistan le 18 octobre dernier Benazir Bhutto n'avait cessé de dénoncer la collusion entre certains milieux islamistes, les services de renseignement militaires, et le président Musharraf.

Madame Bhutto avait attaqué violemment les militants de l'islam radical qui avaient juré, eux, de se venger.

Alors c'est vrai que depuis hier tous les observateurs privilégient la piste islamiste, ces fondamentalistes qui veulent faire tomber le régime de Pervez Musharraf. Ce sont eux qui ont aujourd'hui le plus intérêt à semer le chaos dans le pays. Seulement pour le moment il n'y a aucune revendication sérieuse.

Une chaine de télévision locale  ARY TV a affirmé qu'al-Qaïda avait revendiqué l'attentat. Mais l'information a été immédiatement démentie par le ministère pakistanais de l'Intérieur qui accuse pourtant les islamistes d'être les auteurs de l'assassinat.

Incertitudes sur les élections

Dans ces conditions on voit mal comment les élections législatives et provinciales, programmées le 8 janvier 2008 pourraient avoir lieu. Pour le moment le gouvernement pakistanais n'a, ni reporté ni annulé ces élections.

Les Etats-Unis qui versent chaque année près d'un milliard de dollars au gouvernement pakistanais pour financer sa lutte contre le terrorisme ont estimé que les scrutins devaient avoir lieu.

La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, a téléphoné au successeur de Benazir Bhutto à la tête du Parti du peuple pakistanais (PPP) pour lui demander de participer, comme prévu, aux élections.

Mais pour le moment le PPP ne s'est pas exprimé sur la question. Il est sans doute encore trop tôt.

Pour Nawaz Sharif en revanche ces élections générales n'ont plus aucune légitimité. L'ancien Premier ministre, revenu lui aussi d'exil il y a peu a demandé à Pervez Musharraf de démissionner pour « sauver le Pakistan » puis il a lancé un appel au boycott.

L'opposant a demandé à tous les Pakistanais de faire grève ce vendredi. Une grève nationale de quelques heures pour afficher leur solidarité.

Le dilemme de Musharraf

Respecter le calendrier électoral, ce serait d'une certaine manière aller au-delà de l'émotion et affirmer que la démocratie est plus forte que la violence. Mais c'est prendre le risque d'organiser des scrutins, déjà considérés par beaucoup comme illégitimes avec évidemment d'avantage de violences à la clef.

Reporter ou annuler ces élections ce serait évidemment prolonger la crise politique mais cela donnerait du temps à l'armée pour planifier une riposte. L'armée qui pourrait alors s'inviter à nouveau au pouvoir.

Par le passé, les militaires se sont souvent présentés comme un rempart au chaos. Pervez Musharraf lui-même a déjà instauré l'état d'urgence entre le 3 novembre et le 15 décembre dernier invoquant des raisons sécuritaires.

La mise en place à nouveau de mesures d'exception est évidemment une option à laquelle réfléchissent les autorités pakistanaises.