par Frank Weil-Rabaud
Article publié le 08/01/2008 Dernière mise à jour le 09/01/2008 à 15:00 TU
Le président américain est ce mercredi à Jérusalem. Israël et les Territoires palestiniens ne sont que la première étape d’une tournée au Proche-Orient. Mais c’est la première fois que George Bush se rend en visite officielle tant en Israël qu’en Cisjordanie. La portée de l’événement sera pourtant essentiellement symbolique.
George Bush (D) à son arrivée à l'aéroport de Tel-Aviv, accueilli par Ehud Olmert (G) et Shimon Peres (C).
(Photo : GPO)
C’est à Jérusalem, ville trois fois sainte, que le président George Bush entame une tournée que ses partisans n’hésitent pas à qualifier d’historique. Fervent chrétien, le locataire de la Maison Blanche aura bien besoin de sa foi pour s'en persuader : l’objectif affiché lors de la récente conférence d’Annapolis - voir naître un Etat palestinien d’ici la fin de son mandat - peut encore être atteint.
« Le président américain est visiblement détendu. Il arbore un large sourire et donne de chaleureuses poignées de mains. »
Plus prosaïquement, le locataire de la Maison Blanche aimerait pouvoir se targuer d’un succès diplomatique au Proche-Orient alors que les troupes américaines sont engluées en Irak dans un conflit dont les Etats-Unis peinent à se dégager.
Si le dialogue entre le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne a timidement repris ces derniers mois, les divergences sont toujours nombreuses. Conscient de ces difficultés, le président américain a fait savoir qu’il ne participerait pas à une rencontre à trois avec le Premier ministre israélien Ehud Olmert et le président palestinien Mahmoud Abbas. George Bush n’entend pas être le témoin direct et impuissant de l’incapacité des deux dirigeants à trouver un compromis.
« Les Etats-Unis et Israël sont des alliés forts. La source de cette force est la foi partagée dans le pouvoir de la liberté humaine. »
Depuis la réunion d’Annapolis, la situation a en effet évolué défavorablement. Le gouvernement israélien a confirmé qu’un appel d’offres avait été lancé pour la construction de plus de 300 logements dans la colonie d’Har Homa. Connu par les Palestiniens sous le nom d’Abou Ghneim, l’endroit se situe entre Jérusalem et Bethléem. Les autorités israéliennes considèrent qu’Har Homa se situe dans les limites municipales de Jérusalem et qu’il ne s’agit donc pas de colonisation.
Un argument réfuté par les Palestiniens qui notent que l’implantation se trouve dans la partie orientale de la ville sainte dont l’occupation depuis 1967 n’a jamais été validée par la communauté internationale. La secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice avait d’ailleurs fait savoir à son homologue israélienne Tzipi Livni que ce geste était particulièrement malvenu alors que la réunion d’Annapolis venait à peine de permettre une relance du dialogue entre Israéliens et Palestiniens.
La chef de la diplomatie américaine a eu encore l’occasion ce week-end d’entendre les doléances palestiniennes. Le président Mahmoud Abbas avait en effet délégué à Washington deux émissaires afin d’évoquer ce sujet épineux. Le président américain lui-même a reconnu la semaine dernière que la poursuite de la colonisation constituait un obstacle à la conclusion d’un accord.
Le Premier ministre israélien ne semble pourtant pas très inquiet du mécontentement exprimé par son allié américain. Dans un entretien publié vendredi par le quotidien Jerusalem Post, Ehud Olmert a affirmé que George Bush « ne fait pas une seule chose pour laquelle je ne serais d’accord. Il ne soutient aucune initiative à laquelle je sois opposé et ne dit rien qui puisse rendre la vie plus difficile à Israël ». Le chef du gouvernement israélien a toutefois reconnu que même les plus fidèles alliés de l’Etat hébreu imaginaient les futures frontières d’Israël sur un tracé assez proche de la ligne qui séparait, avant la guerre de juin 1967, l’Etat juif des Territoires palestiniens.
Autant dire qu’au-delà du symbole que représente cette première visite officielle en Israël et dans les Territoires palestiniens, les chances de voir George Bush obtenir une véritable percée dans les négociations en cours relèvent du vœu pieux.
Rassurer les Etats arabes
S’il constitue officiellement la principale raison de cette tournée régionale, le processus de négociations entre Israéliens et Palestiniens n’est pas le seul sujet au cœur de ce voyage. L’Iran et son programme nucléaire sont également à l’agenda de George Bush qui, après ses étapes israélienne et palestinienne, doit se rendre successivement au Koweït, à Bahreïn, dans les Emirats arabes unis et en Arabie Saoudite.
Quatre monarchies pétrolières qui dépendent pour leur protection de la puissance militaire américaine. Pourtant, les divergences de vues ne manquent pas. Les régimes en place, aussi autocratiques soient-ils, ne peuvent ignorer une opinion publique majoritairement hostile à la politique menée par George Bush. Le président américain est critiqué tout autant pour son alignement sur les positions israéliennes que pour l’intervention militaire et l’occupation qui s’en est suivie en Irak.
Les monarchies du Golfe partagent toutefois avec les Etats-Unis une crainte commune devant l’influence grandissante de l’Iran et ses ambitions nucléaires. D’obédience sunnite, les dirigeants du Golfe soupçonnent régulièrement le régime chiite de Téhéran de jouer un rôle de déstabilisation dans la région.
Les Américains ne peuvent toutefois nier l’importance politique de la République islamique. Alors que les relations diplomatiques sont rompues entre les deux pays depuis 1979, les Etats-Unis ont accepté à plusieurs reprises de rencontrer des émissaires iraniens pour évoquer les moyens de ramener un début de stabilité en Irak. Une manière de reconnaître l’influence de Téhéran.
Pour autant, le gouvernement américain n’entend faire aucun compromis sur le sujet le plus brûlant du moment, la question nucléaire. George Bush a répété à plusieurs reprises que toutes les options étaient encore envisageables pour empêcher l’Iran de se doter de l’arme atomique. Et c’est bien ce qui inquiète les monarchies du Golfe. Hostiles aux ambitions nucléaires de la République islamique, les pays du Golfe sont également opposés à l’option militaire pour contrecarrer ces projets. Ces petites monarchies pétrolières pourraient en effet être les premières victimes d’une riposte iranienne à une attaque américaine.
Sans compter que sur le plan économique, les pays du Golfe souhaitent développer leurs relations avec l’Iran. Pour la première fois l’an dernier, un président iranien, en la personne de Mahmoud Ahmadinejad, a ainsi participé au sommet annuel du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Signe que, tout en demeurant des alliés politiques des Etats-Unis, les pays du Golfe n’entendent pas rompre toute relation avec l’Iran.
C’est donc un discours nuancé vis-à-vis de la République islamique que devrait entendre George Bush lors de ces différentes étapes arabes. Il faut toutefois attendre pour savoir si le président américain saura donner toutes ses chances aux efforts diplomatiques en cours ; des efforts destinés à convaincre la République islamique qu’elle a tout à perdre à refuser un compromis sur son dossier nucléaire.
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