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Kenya

Journée de manifestation à Kisumu

Article publié le 16/01/2008 Dernière mise à jour le 17/01/2008 à 09:06 TU

L’ODM (Mouvement démocratique Orange, opposition) avait appelé les Kenyans à manifester à partir d’hier dans 16 villes du pays pour protester contre les fraudes post-électorales. C’est à Kisumu, le fief de l’opposant Raila Odinga, dans l’ouest, que les manifestations ont été les plus violentes. Les tirs de la police à balles réelles ont fait au moins deux morts et un blessé grave.
Nyalenda. Face-à-face entre la foule et une poignée de policiers.(Photo : Laurent Correau / RFI)

Nyalenda. Face-à-face entre la foule et une poignée de policiers.
(Photo : Laurent Correau / RFI)

De notre envoyé spécial à Kisumu, Laurent Correau

Kisumu, quartier de Kondole en milieu de matinée. Les manifestants ont commencé à marcher vers le point de rassemblement prévu dans le centre ville. Ils sont stoppés par les forces de sécurité au bout de quelques centaines de mètres. Un face-à-face sans grande tension s’installe.

Les manifestants chantent et font crier leurs sifflets. Ils promènent un mannequin fait de paniers et de sacs censé représenter le président Mwai Kibaki. « Nous allons l’amener au cimetière », s’esclaffe un sympathisant ODM. « Kibaki, repose en paix », dit l’un des panneaux brandis par la foule. Certains manifestants portent des branches de feuillage en signe de paix. Les policiers barrent simplement la route par leur présence.

Kondole. Les manifestants brandissent un mannequin fait de paniers et de sacs censé représenter le président Mwai Kibaki.(Photo : Laurent Correau / RFI)

Kondole. Les manifestants brandissent un mannequin fait de paniers et de sacs censé représenter le président Mwai Kibaki.
(Photo : Laurent Correau / RFI)

Sans qu’on sache bien pourquoi, la police lance les premiers gaz lacrymogènes. Les manifestants courent et s’éparpillent en quelques instants. Un habitant dit son incompréhension : « Quand nous sommes arrivés ici nous avons vu la police, nous avons dit ‘nous voulons la paix […] Vous nous avez entendu chanter nous voulons la paix’.  Ils nous provoquent en nous tirant dessus et en lançant des gaz lacrymogènes ! Nous sommes à mains nues, nous n’avons pas d’armes et ils ont des fusils. Quelle vie sommes nous en train de menacer ? Nous voulons simplement nos droits.»

Les barrages se répandent sur les routes secondaires de la ville. Des barrages faits le plus souvent de simples pierres, mais aussi de câbles, de pneus enflammés, de carcasses de véhicules et de poutres incendiées. Les manifestants qui les tiennent crient des slogans à la gloire de l’opposant Raila Odinga, bloquent catégoriquement la route ou demandent un peu d’argent pour passer. Le bitume de Kakamega road, la route qui mène à Kondolé est à un endroit constellé de pierres. La fumée de pneus enflammés obscurcit le ciel.

Le feuillage, un signe de paix brandi par de nombreux manifestants.(Photo : Laurent Correau / RFI)

Le feuillage, un signe de paix brandi par de nombreux manifestants.
(Photo : Laurent Correau / RFI)

En début d’après-midi, les dispersions de manifestants deviennent plus brutales. A Kondolé, les policiers font reculer avec de très nombreux tirs de semonce les sympathisants du Mouvement Démocratique Orange jusqu’à l’intérieur du quartier, où il les pourchassent. Ils percent ainsi trois barrages successifs sur Kibos road : « Ce qui se passe est insensé. Nous voudrions que la police ne nous tire pas dessus », explique un jeune à l’un de ces barrages. Il n’a pas le temps de poursuivre : des détonations coupent la discussion, le petit groupe s’égaye. Quand les manifestants ont reculé, les policiers déblayent la route de tout ce qui empêche la circulation des véhicules.

Jets de pierre et tirs à balles réelles

Les forces de sécurité kenyanes poursuivent les manifestants jusque dans les bidonvilles.(Photo : Laurent Correau / RFI)

Les forces de sécurité kenyanes poursuivent les manifestants jusque dans les bidonvilles.
(Photo : Laurent Correau / RFI)

 La même tension éclate dans un autre quartier de Kisumu, Nyalenda. Manifestants et policiers se font face devant une station service calcinée lors des dernières émeutes. Aux tirs en l’air des policiers répondent les jets de pierre des manifestants.

La police traque les sympathisants ODM jusqu’à l’intérieur du bidonville. Un policier cherche au milieu des maisons aux toits de tôle. « Nous essayons de ne pas faire un usage excessif de la force, explique un autre qui essaie de trouver les manifestants l’arme au poing. Mais vous voyez ce qu’ils font ? Ils nous jettent des pierres […] que pouvons nous faire […] Nous ne sommes pas là pour tuer. Alors qu’on nous laisse les disperser pacifiquement. »

Un policier tente de frapper un manifestant à la matraque. Un blessé pour fracture a été transféré dans la journée à l'hôpital.(Photo : Laurent Correau / RFI)

Un policier tente de frapper un manifestant à la matraque. Un blessé pour fracture a été transféré dans la journée à l'hôpital.
(Photo : Laurent Correau / RFI)

Les manifestants les narguent. Ils répondent en tirant. Mais dans cette chasse aux manifestants, les tirs de policiers ne sont plus tout à fait des tirs de semonce. Les fusils-mitrailleurs tirent de plus en plus bas, de plus en plus près des cibles.

Kondole, Kibos road. Après avoir fait reculer les manifestants, la police démentèle le barrage.(Photo : Laurent Correau / RFI)

Kondole, Kibos road. Après avoir fait reculer les manifestants, la police démentèle le barrage.
(Photo : Laurent Correau / RFI)

 

 

 

 

 

 

 

 A la mi-journée, les habitants de Kondole portent à bout de bras les corps de deux personnes touchées. Un corps gît dans la morgue de Kisumu. Celui d’un homme dont on ne connaît que le surnom : Ouko. Il vient de Kondole. Il a été transpercé par une balle qu’il a reçue dans le dos. La morgue reçoit dans la soirée un deuxième corps, un homme tué dans le quartier de Manyata. A l’hôpital, on explique qu’un autre blessé par balle de Kondolé est arrivé dans un état critique.

Kenya

L'opposition dirigée par Raila Odinga appelle à manifester dans la capitale Nairobi et dans 15 autres localités du pays.(Carte : L. Mouaoued/RFI)

Manifestations réprimées

16/01/2008 à 17:58 TU