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Serbie

Un climat morose qui va faire le jeu de l'extrême droite ?

Article publié le 19/01/2008 Dernière mise à jour le 20/01/2008 à 12:53 TU

Les électeurs serbes élisent leur président ce dimanche, au terme d’une campagne dominée par la question du Kosovo. Alors que les jeunes et les catégories sociales les plus favorables aux réformes et à l’intégration européenne sont désabusés, l’extrême droite nationaliste compte sur la mobilisation de son électorat traditionnel.

Des habitants du village isolé de Gracanica, au Kosovo, passent sous un panneau d'affichage à l'effigie du candidat de l’extrême droite nationaliste Tomislav Nikolic.(Photo : Reuters)

Des habitants du village isolé de Gracanica, au Kosovo, passent sous un panneau d'affichage à l'effigie du candidat de l’extrême droite nationaliste Tomislav Nikolic.
(Photo : Reuters)

De notre correspondant à BelgradeJean-Arnault Dérens

La Serbie a connu une campagne courte et morose. Les élections ont été convoquées fin décembre, et les candidats ont fait une campagne minimale, sans guère susciter d’enthousiasme. « Voter ? Mais pourquoi ? Pour qui ? », demande Dragoslav, un chauffeur de taxi de la capitale serbe, faussement naïf. « Les candidats nous parlent du Kosovo et de l’intégration européenne, mais que peuvent-ils faire ? Le Kosovo est perdu depuis longtemps, et rien ne dépend de nous, les citoyens serbes. Tout se joue à New York, à Bruxelles, ces élections ne sont que du cinéma ».

Les différents instituts de sondage s’attendent à une participation particulièrement basse, dans un pays où l’on vote toujours très peu. Un réseau d’ONG a lancé une campagne pour essayer de mobiliser les jeunes, en rappelant que, lors des derniers scrutins, 90% des retraités se sont rendus aux urnes, mais seulement 11% des moins de 25 ans... 

Marija, une étudiante de 25 ans, reste sceptique sur l’influence d’une telle campagne. Elle est adhérente du Parti libéral-démocratique (LDP), une petite formation qui milite pour que la Serbie tourne définitivement la page du nationalisme des années 1990. Seul Cedomir Jovanovic, le candidat de ce parti, estime que la Serbie a tout intérêt à laisser le Kosovo devenir indépendant et à se concentrer sur les réformes et l’intégration européenne. Il est crédité, au maximum, de 5% des intentions de vote.

Marija déplore l’apathie politique de ses compagnes d’études. « Les désirs des jeunes de Belgrade sont simples : ils veulent pouvoir voyager librement à travers le monde, vivre dans un pays normal, avoir de bons salaires, mais ils ne croient plus que les élections puissent être une manière de changer les choses ». En 2000, encore lycéenne, Marija a participé aux manifestations qui ont provoqué la chute du régime de Milosevic. « A l’époque, nous pensions que nous allions tout de suite entrer dans un nouveau monde, que l’Europe nous ouvrirait les portes, mais rien n’est venu. Nos dirigeants se sont entredéchirés pour le pouvoir, et l’Europe ne nous offert que des promesses, jamais rien de concret. Aujourd’hui, les jeunes sont désabusés et déçus de la politique ». Mais si Tomislav Nikolic, le candidat de l’extrême droite nationaliste, emportait le scrutin ? « Alors, j’essaierai de quitter la Serbie, comme beaucoup de mes amis, car cela prouverait que rien de bon ne peut venir dans ce pays ».

La Serbie se trouve plus que jamais à la croisée des chemins

La Serbie est un pays qui va incontestablement mieux qu’il y a quelques années, avec un fort taux de croissance et des investissements étrangers qui se multiplient. « Tout le problème est que seule une petite minorité de citoyens ressent les conséquences de ces progrès », note Aco, militant du syndicat indépendant Nezavisnost. « Les retraités et les chômeurs ne vivent pas mieux, et si tous les salaires progressent, les prix grimpent encore plus vite ». Le cocktail détonnant entre les frustrations sociales et les frustrations nationales liées au Kosovo pourrait ouvrir un boulevard à l’extrême droite et aux nostalgiques du régime de Milosevic, qui dénoncent le bilan des courants démocratiques, au pouvoir depuis 2000.

En fait, la Serbie se trouve plus que jamais à la croisée des chemins. Les nationalistes radicaux, ou « modérés » comme le Premier ministre Kostunica, font de la défense du Kosovo leur priorité absolue. Ils sont même prêts à y sacrifier les perspectives d’intégration européenne de la Serbie. À l’inverse, les démocrates de Boris Tadic affirment vouloir sauvegarder le Kosovo, mais sans compromettre les perspectives européennes de la Serbie.

Cette position n’est pas facile à tenir, quand la majorité des pays européens se préparent à reconnaître l’indépendance du Kosovo dans les prochains mois. Cette perspective pourrait susciter une très forte réaction de la Serbie : le plan d’action adopté lundi dernier à Belgrade prévoit la rupture des relations diplomatiques avec les pays qui reconnaîtraient cette indépendance. En guise de « compensation » à la perte probable du Kosovo, la présidence slovène de l’UE a voulu proposer une procédure accélérée d’intégration à la Serbie, mais cette approche est loin de faire l’unanimité parmi les pays européens. En réalité, l’Europe semble bien en peine de définir une politique cohérente envers la Serbie, ce qui affaiblit d’autant la position du président Tadic.

Pour sa part, le candidat Nikolic sait qu’il est plus proche que jamais de la victoire, car il peut compter sur un électorat, souvent paupérisé, rural et vieillissant, mais résolument fidèle et mobilisé. L’issue finale du scrutin se jouera sûrement dans les campagnes ou les quartiers périphériques des grandes villes, où s’entassent, notamment, beaucoup des déplacés chassés du Kosovo.

A écouter

Les enjeux de l'élection présidentielle en Serbie

« Le président sortant, Boris Tadic, du parti démocrate, brigue un second mandat,  [ ...] Son adversaire, Tomislav Nikolic, un ultranationaliste du parti radical [...]. Leur point commun, ils sont ous les deux opposés à l'indépendance du Kosovo. »

20/01/2008 par Patrick Adam

Présidentielle serbe : Les candidats

« Pour Boris Tadic, le Kosovo doit rester en Serbie et la Serbie intégrer l''Europe. Son unique vrai rival est Tomislav Nikolic du parti radical, première force au Parlement... »

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