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Proche-Orient

Rafah, frontière ouverte

Article publié le 24/01/2008 Dernière mise à jour le 24/01/2008 à 07:59 TU

Une marée humaine, des dizaines de milliers de Palestiniens à traverser le mur de béton, puis la clôture métallique entre la bande de Gaza et l'Egypte, ce sont les images que l'on retiendra de cette journée de mercredi dans les Territoires. Le blocus israélien est maintenu mais les Palestiniens ont ouvert à l'explosif des brèches dans la frontière égyptienne. Tous ont pu traverser et s'acheter les produits de première nécessité dont ils sont maintenant presque privés. Cela fait une semaine que la bande de Gaza est isolée. Les policiers de l'autre côté avaient reçu l'ordre de ne pas intervenir.

Des milliers de Palestiniens partent de Rafah pour rejoindre la ville égyptienne d'el-Arich.(Photo : A. Buccianti/RFI)

Des milliers de Palestiniens partent de Rafah pour rejoindre la ville égyptienne d'el-Arich.
(Photo : A. Buccianti/RFI)

De notre envoyé spécial à Rafah, Alexandre Buccianti

« Quels projets ? Nous sommes comme un animal à qui on vient d’ouvrir la porte de la cage. Nous courrons et nous bondissons d’abord. Le reste … on verra », m’a répondu le jeune palestinien avant de sauter dans une camionnette se dirigeant vers el-Arich, la capitale du nord Sinaï. Beaucoup de ceux qui ont quitté Gaza sont âgés d’une vingtaine d’années et partagent ce même état d’esprit. Excédés et au bord de la dépression ils veulent d’abord se défouler loin des Israéliens qui les étouffent et aussi de l’administration moralisante du mouvement islamiste Hamas.

Certains, dans un accès de colère, vont même jusqu’à renier « la patrie ». Une ire tempérée par ce quinquagénaire qui m’explique que ces propos sont le fruit du sentiment de désespoir d’une jeunesse prise entre l’enclume israélienne et le marteau du Hamas. Et de rajouter : « s’ils ne sont pas capables de gérer le pays qu’ils quittent les fauteuils du pouvoir ». Le mouvement islamiste ne semble pas en odeur de sainteté chez beaucoup de ceux qui ont traversé la frontière. Il est vrai que peu sont barbus contrairement à Gaza ou l’attribut capillaire masculin fleuri de plus en plus. Une sorte de preuve d’allégeance au pouvoir à Gaza mais une cause de délit de facies en Egypte.

Mais une fois l’accès de colère terminé, la bonne humeur reprend le dessus et les prisonniers fraîchement libérés se ruent vers les boutiques qu’ils dévalisent à coup de shekels israéliens, la seule monnaie dont ils disposent. Mais la fringale de consommer à sa faim, de fumer comme un pompier se consume vite. Il faut profiter de la liberté et faire la fête. En avant pour el-Arich. En minibus, en taxi, en camionnette et même sur des camions porte-conteneurs, les Palestiniens prennent d’assaut tous les moyens de transport dont les prix commencent à flamber. « On est passé de 10 shekels par tête à trente en une demi-journée », proteste un cafetier intègre qui a refusé d’augmenter les prix comme ses confrères. « On ne va pas s’y mettre nous aussi », me dit-il avant de dire à trois jeunes palestiniens de « laisser tomber le prix du thé ».

Vers dix heures du soir, la ruée vers el-Arich s’est ralentie. Des milliers de retardataires continuent à chercher à rejoindre la grande ville égyptienne mais c’est plutôt l’heure du reflux. L’embouteillage à l’entrée d’el-Arich est monstrueux. Mais il s’agit surtout de ceux qui quittent la ville pour rentrer à Rafah surchargés de produits de première nécessité. Les camionnettes ploient sous le poids des sacs de farine, de riz, de sucre et des jerrycans de carburant. Certains vont en faire le commerce mais la plupart des Gazaouis veulent vite rentrer nourrir la famille.

La principale avenue d’el-Arich qui longe le front de mer est animée jusqu’à une heure tardive de la nuit. Il s’agit surtout de jeunes qui envahissent les cafés et les buvettes. Ils fument le narguilé en regardant la coupe d’Afrique des Nations ou les derniers vidéo clips de chanteuses arabes dénudées. Les plus fortunés, et ils sont rares, se payeront une bière dans un des grands hôtels, seuls habilités à servir de l’alcool. Ceux qui ont de la famille du coté égyptien coucheront chez leurs proches. Nul ne sait si cette euphorie sera éphémère et nul ne s’en soucie encore.

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