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Mauritanie/Israël

Des relations diplomatiques malmenées

par Toufik Benaichouche

Article publié le 01/02/2008 Dernière mise à jour le 02/02/2008 à 09:26 TU

Un soldat bloque la rue où se trouve l'ambassade israélienne de Nouakchott attaquée par des d’hommes armés, ce 1er février 2008.(Photo : Reuters)

Un soldat bloque la rue où se trouve l'ambassade israélienne de Nouakchott attaquée par des d’hommes armés, ce 1er février 2008.
(Photo : Reuters)

Des hommes armés ont attaqué à l'arme automatique, vendredi à 2 heures du matin heure locale, à Nouakchott, l'ambassade d'Israël en Mauritanie, un des rares pays de la Ligue arabe à avoir des relations diplomatiques avec l'Etat hébreu. Trois personnes ont été blessées, dont deux par des balles perdues. Les trois personnes sont toutes de nationalité française. Les assaillants sont trois hommes armés venus à bord d'un véhicule. Ils ont ouvert le feu sur l'ambassade d'Israël et un restaurant à proximité avant de prendre la fuite sous les tirs des gardes de l'ambassade.

« Je confirme que des tirs ont visé notre ambassade, à partir de la rue. Je confirme qu'il n'y a aucun blessé ni parmi le personnel de l'ambassade ni parmi les Mauritaniens » travaillant pour l'ambassade, a déclaré à RFI I'ambassadeur israélien Boaz Bizmuth.

Boaz Bizmuth

Ambassadeur d'Israël en Mauritanie

« Cette relation Israël-Mauritanie est dans une logique de construction, depuis plus de dix ans, qui va vers la paix. »

écouter 0 min 54 sec

01/02/2008 par Frank Weil-Rabaud

Un petit groupe d'hommes armés portant des boubous et enturbannés sont « descendus d'un véhicule, se sont dirigés à pied vers un restaurant à proximité de l'ambassade », selon un témoin. Après quelques minutes, « ils ont dit à haute voix en arabe "allons-y" puis ont crié Allah Akbar (Dieu est grand) et ont tiré » sur l'ambassade, a précisé ce témoin.

Selon l’ambassadeur israélien, l'ambassade était vide lors de l'attaque. Il a également précisé, dans une interview à la radio publique israélienne, « qu'un seul individu avait tiré ». Les gardes, des militaires mauritaniens, ont riposté et les assaillants ont rapidement pris la fuite.

Trois ressortissants français se trouvant près d'un restaurant-discothèque, le VIP, situé à quelques dizaines de mètres de l'ambassade, ont été blessés, selon une source proche de l'enquête.

Le propriétaire du restaurant a été touché par une balle perdue lors de l'attaque. Un autre s'est fracturé le fémur lors du mouvement de panique qui a suivi les tirs. Une Française se trouvant dans la rue a également été touchée par une balle perdue.    

Des relations particulières

La Mauritanie est un des rares pays de la Ligue arabe, avec l'Egypte et la Jordanie, à entretenir des relations diplomatiques avec Israël au rang d'ambassadeur. Mais de plus en plus de voix s'élèvent dans ce pays musulman pour demander la rupture de ces relations, établies en 1999 sous le régime du président Maaouiya Ould Taya, renversé en 2005 par un coup d'Etat militaire.

En septembre 1993, les accords d’Oslo, ratifiés par Yasser Arafat et Itzak Rabin, ont faits sauté quelques verrous dans le monde arabe. Le Qatar, entre autres, ouvre une  représentation commerciale israélienne à Doha, la capitale. Pour le Maghreb, la Tunisie, le Maroc et la Mauritanie acceptent, selon Freedy Etan, qui sera le premier ambassadeur d’Israël à Nouakchott, d’établir des relations diplomatiques avec Israël mais sans pour autant ouvrir des ambassades. Les relations complètes avec l’Etat hébreu sont ajournées et renvoyées au jour où une paix véritable sera conclue au Proche-Orient. Autrement dit, on se contentera pour le moment du niveau le plus bas qui puisse exister dans les relations entre deux Etats : l’établissement de bureau d’intérêt ou de liaison. C’est l’Espagne qui sert, en attendant, de lien entre Israël et la Mauritanie.

En 1999, la Mauritanie franchit le pas et établit des relations diplomatiques pleines et entières avec Israël. Après l’Egypte et la Jordanie, la Mauritanie devient ainsi le troisième pays arabe à nouer des relations diplomatiques avec l’Etat hébreu.

Au fil des mois, des ministres mauritaniens se rendent en Israël et rendent visite à Ariel Sharon dans son ranch du Néguev. Shimon Peres, aujourd’hui président de l’Etat d’Israël, se rend, lui, à Nouakchott. Des députés de la Knesset visitent la Mauritanie où des médecins israéliens s’établissent. La coopération entre les deux pays s’effectue surtout dans le domaine de la santé. Un centre de traitement du cancer, financé par Israël est aujourd’hui presque achevé. Des ophtalmologistes israéliens travaillent en Mauritanie. Des experts et des spécialistes mauritaniens de l’agriculture sont formés en Israël, notamment dans les domaines de l’irrigation au compte-gouttes. En revanche, les relations commerciales entre les deux pays restent limitées.

Entre temps, Nouakchott rompt ses relations diplomatiques avec l’Irak et contrairement à d’autres pays arabes comme le Maroc et la Tunisie, ne gèle pas ses rapports avec Israël lorsque la seconde intifadah est déclenchée en septembre 2000.

Des désaccords au sein de la mouvance présidentielle

Ses rapports ténus posent pourtant problème au sein de la classe politique mauritanienne. Les relations avec l’Etat d’Israël ont été décidées par le président Maaouya Ould Taya renversé en 2005 par un coup d’Etat militaire. Depuis, l’actuel président Sidi Ould Cheikh Abdallahi, élu démocratiquement en mars 2007 propose d’organiser un référendum sur le maintien ou non des relations diplomatiques avec Israël.

Insuffisant, estime l’opposition et même des membres de la mouvance au pouvoir. Ainsi, le président de l’Assemblée, Messoud Ould Boulkheir, également leader de l’Alliance populaire progressiste réclame inlassablement la rupture de ces relations. L’opposition souscrit à cette demande et conjointement avec des partis de la mouvance présidentielle, elle a signé une lettre exigeant la rupture des relations avec Israël, remise la semaine dernière au président mauritanien.

Fin décembre, l’Assemblée nationale avait rejeté, par 43 voix contre 27 et 2 abstentions, un amendement demandant la suppression du budget prévu pour 2008 consacré à la représentation diplomatique mauritanienne en Israël. Le 28 janvier dernier, plusieurs milliers d’étudiants descendent dans les rues de Nouakchott pour protester calmement contre le blocus israélien de la bande de Gaza et demander la fermeture des ambassades respectives. Sans résultats.

A écouter

Mauritanie

Récit de l'attaque par notre correspondante à Nouakchott

01/02/2008 à 17:22 TU

Messaoud Ould Boulkheir

Président de l'Assemblée nationale mauritanienne et chef de l'Alliance populaire progressiste

« La Mauritanie appartient à la Ligue arabe et ce monde arabe auquel nous appartenons a un problème récurrent avec l'Etat d'Israël et qui est sans solution. Et Israël continue de se comporter de manière inacceptable et criminelle. »

01/02/2008 par Monique Mas

Un témoin de l'attaque

« [La fusillade] a bien duré un quart d'heure, on se demande comment on a fait pour qu'il y ait si peu de dégâts. C'était long. »

01/02/2008 par Marie-Pierre Olphand