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Balkans

La Serbie face à un choix décisif

Article publié le 02/02/2008 Dernière mise à jour le 03/02/2008 à 11:58 TU

Débat télévisé qui a opposé les deux candidats Boris Tadic (g) et Tomislav Nikolic, le 30 janvier 2008.(Photo : Reuters)

Débat télévisé qui a opposé les deux candidats Boris Tadic (g) et Tomislav Nikolic, le 30 janvier 2008.
(Photo : Reuters)

C’est une partie capitale pour l’avenir de la Serbie et des Balkans qui se joue dimanche. Les électeurs serbes devront choisir entre le candidat démocrate Boris Tadic et celui de l’extrême droite nationaliste, Tomislav Nikolic, alors que le Kosovo pourrait proclamer très rapidement son indépendance.
Avec notre correspondant à Belgrade, Jean-Arnault Dérens

Belgrade – Depuis le premier tour, la campagne se fait de plus de plus dure, et Boris Tadic dramatise l’enjeu : si son adversaire l’emporte, la Serbie reviendra à l’isolement des années 1990. Les spots de campagne du candidat opposent le « retour en arrière » ou « l’avancée vers l’Europe ».

Lors du débat télévisé qui a opposé les deux candidats, mercredi soir, Tomislav Nikolic, s’est pourtant efforcé de présenter une image « recentrée », en assurant qu’il n’était pas « contre l’Europe », et en accusant son adversaire de chercher à le « diaboliser ».

 « Le camp démocrate veut transformer l’élection en référendum sur l’Europe », explique un journaliste de Belgrade. « C’est un choix qui pourrait se révéler risqué quand l’Europe, de son côté, peine toujours à élaborer un discours cohérent en direction de la Serbie et des Balkans ».

En effet, le sommet des ministres des Affaires étrangères de l’UE, lundi dernier, s’est soldé par un compromis très boiteux. La plupart des pays européens voulaient signer l’Accord de stabilisation et d’association (ASA) avec la Serbie, première étape sur le long chemin de l’intégration. Cette signature était perçue comme une manière d’encourager le camp démocrate, mais les Pays-Bas s’y sont catégoriquement opposés : impossible, selon eux, de donner un feu vert à la Serbie, tant que celle-ci n’aura pas rempli toutes ses obligations envers le Tribunal pénal international de La Haye. Au bout du compte, un compromis boiteux a été élaboré : la Serbie et l’Union européenne devrait signer un « accord politique », encore inédit, le 7 février prochain. Il n’est pas certain que cette annonce suffise à donner plus de crédibilité à la perspective européenne aux yeux des électeurs serbes.

« A quoi joue donc l’Europe ? », s’indigne Svetlana, une électrice belgradoise, militante de toujours de l’opposition à Milosevic et des courants démocratiques. « Elle parle explicitement d’accélérer notre processus d’intégration en dédommagement de la perte annoncée du Kosovo, puis elle se révèle incapable de tenir ses promesses… Au bout du compte, cette valse-hésitation fait uniquement le jeu de Nikolic, qui explique que nous n’avons rien à attendre de Bruxelles et que nous devons tout miser sur l’alliance russe ».

Une responsable du Parti démocratique (DS), sous couvert de l’anonymat, est encore plus directe : « Si l’extrême droite gagne dimanche, l’Europe aura sa part de responsabilité. Certains dirigeants européens croient peut-être, cyniquement, qu’il sera plus facile pour eux de détacher le Kosovo d’une Serbie qui reviendrait à ses vieux démons nationalistes, mais tous les Balkans et l’Europe elle-même mettront des années à se remettre des conséquences que pourrait avoir une victoire de l’extrême droite. C’est toute l’espérance démocratique de notre pays depuis 2000 qui risque d’être détruite. Comment l’Europe envisage-t-elle de reconstruire et de stabiliser les Balkans sans la Serbie ? ».

Chacun camp compte ses forces et ses alliés. Le dirigeant serbe de Bosnie, Milorad Dodik a apporté un soutien public et appuyé à Boris Tadic. Il a été rejoint par plusieurs dirigeants serbes de Croatie et du Monténégro. En effet, une Serbie qui ferait le choix d’un nouvel isolement politique ne serait pas, pour ces Serbes des anciennes Républiques yougoslaves, un soutien bien utile. De même, Oliver Ivanovic, dirigeant serbe du Kosovo favorable au dialogue, a lancé un vibrant appel dans les colonnes du quotidien Dnevnik en faveur du candidat démocrate. Selon lui, une victoire de Nikolic « ouvrirait immédiatement la porte de l’indépendance. Dans cette hypothèse, explique-t-il, la Serbie perdrait le soutien de tous ses amis en Europe, qui ne pourraient plus s’opposer à l’indépendance du Kosovo ».

Boris Tadic dispose d’une légère avance dans les sondages, mais la participation sera sûrement la clé principale du scrutin. Celle-ci avait déjà été exceptionnellement forte lors du premier tour, signe que les électeurs ont bien compris l’importance de l’enjeu. Qui donc, de Nikolic et de Tadic, dispose encore de réserves de voix à jeter dans la bataille ?

Les abstentionnistes se trouveraient plutôt dans le camp démocrate, notamment chez les électeurs jeunes et urbains, souvent déçus de la politique et qui n’étaient guère enthousiasmés par le candidat Tadic. Face à la menace radicale, ils devraient se mobiliser dimanche, mais Tomislav Nikolic, dont les militants quadrillent le pays, n’a peut-être pas dit son dernier mot.

Milienko Dereta

Président de l'ONG serbe Initiatives citoyennes

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