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Guyane française

Sarkozy déclare la guerre aux orpailleurs clandestins

par Frédéric Farine

Article publié le 12/02/2008 Dernière mise à jour le 12/02/2008 à 05:30 TU

A Camopi, Nicolas Sarkozy a annoncé une opération inédite pour lutter contre l'orpaillage clandestin qui pollue les rivières de Guyane depuis quinze ans. Le président de la République compte mobiliser un millier d'hommes. Le GIGN (Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale) est sur place depuis une quinzaine de jours. Mais la montée du cours de l'or complique le combat de la France.

Les Amérindiens de Camopi juste avant l'arrivée en pirogue de Nicolas Sarkozy. Au premier plan Robert Yalalou, un adjoint au maire.(Photo : Frédéric Farine/RFI)

Les Amérindiens de Camopi juste avant l'arrivée en pirogue de Nicolas Sarkozy. Au premier plan Robert Yalalou, un adjoint au maire.
(Photo : Frédéric Farine/RFI)

Alain est infirmier depuis six ans à Camopi, village isolé au sud-est de la Guyane à la frontière du Brésil.  « Depuis 2 ans, les opérations de destruction des sites aurifères illicites ont augmenté », reconnait-il en attendant l'arrivée du président de la République dans cette commune amérindienne isolée à la frontière du Brésil « mais l'orpaillage clandestin se poursuit. A 20 minutes de pirogue, rive brésilienne, il y a un village où transitent des tracteurs, des moteurs, des quads, du carburant, tout le matériel d'orpaillage en partance pour la Guyane. Les policiers brésiliens sont plutôt passifs », regrette-t-il.

«Il n'y a pas de réelle volonté des Brésiliens de lutter contre cet orpaillage illégal. Ce n'est pas chez eux et la seule des frontières où ils n'ont pas d'emmerdes, c'est celle de 700 km avec la France», nous confie un haut-gradé de l'armée pendant le discours du président de la République.

Ce mardi en rencontrant Lula à Saint-Georges-de-l'Oyapock, Nicolas Sarkozy devrait poser le problème. Le 30 novembre dernier, un avion brésilien s'est posé à Camopi pour une opération conjointe avec la France. Les policiers fédéraux brésiliens ont détruit des constructions illégales juste en face de Camopi, à Villa Brasil, sur la rive brésilienne, encore un village où beaucoup se sont enrichis du commerce lié à l'or illicite.

A Camopi, la rivière du même nom dévoile une couleur caramel, plus loin il y a la Sikini et son marron boueux ou encore l'Alikéné de couleur beige. Toutes ces couleurs attestent d'activités aurifères en amont. Nombre de rivières guyanaises ne sont plus que particules en suspension. « Les poissons y meurent », a reconnu Nicolas Sarkozy avant d'ajouter devant les habitants de Camopi « l'Etat n'a pas toujours été irréprochable à votre égard ». En Guyane, en décembre, un sondage a révélé que 75% des interrogés considéraient que la lutte de l'Etat contre l'orpaillage clandestin n'était pas satisfaisante.

Nicolas Sarkozy en discussion à Camopi, sur un tronc de la coutume. A sa droite, le capitaine Bala chef coutumier bushinengué (descendant de noirs marrons) à Maripasoula. A sa gauche, Joseph Chanel, le maire de Camopi.(Photo : Frédéric Farine/RFI)

Nicolas Sarkozy en discussion à Camopi, sur un tronc de la coutume. A sa droite, le capitaine Bala chef coutumier bushinengué (descendant de noirs marrons) à Maripasoula. A sa gauche, Joseph Chanel, le maire de Camopi.
(Photo : Frédéric Farine/RFI)

« Il ne suffit pas de courir après les hommes dans la forêt »

« Les orpailleurs sont très organisés, ils creusent des layons (sentiers) dans la forêt pour éviter le barrage des gendarmes sur la Sikini, puis des pirogues les attendent plus loin », indique René Monerville, piroguier amérindien de Camopi. Aux grands maux les grands remèdes. « A partir de la semaine prochaine, la République va engager 1 000 hommes en Guyane dans une opération qui utilisera des matériels faisant appel à des technologies jamais utilisées sur le territoire français. Elle durera aussi longtemps qu'il le faudra », a annoncé Nicolas Sarkozy.

« Plus de 500 renforts en hommes », selon un proche du président. Une petite dizaine de policiers du GIGN sont présents pour l'action et la formation depuis deux semaines. Selon le général Carpentier, commandant des forces armées « nous devons bénéficier du renfort de deux compagnies soit entre 300 et 400 hommes ». Un Airbus de l'armée est arrivé avec les premiers renforts vendredi 8 février. Deux autres avions sont attendus le 14 et le 16. Les forces de l'ordre bénéficieront pour l'opération d'un Transall et de deux hélicoptères Puma de plus. L'hélicoptère EC145 de la gendarmerie promis par le ministre de l'Intérieur Sarkozy pour Noël 2003 est arrivé fin novembre 2007.

« Cette mobilisation de 1000 hommes est pour une durée indéterminée. On attend de voir avant de juger de son efficacité », a commenté la députée divers-gauche, Chantal Berthelot. Christiane Taubira, l'autre députée Guyane se dit perplexe : « Ce président n'arrive pas à comprendre que ces activités clandestines ont des raisons d'abord économiques et sociales. Ces garimpeiros viennent des Etats pauvres du Brésil. Ils ont aussi envahi le Surinam, le Guyana et le sud du Venezuela. Il ne suffit pas de courir après les hommes dans la forêt amazonienne. Surtout qu'en l'annonçant si pompeusement une semaine avant, on leur permet de se camoufler. On ne pourra pas régler ce problème sans véritable coopération entre la France et le Brésil. Car la hausse du cours de l'or réduit le risque pour l'orpailleur ».

« De grosses opérations en forêt repoussent des illégaux vers le littoral et cela risque d'y augmenter la délinquance. C'est une donnée à prendre en compte », analyse Georges Patient, le maire de Mana (ouest guyanais).

« Nous devons nous attaquer aux commanditaires », a aussi indiqué Nicolas Sarkozy. Un GIR (Groupe d'intervention régional) a été créé en Guyane en octobre 2006 pour remonter les filières de financement de l'orpaillage illicite : « Cela fait un an qu'on nous annonce des mises en examen », glose Christiane Taubira. «Dans les 6 mois à venir, il y a des notables guyanais qui vivent de la logistique de l'orpaillage illicite qui pourraient tomber », assure une source proche du dossier. Fin 2006, selon un document de l'ONF (Office national des forêts) non rendu public, 5 122,8 hectares avaient déjà été exploités illégalement en Guyane.