Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Espagne

Scène de campagne

par Piotr Moszynski

Article publié le 21/02/2008 Dernière mise à jour le 21/02/2008 à 22:58 TU

Le Premier ministre espagnol José Luis Zapatero (g) et le leader du Parti populaire Mariano Rajoy. (Photos : AFP / Montage : RFI)

Le Premier ministre espagnol José Luis Zapatero (g) et le leader du Parti populaire Mariano Rajoy.
(Photos : AFP / Montage : RFI)

La campagne électorale pour les législatives du 9 mars prochain démarre officiellement ce vendredi à 0H en Espagne. Donnés gagnants à coup sûr il y a encore quelques semaines, les socialistes du Premier ministre Zapatero voient leur avance sur la droite dans les sondages se réduire de façon de plus en plus inquiétante.

Selon les dernières enquêtes d’opinion, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) ne devancerait plus son rival de droite, le Parti populaire (PP) de Mariano Rajoy, que de 1,5 à 3 points, ce qui ne dépasse pas le seuil d’une erreur statistique. Autant dire que tout peut arriver, et la droite se remet à y croire. Pour les socialistes, la campagne officielle qui commence ce vendredi est la dernière chance de renverser la tendance et stopper l’érosion de leur électorat, amorcée par une longue « précampagne » jouée assez astucieusement par le PP.

La tâche du peu charismatique Mariano Rajoy – battre le très populaire José Luis Zapatero – n’est pas facile. Le gouvernement socialiste peut se vanter d’un bilan plus qu’honorable. Une croissance de 3,8% en 2007. Le revenu par habitant qui, pour la première fois, dépasse la moyenne de l’Union européenne. Un excédent budgétaire qui permet au PSOE de promettre aux 13 millions de contribuables un généreux cadeau fiscal de 400 euros payable en juin 2008 – à condition, bien évidemment, que les socialistes gagnent les élections. Promesse d’autant plus crédible que celles que Zapatero avait faites il y a quatre ans ont été, pour l’essentiel, tenues – aussi bien sur le plan économique que sociétal. Les socialistes ont réussi à amener une hausse sensible des retraites et du salaire minimum. Ils ont fait voter la loi contre la violence conjugale. Ils ont introduit la parité hommes-femmes et légalisé le mariage homosexuel. Bref, ils ont modernisé le pays malgré une forte opposition de la puissante Eglise catholique espagnole sur le volet sociétal, et – si l’on en croit les sondages – les Espagnols ont apprécié cela.

Qu’est-ce qui se passe ?

Pourquoi donc les sondages pré-électoraux leur apportent-ils des raisons d’inquiétude ? Qu’est-ce qui se passe ? Il se passe que les élections ne pouvaient pas tomber à un meilleur moment pour la droite. Le PP a su prévoir les tendances lourdes, surtout sur le plan économique, et en tirer les dividendes électoraux. Le parti de Mariano Rajoy a abandonné à temps ses attaques contre le gouvernement sur la question basque et le maintien de l’unité nationale espagnole pour se concentrer plutôt sur les nuages qui s’accumulent sur l’économie espagnole avec la fin du boom immobilier dans un contexte d’incertitude financière internationale. Bien visé : les sondages montrent que, malgré les succès incontestables du gouvernement en la matière, une majorité d’Espagnols s’inquiètent, pour la première fois depuis 16 ans, de la situation économique. Ce n’est pas seulement une légère hausse de chômage qui est en cause. On ne peut pas, non plus, reprocher aux Espagnols une angoisse diffuse sans fondement. Leur inquiétude est partagée par les meilleurs professionnels, et pas seulement en Espagne. Une enquête réalisée auprès d’un millier d’économistes dans 90 pays montre que la perception de la situation présente de l’économie mondiale a été révisée à son plus bas niveau depuis la mi-2003. La satisfaction de succès obtenus risque donc de s’estomper devant les peurs sur l’avenir. Ce sont surtout les classes moyennes qui éprouvent cette différence de perception entre l’économie du pays qui va bien et leur situation personnelle qui tend plutôt à se détériorer, principalement à cause de leur endettement croissant et de difficultés toujours plus graves à le rembourser.

Campagne passionnante en vue

Un autre élément de l’ambiance électorale joue en faveur de la droite : l’évolution des attitudes envers l’immigration. Les Espagnols ont traditionnellement perçu l’immigration comme une chance pour leur pays, qui occupe depuis 2003 la deuxième place dans le monde après les Etats-Unis pour le nombre d’immigrants accueillis. Et pourtant, 60% des Espagnols estiment maintenant qu’il y a désormais assez d’immigrants chez eux. Pas étonnant donc que les conservateurs s’engouffrent dans cette brèche – et qu’une hausse du soutien pour leur programme ne se fasse pas attendre. Il suffit d’augmenter encore la pression en s’engageant dans une surenchère sur le programme socialiste et le tour est joué, le PSOE se retrouve en difficulté. Zapatero promet d’augmenter le salaire minimum, de revaloriser les retraites et de doubler le nombre des places disponibles dans les crèches ? Rajoy réplique en promettant la création de 2,2 millions d’emplois et de 400 000 places dans les crèches. Il ajoute la priorité à la lutte contre l’inflation, l’une des plus élevées de la zone euro.

La campagne s’annonce donc passionnante. Ses points d’orgue seront sans doute deux débats télévisés entre José Luis Zapatero et Mariano Rajoy, prévus le 25 février et le 3 mars – premiers duels de ce genre depuis quinze ans. Le résultat des élections dépendra fortement de deux autres facteurs. Le premier, c’est la participation. On considère que l’électorat de la droite se mobilise généralement mieux que celui de la gauche. Une abstention dépassant 30% pourrait signifier la défaite de Zapatero. Le deuxième facteur, quasi impossible à prévoir, c’est le vote de ceux qui se rendent aux urnes pour la première fois. Cette catégorie compte 1,7 million de personnes et peut faire pencher la balance d’un côté ou d’un autre. Quand les sondages donnent les deux parties au coude-à-coude à trois semaines du scrutin, tout reste possible.