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Espagne

L’Eglise espagnole fait campagne contre les socialistes

par François Cardona

Article publié le 01/02/2008 Dernière mise à jour le 01/02/2008 à 22:01 TU

Le président de la Conférence épiscopale espagnole Mgr Ricardo Blazquez.(Photo : AFP)

Le président de la Conférence épiscopale espagnole Mgr Ricardo Blazquez.
(Photo : AFP)

La campagne électorale officielle en vue des législatives du 9 mars prochain n’a pas encore commencé, mais les évêques espagnols ont déjà pris position en faveur de la droite. Dans une « note d’orientation morale » rendue publique jeudi, la Conférence épiscopale critique les lois mises en place par l’actuel gouvernement socialiste. Et pour la première fois, l’Eglise espagnole le condamne pour avoir négocié avec « l’organisation terroriste » ETA.

Aucun parti politique n’est nommément désigné par la Conférence épiscopale espagnole, mais il ne fait aucun doute que le choix électoral des évêques s’est porté sur la droite, incarnée par le Parti populaire (PP). Dans leur « note d’orientation morale » rendue publique jeudi, les évêques espagnols enfourchent de nouveau leur cheval de bataille et condamnent les lois « gravement injustes » mises en place par le gouvernement socialiste de José Luis Zapatero. Ces lois, martèle l’Eglise, « doivent être changées, car elles portent atteinte aux droits fondamentaux ».

L’épiscopat catholique espagnol a visiblement décidé de s’engager dans la campagne électorale en vue des législatives du 9 mars prochain. Un parti pris souligné par le titre exact du document : « Note de la Commission permanente  de la Conférence épiscopale espagnole avant les élections de 2008 ». L’Eglise appelle donc officiellement les catholiques à voter pour des partis et des programmes « compatibles avec la foi et les exigences de la vie chrétienne ». Et selon les évêques, la majeure partie de l’activité législative du Parti socialiste espagnol (PSOE) n’entre pas dans cette catégorie.

« Dictature, discrimination et désordre »

Ce n’est pas la première fois que l’Eglise espagnole prend ainsi position contre le gouvernement actuel. Le 30 décembre dernier, devant une foule compacte de familles rassemblées sur la place principale de Madrid, le cardinal Agustín García-Gasco avait déclaré que les « lois iniques » et la « culture du laïcisme radical » promues par le gouvernement de José Luis Zapatero conduisaient à « la dissolution de la démocratie ».

Ce jeudi, le porte-parole de la Conférence épiscopale, Juan Antonio Martinez Camino, a réitéré ces propos, mais il a enfoncé le clou en déclarant que les lois votées par les socialistes s’éloignent de la raison et de la morale. Par conséquent, elles ne peuvent produire que « la dictature, la discrimination et le désordre » et conduire à une société « dévertébrée, littéralement désorientée, une victime facile de la manipulation, de la corruption et de l’autoritarisme ».

ETA « organisation terroriste »

A aucun moment, que ce soit dans les discours ou dans leur « note », les évêques ne citent le PP ou le PSOE. Mais c’est bien ce dernier qui est visé. Et pour la première fois, l’Eglise espagnole lui reproche d’avoir négocié avec « l’organisation terroriste » séparatiste basque ETA : « Une société qui veut être libre et juste ne peut reconnaître explicitement ou implicitement une organisation terroriste comme représentant politique d’une quelconque couche de la population, et ne peut l’avoir comme interlocuteur politique », souligne la « note » de la Conférence Episcopale, qui épouse donc le discours du Parti populaire. La droite s’était en effet farouchement opposée au « processus de paix » engagé en 2006 par le Premier ministre espagnol avec ETA. Le PSOE n’a donc pas tardé à répondre aux accusations des évêques, en déclarant qu’elles faisaient le lit du Parti populaire : « le Parti populaire avait soutenu les positions du clan le plus dur des évêques et maintenant le clan le plus dur des évêques soutient le Parti populaire ».

Répliques socialistes

Ce vendredi, les socialistes ont également tenu à rappeler à la Conférence épiscopale qu’ils n’étaient pas les premiers à négocier avec ETA : trois chefs de gouvernement de droite (Adolfo Suárez, Felipe González et José Maria Aznar) ont dialogué avec le mouvement séparatiste basque. En 1999, le prédécesseur de José Luis Zapatero, José Maria Aznar, avait même utilisé les bons offices d’un évêque pour servir d’intermédiaire dans les négociations.

Faute d’accord politique, les récentes tentatives de l’actuel Premier ministre socialiste ont, elles aussi, débouché sur un échec. ETA a en effet officiellement repris les armes en juin dernier – quelques mois après avoir commis un attentat meurtrier dans l’aéroport de Madrid, le 30 décembre 2006, alors que le mouvement armé observait un « cessez-le-feu permanent » depuis mars de la même année.

Face à la reprise des attaques, le gouvernement socialiste a donc adopté une politique d’extrême fermeté envers ETA, multipliant les opérations et les interpellations. Ce processus de paix avorté n’avait jusqu’à présent jamais suscité d’opposition franche de l’Eglise catholique. Il avait même reçu le soutien d’une partie de l’épiscopat du Pays basque espagnol.

« Campagne électorale »

En revanche, les évêques espagnols critiquent depuis longtemps un grand nombre de loi mises en place par le gouvernement socialiste. Au premier rang desquelles, le mariage homosexuel et la facilitation du divorce. Deux mesures qui, selon la Conférence épiscopale, font « trembler les bases de la famille ». L’Eglise espagnole reproche également au gouvernement d’avoir supprimé le caractère obligatoire de l’enseignement de la religion catholique au sein de l’école publique.

Dans la perspective des élections législatives de mars prochain, les socialistes brandissent la menace du retour au pouvoir d’une droite radicale et ultra-catholique tel un épouvantail. Et pour l’instant le PSOE est donné gagnant. Ce vendredi, le porte-parole de la Conférence épiscopale a donc tenu à nuancer les déclarations rendues publique la veille : « Les évêques ne sont pas entrés en campagne électorale », a-t-il martelé. Pas encore ?

Audio

La polémique autour de la déclaration de l'Eglise espagnole

« Pour Zapatero, l'Eglise s'en prend à ses pourpalers avec l'ETA et à ses grandes réformes de société dont le mariage homosexuel. »

01/02/2008 par François Musseau

Maria Antonia Armengol

Députée socialiste espagnole

« L'Eglise est en train de s'ingérer directement dans la vie politique de notre pays. »

01/02/2008 par Valérie Lainé

Père Pierre de Charentenay

Rédacteur en chef de la « Revue Etudes »

« C’est un petit peu la guerre et depuis des années, depuis que Zapatero est venu au pouvoir en 2005, l’Eglise a perdu de son influence de manière générale (…) Tout cela crée un climat dans lequel les évêques les plus conservateurs ses sentent mal ».

01/02/2008 par Nathalie Amar

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