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Russie / Présidentielle

La fin d'une non-campagne électorale

Article publié le 26/02/2008 Dernière mise à jour le 26/02/2008 à 17:59 TU

Des femmes transportent un panneau d'information sur l'élection présidentielle.(Photo : Reuters)

Des femmes transportent un panneau d'information sur l'élection présidentielle.
(Photo : Reuters)

Le plus-que-favori Dmitri Medvedev, dauphin du chef d'Etat actuel Vladimir Poutine, est crédité de 60% à 80% des voix pour l'élection présidentielle du 2 mars, selon les sondages. Pour cette campagne jouée d'avance, le pouvoir a choisi de mettre plutôt l'accent sur la participation.

De notre correspondant à Moscou, Alexandre Billette

« Il y a qui, en plus de Medvedev ? Jirinovski, non ? » Elena, pourtant étudiante en journalisme à la prestigieuse université MGU n'a pas tort, mais elle est incapable de nommer les deux autres candidats à l'élection présidentielle qui se déroulera dimanche. Outre le plus-que-favori Dmitri Medvedev, dauphin du président actuel Vladimir Poutine, et Vladimir Jirinovski, leader de l'ultranationaliste Parti libéral-démocrate, il y a deux autres candidats dans la « course » : le communiste Guennadi Ziouganov, et l'obscur Andreï Bogdanov, une marionnette du Kremlin qui fait office « d'opposant » et revendique l'intégration de la Russie à l'Union européenne.

« De toute façon, vu le choix, je n'irai pas voter », conclut Elena pour excuser son ignorance. Et ce ne sont pas les campagnes publicitaires qui pourront aider les Russes à connaître les candidats à la présidentielle : dans les rues de Moscou, pas l'ombre d'une affiche, pas le début d'un slogan pour vanter les mérites de l'un ou de l'autre, à l'exception notable d'une immense affiche représentant Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine à quelques encablures du Kremlin.

Dans le cas de Dmitri Medvedev, pourtant, c'est bien peu nécessaire. Omniprésent à la télévision – mais à titre de vice-Premier ministre, pas de candidat –, on peut le voir visiter un village, caresser les chères têtes blondes d'une école ou s'envoler pour Belgrade, afin d'assurer la Serbie de l'appui russe contre l'indépendance du Kosovo.

Mais hormis l'affiche du Kremlin, les rues moscovites sont désespérément vides de toute propagande électorale. Ou plus précisément, de toute propagande partisane. Pour cette campagne jouée d'avance, où Dmitri Medvedev surfe entre 65 et 80% des voix selon les sondages, le pouvoir a plutôt choisi de mettre l'accent sur la participation.

« Votez pour votre avenir le 2 mars »

Bardés des couleurs nationales, des affiches électorales interpellent donc malgré tout le chaland : « Votez pour votre avenir le 2 mars », « Le 2 mars, un choix pour vos enfants » ou encore la très poétique affiche « Le 2 mars, la première fête du printemps », avec de petits oiseaux virevoltant autour d'un nid dans le décor verdoyant de la campagne russe, chapeauté du logo de la Commission électorale.

Car si, dans les Républiques reculées de la Fédération de Russie ou encore dans le Caucase, le taux de participation et d'appui au Kremlin frôle habituellement les 100% lors des scrutins, selon les chiffres officiels, il en va autrement à Moscou. Lors des élections législatives du 2 décembre dernier, seulement 50% des électeurs de la capitale avaient voté, contre une moyenne nationale de 60%.

Le taux de participation ne change rien à l'affaire : Dmitri Medvedev sera élu haut la main.  Mais pour les gouverneurs des « oblasts » (les départements), des Républiques autonomes ou des « municipalités-régions » que sont Moscou et Saint-Pétersbourg, il en va autrement. Vladimir Poutine a aboli l'élection des gouverneurs, qui sont aujourd'hui nommés par le président russe. Avec l'arrivée d'un nouveau chef au Kremlin, il faut donc montrer fidélité au maître, et un faible taux de participation dans son oblast n'est pas du meilleur effet.

S'assurer d'un bon taux de participation

Dans le cas de Moscou, l'enjeu est différent : l'indéboulonnable Youri Loujkov, aux commandes de la ville depuis 1992 et âgé de 72 ans, devrait finalement se retirer courant 2008, et doit donc préparer sa succession. L'enjeu est d'autant plus important qu'il a mis en place, durant ses 16 années de règne, un système bureaucratique très verrouillé, qu'il a rendu incontournable pour l'achat du moindre terrain ou l'ouverture du moindre commerce sur le territoire de la municipalité de Moscou. Qui plus est, sa femme, Elena Baturina, est à la tête d'une holding qui pèse 7 milliards de dollars, très présente dans divers secteurs d'activités de la capitale, notamment la construction immobilière.

Youri Loujkov veut donc s'assurer d'un bon taux de participation à Moscou dimanche prochain pour pouvoir peser dans le choix de son successeur auprès de Dmitri Medvedev. Il le fait avec un tel zèle qu'on peut le voir en gros plan, sur les affiches électorales avec son éternel béret vissé à la tête, assurer que le 2 mars, il faut « voter pour l'avenir de la Russie ». Le journal Moscow Times nous apprend que Loujkov aurait même pris personnellement la direction des opérations dans les quartiers Nord de Moscou, là où le taux de participation était le plus faible en décembre. A cette occasion, il aurait chiffré ses exigences : 65% d'appui à Medvedev et 70% de participation pour l'ensemble de Moscou.

La pression devrait donc être grande auprès des électeurs dimanche prochain. Entre autres « cibles », les étudiants, notamment ceux qui habitent dans les résidences universitaires. A Moscou, ils n'étaient que 25% à avoir voté en décembre, un nombre qu'il faudra rigoureusement revoir à la hausse. Pour les autorités, il est également plus pratique de « mobiliser » les étudiants des cités-U puisqu'ils votent dans le bâtiment même où ils habitent. Facile, alors, de vérifier qui n'est pas descendu de sa chambre pour aller mettre son bulletin dans l'urne.

Lors des élections législatives, déjà, de nombreux étudiants moscovites racontaient comment ils avaient été « invités » à aller voter : discours du recteur, café et gâteaux gratuits dans le bureau de vote, voire certaines propositions financières pour aller mettre la croix au bon endroit sur le bulletin de vote. Avec la non-campagne électorale qui s'achève et l'absolue apathie politique des électeurs, nul doute que les autorités feront tout ce qui est possible pour convaincre Elena l'étudiante et les abstentionnistes de se rendre jusqu'au bureau de scrutin...

(Photo : AFP)