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Russie

Libertés en berne

par François Cardona

Article publié le 29/02/2008 Dernière mise à jour le 01/03/2008 à 07:46 TU

« Destruction systématique des libertés civiques ». Le dernier rapport d’Amnesty International est sans appel pour la Russie de Poutine. Si le bilan économique du président sortant est plutôt positif (voir l’article « Et le gagnant sera... Medvedev ! »), le règne sans partage du président Poutine s’est accompagné d’une répression des opposants politiques, des représentants de la société civile et des médias. L’élection présidentielle sans suspens de ce week-end vient consacrer l’encadrement politique de la société russe.

Un vendeur de rue à Saint-Pétersbourg montre une poupée russe aux portraits de Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine, le 29 février 2008.(Photo : Reuters)

Un vendeur de rue à Saint-Pétersbourg montre une poupée russe aux portraits de Dmitri Medvedev et Vladimir Poutine, le 29 février 2008.
(Photo : Reuters)

ONG interdites, manifestations violemment réprimées, opposants emprisonnés, médias muselés… Le régime mis en place par le président russe a eu pour conséquence de réduire à néant toute contestation. Au point que Human Rights Watch parle « d’autoritarisme croissant » en Russie ; « les ONG vivent sous la menace », souligne Kenneth Roth, son directeur exécutif.

Quant à « l’espace accordé aux défenseurs des droits de l’homme, aux organisations critiques indépendantes et aux médias », il a été « progressivement restreint ces dernières années », estime Amnesty International, qui dresse un bilan huit ans après l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. La régression des droits civiques s’est accentuée avec l’échéance électorale souligne encore Amnesty International : « l’offensive sur les libertés de rassemblement et d’expression a été particulièrement visible » ces dernières semaines.

Ce week-end donc, Dmitri Medvedev, le dauphin désigné par Vladimir Poutine, sera immanquablement élu président, sans que personne ne vienne gâcher cette victoire attendue.

« Bouffonnerie »

Cette élection présidentielle sans enjeux est l’aboutissement de la stratégie d’étouffement de toute contestation politique entreprise par le Kremlin. D’autant qu’aucun candidat de l’opposition libérale n’a été autorisé à se présenter.

Outre Dmitri Medvedev, les électeurs russes auront donc le choix entre trois candidats : le communiste Guennadi Ziouganov, crédité de 9 à 16% des voix. En janvier dernier, il avait qualifié cette élection de « bouffonnerie », tout en appelant au boycott, avant de se rétracter.

L’ultranationaliste Vladimir Jirinovski, leader du LDPR, est lui crédité de 7 à 14% des voix. Son parti est un fidèle allié du Kremlin. Enfin, Andreï Bogdanov, quasi inconnu du grand public et crédité d’à peine 1% des voix, prône l’adhésion à l’Union Européenne. Il est fortement soupçonné d’être soutenu en sous-main par le Kremlin pour donner un air de pluralisme à une élection qui en manque cruellement.

« Une farce »

Face aux obstacles et aux pressions, tous les opposants politiques ont donc dû jeter l’éponge. A l’image de Gary Kasparov, l’ancien champion du monde d’échecs, qui prévoit d’organiser une manifestation de contestation lundi prochain, au lendemain du scrutin. « Les médias occidentaux doivent cesser de parler de campagne et d’élection, clame-t-il, nous appelons ça une farce ».

La campagne électorale a été dominée par l’omniprésence du candidat du Kremlin, Dmitri Medvedev. Selon une étude effectuée par le Centre des journalistes en situations extrêmes, du 2 au 25 février, les cinq principales chaînes de télévision russes lui ont consacré jusqu’à 17 fois plus de temps d’antenne en prime time qu’à ses trois rivaux réunis. Sans compter les nombreuses apparitions de Vladimir Poutine, qui ne pouvaient qu’être interprétées comme un soutien apporté à son dauphin.

Cette « absence de pluralisme » dans les médias a été condamné par Reporter sans frontières – la  Russie est classée 144ème sur 169 pays dans le classement 2007 de la liberté de la presse établi par RSF.

« Rien ne s’est amélioré »

Le président de la commission électorale russe, Vladimir Tchoukov, a estimé que la campagne électorale avait été menée « sans violations significatives ». Les autorités russes ont accrédité trois cents observateurs pour cette élection – qui se déroule pourtant dans le plus grand pays du monde.

Seule mission occidentale à observer les élections, la délégation de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a déjà déclaré que son communiqué à l’issue du vote « ne sera pas moins sévère que celui (publié) il y a trois semaines, parce que presque rien ne s’est amélioré ».  Dans son précédent rapport, le chef de la délégation s’était inquiété du choix limité offert aux électeurs.

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