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Russie/Présidentielle

Le plébiscite de Medvedev

Article publié le 01/03/2008 Dernière mise à jour le 02/03/2008 à 00:11 TU

109 millions de Russes votent ce dimanche pour confirmer le choix du Kremlin : Dmitri Medvedev, le dauphin du président actuel Vladimir Poutine, devrait ravir entre 60 et 80 % des voix selon les sondages, alors que la campagne qui s'achève a été quasiment inexistante.
Un officier de police, à proximité d'une affiche électorale, à Moscou : «Votez le 2 mars».(Photo : AFP)

Un officier de police, à proximité d'une affiche électorale, à Moscou : «Votez le 2 mars».
(Photo : AFP)

De notre correspondant à Moscou, Alexandre Billette

Les autorités du pays l'ont annoncé sans rire cette semaine : Dmitri Medvedev a officiellement fait un seul jour de campagne électorale, le mercredi 27 février, alors qu'il a pris un « congé sans salaire » de son poste de premier vice-Premier ministre pour rencontrer des électeurs à Nizhni-Novgorod, une grosse ville de la région de la Volga. Il est vrai que de toute évidence, il n'était pas nécessaire d'en faire plus. Les activités quotidiennes du premier vice-Premier ministre Medvedev sont présentées en permanence dans les journaux télévisés, sans être comptabilisées dans le temps d'antenne du candidat Medvedev.  

Dmitri Medvedev.(Photo : Reuters)

L'anecdote illustre somme toute assez bien l'ensemble de cette campagne électorale où le vainqueur était connu avant même le début des hostilités. Le seul suspense était de connaître le choix de Vladimir Poutine pour sa succession ; ce fut chose faite le 10 décembre dernier. Le lendemain, Dmitri Medvedev demandait à Vladimir Poutine de devenir son futur Premier ministre ; les interrogations sur l'avenir du président actuel étaient ainsi levées. 

Dans une Russie où la presse (et surtout, la télévision) est désormais totalement verrouillée par le Kremlin, le seul opposant aux politiques du Kremlin à avoir pu se qualifier pour cette « course » est le candidat communiste Guennadi Ziouganov (entre 8 et 15 % selon les sondages). L'ultra-nationaliste Vladimir Jirinovski (qui soutient habituellement les politiques du Kremlin) obtiendrait moins de 10%, et l'obscur Andréï Bogdanov, candidat pro-européen qui serait appuyé en douce par le Kremlin pour faire office de cache-sexe démocratique, récolterait moins de 1%. 

Alors que la législation électorale russe a été modifiée afin de rendre plus difficile la participation de candidats qui ne sont pas soutenus par un parti politique représenté à la Douma, aucun des opposants dits « libéraux » n'ont réussi à concourir, faut de récolter les deux millions de signatures nécessaires à la participation. Mikhaïl Kassianov, ancien Premier ministre de Poutine passé à l'opposition, a bien réussi à récolter cette énorme pétition, mais la Commission électorale a évoqué de fausses signatures pour écarter le candidat du scrutin présidentiel. 

Une vue du Kremlin.(Photo : wikimedia)

Une vue du Kremlin.
(Photo : wikimedia)

Sans opposition et avec une presse monolithique, le scrutin de dimanche ne promet donc aucune surprise. Ou presque. Depuis quelques semaines, le Kremlin semble s'inquiéter de l'apathie politique chronique qui frappe l'électorat russe, qui pourrait bien bouder les urnes ce week-end. Si les affiches partisanes étaient quasiment absentes des rues durant la campagne électorale, le pouvoir a cependant fait campagne sur le thème du « geste citoyen », exhortant les Russes à aller voter en nombre.  

Ces derniers jours, certaines rumeurs se sont amplifiées, notamment sur l'internet, dernier espace de liberté en Russie : des étudiants de Tver, au nord de Moscou, affirment avoir été menacés d'expulsion s'ils ne se présentaient pas au bureau de scrutin dimanche ; les employés d'une grande chaîne de supermarchés moscovites, Sedmoï Kontinent, ont eux aussi été invités à voter pour le candidat Medvedev, au risque, en cas d'abstention, de perdre des primes de fin d'année. 

Quand ce n'est pas le bâton, c'est la carotte. Ainsi, dans certains bureaux de vote, on promet aux électeurs une tombola ou une loterie sur les lieux du vote. Ailleurs, ce sont des laissez-passer gratuits pour une boîte de nuit qui seront offerts aux plus jeunes, ou des coupons-rabais distribués aux électeurs méritants... 

Le véritable pouvoir a toujours été au Kremlin

Vladimir Poutine.(Photo : AFP)

Mais puisque toute cette campagne électorale s'est déroulée à l'envers, le suspense pourrait peut-être commencer... après le vote. Comment fonctionnera ce duo inédit en Russie à la tête de l'Etat ? Comment Vladimir Poutine va gérer son rôle de Premier ministre, alors que le véritable pouvoir a toujours été au Kremlin ? Et enfin, est-ce que Dmitri Medvedev sera un président sous la coupe de son mentor, ou finira-t-il par « tuer le père » et prendre véritablement ses marques dans la fonction présidentielle ? 

Evidemment, les deux hommes promettent de travailler main dans la main, sans anicroche aucune. Mais déjà, certains détails laissent entrevoir d'éventuels conflits. Il y a deux semaines, lors de sa dernière conférence de presse annuelle à titre de président, Vladimir Poutine affirmait que «  le pouvoir exécutif suprême, c'est le gouvernement russe et le chef du gouvernement » ; quelques jours plus tard, dans un entretien fleuve au magazine Itogui, Dmitri Medvedev répliquait : « Il n'y a pas deux, trois ou cinq centre de décisions politiques. Selon la Constitution, c'est le président et lui seul qui dirige la Russie ». Ambiance... 

Président marionnette ou véritable décideur, reste que le passage de relais au sommet de l'Etat entre Vladimir Poutine et Dmitri Medvedev entraînera forcément des changements. Les kremlinologues devront désormais se pencher sur les détails qui permettront de comprendre le début de la présidence Medvedev – nominations, destitutions et petites phrases... 

Mais d'ici là, les Russes devront aller voter. Ils ont jusqu'à 18h00 TU pour le faire ce dimanche, et les résultats devraient être connus assez rapidement. Quant à l'opposition, emmenée par le champion d'échecs Garry Kasparov, elle a déjà qualifié de « farce » ce scrutin, et a appelé à manifester dans les grandes villes du pays dès lundi.

Dossier spécial

Election présidentielle 2008 en Russie.(Crédit : RFI / AFP)