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Russie

«Medvedev va chercher à donner son empreinte»

Article publié le 03/03/2008 Dernière mise à jour le 04/03/2008 à 01:18 TU

Vladimir Poutine (g) en compagnie du nouveau président russe, Dmitri Medvedev.(Photo : Reuters)

Vladimir Poutine (g) en compagnie du nouveau président russe, Dmitri Medvedev.
(Photo : Reuters)

Au micro de RFI, Thomas Gomart, directeur du centre Russie à l’IFRI, l’Institut Français des Relations Internationales, estime qu’au delà de la continuité politique entre Vladimir Poutine et le nouveau président Dmitri Medvedev, ce dernier pourrait, par la logique des institutions russes, imprimer peu à peu sa marque.

RFI : Dans son premier discours, Medvedev a déclaré : « J’incarnerai ce qu’a incarné Vladimir Poutine. Nous restons sur la même ligne ».

Thomas Gomart.(Photo : DR)

Thomas Gomart.
(Photo : DR)

Thomas Gomart : Absolument. Ces premières déclarations traduisent une volonté très forte de continuation entre les deux équipes. On n’a cessé de voir les deux hommes s’afficher de concert, dimanche soir ils se sont présenté devant la foule tous les deux, Medvedev intervenant le premier, Poutine lui succédant, et je crois qu’effectivement le mot clé c’est celui de continuation entre les deux régimes, et peut-être que progressivement, Medvedev va, pas à pas je pense, chercher à donner son empreinte au cours de la politique russe.

RFI : Existe-t-il une volonté chez Medvedev de se distancer par la suite de Vladimir Poutine, ou pas du tout ?

T.G. : Aujourd’hui, je pense que c’est trop tôt pour dire ça. La vraie question, si vous voulez, c’est la logique des institutions. Les institutions en Russie sont faites pour le président, et par conséquent Medvedev va-t-il accepter d’être un demi-président ? Ce qui, quand on regarde l’histoire russe, est relativement rare… Il a pour lui le pouvoir de nomination, il a les contacts internationaux, il a la maîtrise du calendrier, ce n’est pas rien. Et à l’inverse le Premier ministre n’a autorité que sur les ministères – je dirai techniques et non pas régaliens – qui sont directement rattachés en Russie au président. Par conséquent la logique des institutions veut que Medvedev, pas à pas, s’approprie le pouvoir.

RFI : Ce scrutin a été surveillé par une seule délégation européenne. Est-ce que ça ne jette pas un discrédit sur l’élection de Dmitri Medvedev ?

T. G. : Il faut bien comprendre qu’en Russie la notion d’alternance politique n’existe pas et que la notion de pluralisme n’existe pas. Cela étant dit, en même temps il faut souligner la très forte popularité dont bénéficiait Poutine, qui est réelle même si vu de l’Occident ça peut déplaire… Cette popularité est réelle, parce que les Russes, dans leur très grande majorité, associent le retour de la croissance à la direction de Poutine. Et évidemment Medvedev s’est inscrit dans ce sillage…

RFI : C’est un héritage qu’il entend conserver ?

T.G. : Bien sûr, parce que c’est ce qui lui a permis de construire lui-même sa propre popularité. Une sorte de déplacement de popularité avec une mise à disposition de ce qu’on appelle les ressources administratives, un matraquage médiatique extrêmement fort, qui fait qu’aujourd’hui Medvedev est élu dans de très bonnes conditions, et qu’en même temps, vu de l’extérieur et si j’en crois les félicitations qu’il a reçues, son élection est jugée incontestable par ses principaux partenaires internationaux.

RFI : On sait déjà qu’il veut rester dans les marques de Poutine, mais qu’est-ce qu’on peut attendre de nouveau ? Quel est le visage de la Russie tel qu’on peut l’attendre dans les deux, trois prochaines années ?

T.G. : Dans les deux prochaines années, la continuation du régime, avec une forte croissance, parce que je pense que les prix énergétiques vont rester très élevés. Peut-être des inflexions, des différences de style dans la mesure où Medvedev présente un profil moins martial, moins guerrier que celui de son prédécesseur, cultive une image de technocrate libéral bon teint… Cela étant, il n’y a pas de révolution à attendre, notamment en matière de politique étrangère, au contraire.

RFI : Des contacts peut-être plus faciles avec l’Union Européenne, comme le souhaitait Paris lundi matin ?

T.G. : C’est ce que Medvedev a semblé indiquer. Il souhaite aussi accélérer (mais c’est un peu un serpent de mer de la politique étrangère russe) l’accession à l’Organisation mondiale du commerce… Une attitude effectivement un petit peu plus souple vis-à-vis de l’Union européenne que celle qui était celle de la Russie depuis quelques mois. Cela étant, je ne crois pas du tout qu’il faille attendre de bouleversement, dans la mesure où il y a une unanimité des élites russes, et très large, bien au-delà du camp du Kremlin, pour dire que la Russie est une puissance, et qu’elle doit se comporter en puissance – je dirai respectée – sur la scène internationale. Et ça c’est un trait très fort, quels que soient les dirigeants.

RFI : Est-ce qu’on peut s’attendre à d’éventuels changements de position à l’égard de la Tchétchénie ?

T.G. : Pour les autorités russes aujourd’hui, la Tchétchénie est un problème résolu. C'est-à-dire que la décision militaire a été emportée. Le régime mis en place qui, par l’intermédiaire de Kadirov est un régime complètement inféodé au Kremlin, et que par conséquent, pour le Kremlin aujourd’hui, le problème tchétchène n’existe plus. Il y a des risques de contagion – je parle toujours du point de vue du Kremlin – au Caucase Nord, aux régions avoisinantes, mais si vous voulez, je pense que la Tchétchénie ne représentera pas du tout le même enjeu et la même importance sous Medvedev que lors du premier mandat de Vladimir Poutine.

RFI : On ne va donc presque plus en parler, en définitive…

T.G. : Très probablement. Parce que militairement, la stratégie russe, qui a consisté à décapiter la rébellion a porté ses fruits sur un pur plan strictement militaire… Et que, évidemment, le régime Kadirov, profitant des subsides du Kremlin, parvient plus ou moins à s’installer.

RFI : C’est Dmitri Medvedev qui va choisir son Premier ministre… On sait que normalement ce devrait être Vladimir Poutine. Est-ce qu’il pourrait y avoir une annonce extrêmement surprenante et qu’il dise « non, ce ne sera pas Vladimir Poutine » ?

T.G. : Vous savez, en Russie tout est possible. Dans le contexte actuel, ça semble quand même très difficile. Parce que comme vous l’avez constaté, en Russie on nomme un président, on l’élit ensuite. Et celui qui a « fait » littéralement Medvedev, c’est Poutine. Et donc s’en séparer d’emblée, à un moment où Medvedev n’a pas affirmé son propre pouvoir, ça serait extrêmement risqué.

Propos recueillis par Clémence Denavit

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