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Colombie/Equateur/Venezuela

L’Amérique latine tente de surmonter la crise

par Stefanie Schüler

Article publié le 05/03/2008 Dernière mise à jour le 06/03/2008 à 00:58 TU

Tandis que le Venezuela et l’Equateur déploient leurs armées sur leur frontière avec la Colombie, l’Organisation des Etats américains (OEA) cherche une solution diplomatique au conflit qui oppose les trois pays andins. Mais les différentes positions au sein même de l’OEA compliquent un peu plus la crise provoquée samedi dernier par une attaque de l’armée colombienne contre une base des FARC en Equateur.


Santa Rosa, localité de la province de Sucumbíos, au nord de l'Equateur, où Raul Reyes a été tué le 1er mars.(Carte : M. Gilles-Garcia/RFI)

Santa Rosa, localité de la province de Sucumbíos, au nord de l'Equateur, où Raul Reyes a été tué le 1er mars.
(Carte : M. Gilles-Garcia/RFI)


Le président équatorien, Rafael Correa, sait qu'il a la plupart des pays d'Amérique latine derrière lui. Pratiquement tous ont condamné le raid de l’armée colombienne, samedi dernier, contre une base des FARC sur le territoire équatorien. Une opération qui a tué le numéro deux de la guérilla, Raul Reyes. Les réactions très nombreuses venant des gouvernements de la région ont d’ailleurs incité la Colombie à s’excuser publiquement auprès du « gouvernement colombien et du peuple colombien ».

Mais Rafael Correa n'entend pas en rester là : en tournée régionale qui doit l’amener, après des visites en Pérou et au Brésil, au Venezuela, au Panama et en République Dominicaine, le chef d’Etat équatorien exige que l'Organisation des Etats américains se prononce et condamne l'agression de la Colombie contre son pays.

L’Equateur demande également qu'une mission de l'OEA soit envoyée sur les lieux de l'opération, pour déterminer les circonstances exactes de l’opération colombienne contre le campement des FARC. Car les deux présidents, colombien et équatorien, n’ont pas la même version des faits. Alvaro Uribe affirme que ses troupes auraient agi en légitime défense contre les FARC, tandis que Rafael Correa martèle que les guérilleros dormaient au moment de l’attaque. En conséquence, le chef d’Etat équatorien ne demande pas seulement des excuses de la part d'Alvaro Uribe, mais exige que la Colombie s'engage à ne plus lancer ce genre d'opération.

La Colombie seule contre tous – ou presque

Face à ce bras de fer, les 34 pays membres du conseil permanent de l’Organisation des Etats américains ont rencontré quelques difficultés à s’accorder sur une ligne commune. Une première session, qui s’est tenue mardi à Washington, a été suspendue tard dans la nuit, sans parvenir à un compromis sur la démarche à suivre. 

Car si la plupart des pays latino-américains semblent prêts à condamner conjointement l’action colombienne tout en appelant au calme et à une solution pacifique de la crise, les Etats-Unis sont, eux aussi, membres de l'OEA. Et à Washington, on n’est pas du tout disposé à laisser tomber dans un moment aussi sensible son plus proche allié dans la région, à savoir Alvaro Uribe. C’est ainsi que George W. Bush a téléphoné personnellement à son homologue colombien afin de l’assurer de son soutien le plus total dans ce conflit. Les deux présidents sont sur la même longueur d’onde : tous deux qualifient des FARC d’organisation terroriste, avec laquelle on ne négocie pas. De plus, les Etats-Unis soutiennent la Colombie en matériel et entraînement pour lutter plus efficacement contre le narco trafic. Mais avant tout, Washington considère Alvaro Uribe comme meilleur rempart possible contre l’un de leurs ennemis régionaux : le tonitruant président vénézuélien et son « socialisme du XXI siècle ».  

Il est donc peu probable que les Etats-Unis acceptent une position commune de l’OEA qui pourrait fragiliser le président Uribe, au moment même où Hugo Chavez laisse jouer ses muscles à la frontière entre le Venezuela et la Colombie. Sa décision d’y déployer dix bataillions a été vivement critiquée de toute part. Beaucoup d’Etats voisins estiment, en effet, que le conflit concerne la Colombie et l’Equateur et que l’ingérence provocatrice du Venezuela ne se justifie en rien.  

Les frontières – un sujet sensible en Amérique latine


En Amérique latine, la souveraineté territoriale et les frontières sont un sujet sensible. Le dernier conflit dans la région concernant une frontière remonte à 1995, quand le Pérou et l’Equateur se sont affrontés au sujet de la cordillère du Condor.

Cette zone, longue de 78 km, presque inhabitée mais riche en gisements pétroliers, avait été attribuée au Pérou en 1950. L’Equateur, n’ayant jamais accepté cette décision, déclencha les hostilités qui ont fait en deux mois quelque 200 morts et des centaines de blessés.


Dans la crise actuelle, un rôle central pourrait peut-être revenir au Brésil. Le plus grand pays d'Amérique du Sud entretien des relations cordiales avec l’ensemble des chefs d’Etat impliqués dans ce conflit et est depuis des années un véritable moteur pour plusieurs projets de coopération dans la région.

C’est aussi la raison pour laquelle le gouvernement brésilien semble déterminé de ne pas pousser la Colombie d’avantage dans l’isolement. « Ce qui est sûr, c’est qu’il n’est bon pour personne que la Colombie soit isolée en Amérique du Sud », estime Marco Aureilo Garcia, conseiller spécial du président brésilien Luis Ignacio Lula da Silva dans une interview au Figaro. « Le maintien de cet isolement serait déplorable pour toute la région, alors que nous essayons justement de bâtir une union d’Amérique du Sud, l’Unasur. La prochaine réunion des chefs d’Etats devait avoir lieu à Cartagena, en Colombie, fin mars. Dans les conditions actuelles, cela me semble impossible ».

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