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Ukraine/Russie

Gaz : une pause dans la crise

par Artan Pernaska

Article publié le 05/03/2008 Dernière mise à jour le 05/03/2008 à 23:09 TU

Une nouvelle crise gazière opposait, depuis lundi, Ukraine et Russie. La tension entre les deux pays est tombée aujourd’hui avec l’annonce du rétablissement des livraisons de gaz vers l’Ukraine. Mais, la crise a entre temps ravivé en interne les tensions au sommet de l’Etat ukrainien. Le président Viktor Ioutchenko accusait le Premier ministre Ioulia Timochenko d’empêcher la signature et la mise en application de l’accord de principe que celui-ci avait trouvé avec l’ex-président russe Vladimir Poutine, le 12 février 2008.
Un ouvrier vérifie la pression sur une station de compression de gaz à Boyarka, près de Kiev.(Photo : Reuters)

Un ouvrier vérifie la pression sur une station de compression de gaz à Boyarka, près de Kiev.
(Photo : Reuters)

Une énième crise tendait les relations entre Kiev et Moscou depuis que Gazprom avait fermé en partie les robinets de gaz vers l’Ukraine. Le lundi 3 mars la Russie a réduit du quart, puis de moitié ses livraisons vers le pays voisin. Aujourd’hui, les livraisons reprennent. Le russe Gazprom et l’ukrainien Naftogaz annoncent la fin des limitations pour les consommateurs ukrainiens et promettent que les négociations, pour résoudre l’ensemble des problèmes du dossier de la coopération gazière, entre les deux pays vont continuer. Ioutchenko et Poutine se sont parlé au téléphone et ont trouvé à nouveau les termes d’une détente entre Ukraine et Russie. Mais, le conflit gazier entre Russes et Ukrainiens n’a pas encore trouvé une issue définitive depuis sa naissance en début de l’année 2005. Cette année-là, des pro-occidentaux sont arrivés au pouvoir en Ukraine.

Une valse à trois temps

Premier temps

Le 1er janvier 2006, alors que le monde entier célèbre la nouvelle année, l’Ukraine n’a pas le cœur à la fête. La Russie vient de lui couper ses livraisons de gaz, faute d’un accord sur la hausse du prix de celui-ci. Gazprom, le géant gazier russe, demande 230 $ pour mille mètres cube de gaz, au lieu de 50 $ payés auparavant.

Pendant quelques jours, la presse européenne affiche des photos de vastes paysages enneigés, traversés par de grands tuyaux de gaz avec des robinets fermés. Les perturbations dans l’approvisionnement touchent l’Europe qui subit une vague de froid. 80 % du gaz russe, en direction de l’Europe, passe alors par l’Ukraine.

Le 4 janvier, le russe Gazprom et l’ukrainien Naftogaz trouvent un accord. Le prix du mètre cube sera bien fixé à 230 $, mais l’Ukraine payera 95 $ car une partie de ce gaz transitant par la Russie vient de l’Asie centrale où il coûte moins cher.

Deuxième temps

Le 2 octobre 2007, Gazprom menace de réduire les livraisons de gaz vers l’Ukraine, si cette dernière ne liquide pas, avant la fin du mois, une dette de 1,3 milliard de dollars. Le 9 octobre, un accord est trouvé. Bien que la menace russe n’ait pas été exécutée, elle est intervenue après les élections législatives ukrainiennes et laisse, dans ce pays, le goût d’une tentative pour empêcher la formation d’un gouvernement pro-occidental.

Troisième temps

Le 7 février 2008, Gazprom menace à nouveau de réduire les livraisons de gaz vers l’Ukraine et invoque une dette de 1,5 milliard de dollars. Le 12 février, à l’expiration de l’ultimatum, un accord de principe est trouvé entre le président ukrainien Viktor Ioutchenko et le président russe Vladimir Poutine. Cet accord offre certes une sortie de crise, mais ne satisfait pas tout le monde. Le Premier ministre Ioulia Timochenko n’a pas obtenu l’accord pour lequel elle se battait.

Une cohabitation où l’on se marche sur les pieds

Le 26 février, l’accord de principe entre présidents russe et ukrainien sur le règlement de la dette gazière n’est toujours pas signé par les parties et Gazprom réitère ses menaces. Lundi 3 mars, Gazprom met les menaces à exécution et réduit du quart ses livraisons de gaz vers l’Ukraine. Quelques heures plus tard, les robinets ne sont plus qu’à moitié ouverts et Gazprom n’exclut pas de les refermer encore plus. Si l’accord de principe a été conçu au niveau des présidents des deux pays, l’accord officiel qui devrait le sceller demande l’aval de l’exécutif et une implication du gouvernement ukrainien et de son Premier ministre, Ioulia Timochenko. Celle-ci n’approuve pas tous les termes et attend peut-être de renégocier un accord. Les élections présidentielles en Russie, qui portent à la présidence Dmitri Medvedev, ex-Premier ministre et également chef du conseil d’administration de Gazprom, offrent peut-être un espoir ou une fenêtre à Timochenko.

Des ambitions pour un accord revu à la hausse

Lorsque Gazprom soulève le problème de la dette gazière, l’Ukraine soulève le problème des intermédiaires entre le géant russe et la société gazière ukrainienne. L’accord de principe Ioutchenko-Poutine prévoit le remplacement d’intermédiaires existants par des sociétés mixtes de Gazprom et Naftogaz. Mais, le Premier ministre Timochenko se déclare opposée à la présence de tout intermédiaire entre les deux groupes.

Selon un député du parti de Timochenko cité par le journal russe Kommersant, « de nouveaux accords » seront signés entre Kiev et Moscou.

Horizons politiques

La crise gazière entre les deux pays voisins est émaillée d’implications politiques. Nombreux sont ceux qui pointent le fait que les difficultés entre les deux pays ex-soviétiques sont nées en 2005, après l’arrivée au pouvoir en Ukraine des pro-occidentaux. D’autre part, les deux sociétés nationales gazières Gazprom et Naftogaz sont liées, d’une manière ou d’une autre, intimement au gouvernement et à la politique. Les décisions des sociétés sont portées et défendues au niveau des gouvernements et  peuvent servir, outre les intérêts économiques, une politique délibérée de pression ou de souhait d’émancipation. A terme, l’Ukraine souhaiterait réduire sa dépendance à l’égard de Moscou et s’orienter plus franchement vers les Occidentaux. L’Ukraine, tout comme la Géorgie, a émis le souhait de se rapprocher de l’OTAN. A la veille du sommet de Bucarest (du 2 au 4 avril 2008) qui examinera les candidatures d’adhésion à l’OTAN de 3 pays balkaniques, l’alliance nord-atlantique reconnaît aujourd’hui qu’il n’y a pas en son sein de consensus à un rapprochement éventuel de l’Ukraine et de la Géorgie.

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