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Tibet

La révolte étouffée de Lhassa

par Nicolas Vescovacci

Article publié le 13/03/2008 Dernière mise à jour le 13/03/2008 à 14:56 TU

Ils voulaient marcher de Dharamsala en Inde vers le Tibet pour protester contre les violations des droits de l'homme commises par la Chine dans ce territoire depuis 1951. Mais après quelques jours de marche, une centaine de Tibétains ont été arrêtés par la police indienne. Interdiction aussi de manifester à Lhassa, la capitale du Tibet. Là-bas, la police chinoise a violement réprimé des manifestations de moines bouddhistes. Pékin dit avoir la situation sous contrôle et accuse le dalaï-lama qui vit en exil depuis 1959 d’être à l’origine des protestations.

Arrestation d'un exilé tibétain durant une manifestation devant l'ambassade de Chine en Inde, le 12 mars 2008. (Photo : Reuters)

Arrestation d'un exilé tibétain durant une manifestation devant l'ambassade de Chine en Inde, le 12 mars 2008.
(Photo : Reuters)

« Grâce aux efforts du gouvernement local et de l'administration démocratique des temples, la situation à Lhassa est stable ».  A Pékin, Quin Gang, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères est catégorique : le Tibet n'est pas un problème. Mais la Chine accuse : « Tout cela est soigneusement planifié par la clique du dalaï-lama dans le but d’obtenir la sécession du Tibet et d’empoisonner la vie du peuple tibétain. » L’un des représentants à l’étranger du chef spirituel des tibétains dément. Joint par RFI,  Bashi Wangpo explique que « ces manifestations commémorent les massacres de mars 1959 et sont un symptôme de la situation qui règne au Tibet où la répression des autorités chinoises est croissante. »

Jeux olympiques

Il y a quarante-neuf ans, des dizaines de milliers de Tibétains étaient descendus dans les rues de Lhassa pour dénoncer les violations des droits de l’homme commises depuis l’invasion chinoise en 1951. En quelques jours, l’armée chinoise avait massacré des dizaines de milliers de personnes. (voir encadré)

C’est donc pour commémorer cette répression, à quelques mois des Jeux olympiques, que des centaines de moines tibétains ont bravé l’interdit de manifester pour crier leur colère. Lundi 10 mars, quelque 300 personnes avaient quitté un monastère en direction du palais du Potala, joyau du bouddhisme tibétain afin d’exiger la libération de moines emprisonnés en octobre 2007. Une soixantaine de personnes ont été arrêtées par les forces de l’ordre qui ont également bloqué les routes et encerclé les monastères pour empêcher les manifestations de s’étendre.

Regain de soutien en Occident

Pourtant, deux jours plus tard, le mercredi 12 mars, six cents religieux du monastère de Sera à Lhassa ont pu sortir dans les rues de la capitale du Tibet. Les manifestants réclamaient la libération d’une dizaine des leurs arrêtés au début du mois pour avoir brandi le drapeau tibétain et lancé des slogans pro-indépendance. Les moines ont été chargés par deux mille policiers chinois qui ont dispersé la foule avec des grenades lacrymogènes. A l’approche des JO, les autorités chinoises veulent éviter que cet événement planétaire soit le prétexte à une intensification des revendications tibétaines. Pour le gouvernement, il est n’est pas question de voir ce mouvement de moines déboucher sur des révoltes populaires.

Les dernières déclarations du  Dalaï-lama laissent en effet penser à une radicalisation du mouvement tibétain. Alors que le chef spirituel a toujours opté pour la négociation et le dialogue avec Pékin, celui-ci a violemment dénoncé ce lundi 10 mars dans une déclaration fait à l’occasion du 49e anniversaire de son exil en Inde la répression chinoise au Tibet.

A 72 ans, le lauréat 1989 du prix Nobel de la paix, qui bénéficie depuis six mois d'un regain de soutien en Occident, s'est insurgé contre des « violations des droits de l'Homme » commises par la Chine, dans des proportions « énormes et inimaginables » allant « jusqu'à la négation de la liberté religieuse ». « Depuis près de six décennies, des Tibétains vivent en permanence dans la peur et sous répression chinoise », a-t-il lancé devant ses partisans réunis à Dharamsala dans le nord de l’Inde. Officiellement pourtant, le dalaï-lama ne soutient ni la marche tibétaine qui a été organisée en Inde ni les manifestations à Lhassa.

Bashi Wangpo

Représentant du Dalaï-lama en France

« Les problèmes du Tibet ne sont pas encore résolus : les violations des droits de l’homme et de droits fondamentaux sont en augmentation ».

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13/03/2008 par Georges Abou

Ce que le 10 mars 1959 représente pour les Tibétains

Neuf ans après l’invasion du Tibet par la Chine, des centaines de milliers de civils tibétains se rassemblèrent le 10 mars 1959 à Lhassa, capitale du Tibet, afin de protester contre l’occupation chinoise. Ce mouvement de protestation, porté par une population exaspérée, fut réprimé dans un bain de sang par l’Armée de libération de la République populaire de Chine.

Selon une estimation chinoise, près de 87 000 Tibétains furent massacrés dans le seul Tibet central. Il fallut un peu plus de trois jours à l'armée chinoise pour venir à bout du soulèvement, mais elle ne réussit pas à étouffer le mouvement de résistance qui se répandait dans tout le Tibet.

Le soulèvement du 10 mars et sa répression inconditionnelle eurent pour conséquence la fuite vers l'Inde du dalaï-lama, celle des membres de son gouvernement et d'environ 80 000 Tibétains.

En ce 10 mars, la journée nationale du soulèvement tibétain ne commémore pas seulement les événements de 1959. Elle est également devenue le symbole de la brutalité de la Chine et de sa domination sur le Tibet.