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Arménie

Un climat toujours tendu

par Patrick Adam

Article publié le 21/03/2008 Dernière mise à jour le 21/03/2008 à 21:26 TU

Après plus d’un mois de tension à l’issue de l’élection présidentielle marquée par l’élection de Serge Sarkissian, dauphin désigné du président sortant, Erevan la capitale retrouve un calme apparent. Mais l’image démocratique du pays en sort largement écornée.

Dans les rues d'Erevan, le 1er mars 2008.(Photo : Reuters)

Dans les rues d'Erevan, le 1er mars 2008.
(Photo : Reuters)

L’état d’urgence instauré après les manifestations du début mars a été levé vendredi, pour autant l’atmosphère demeure tendue et les manifestations interdites. Les soldats ont regagné leurs casernes, ils ont été remplacés par un grand nombre de policiers qui ont empêché 1 500 manifestants de se rassembler dans le centre de Erevan. Le président sortant, Robert Kotcharian, a mis en garde l’opposition, estimant qu’il ne fallait « pas organiser de manifestations pendant un certain temps, parce qu’elles vont à l’encontre de la stabilité du pays. » A l’intention des manifestants, il ajoute que « des gens qui ont pris les armes contre les forces de l’ordre sont encore recherchées. »

Mercredi, le Parquet général révélait que cent six personnes avaient été arrêtées dans le cadre de l’enquête sur les violences du 1er mars à Erevan. Les manifestants interpellés sont accusés d’avoir organisé des « manifestations de masse avec violation de la loi » et notamment « d’actions visant à aboutir à un coup d’Etat. » Ces arrestations avaient donné lieu à de véritables chasses à l’homme dans les rangs de l’opposition.

« De la sphère politique à la sphère criminelle »

A l’origine de cette flambée de violences, il y a l’élection présidentielle du 19 février, officiellement remportée par Serge Sarkissian, un proche du président sortant Robert Korcharian dont il était le Premier ministre. L’opposition emmenée par l’ex chef d’état Levon Ter-Petrossian, lui aussi candidat à l’élection présidentielle, dénonce des fraudes massives. Ses partisans évoquent des bourrages d’urnes, de multiples cas d’intimidation d’électeurs et des votes multiples.

Dès le lendemain de l’élection, l’opposition était massivement descendue dans les rues, et c’est après onze jours de protestation que le pouvoir avait violemment dispersé les manifestants. Les heurts avaient entraîné la mort de sept civils et d’un policier. Des dizaines de personnes avaient été blessées, dont bon nombre par balles. Les autorités ont annoncé des poursuites judiciaires à l’encontre de Levon Ter-Petrossian, accusé d’être « passé de la sphère politique à la sphère criminelle », selon les termes du ministre arménien de la Justice.

Avec la levée de l’état d’urgence, la censure imposée aux médias devrait être levée et l’ensemble des libertés publiques restaurées. Mais en début de semaine, le Parlement a pris les devants et adopté une loi visant à empêcher les rassemblements « dans certains cas ». « Une approche répressive, selon le député indépendant Viktor Dallakian, qui va menacer la stabilité fragile existant aujourd’hui dans le pays. »

Sans prendre parti sur le fond, le Conseil de l’Europe demande l’ouverture d’une enquête « impartiale, indépendante et transparente » sur les violences qui ont secoué le pays. Son commissaire aux droits de l’Homme, Thomas Hammarberg, a passé trois jours sur place. Il estime que « la censure instaurée dans le cadre de l’état d’urgence a contribué à diffuser dans la population rumeurs et angoisses sur ce qui se passait au moment où il aurait au contraire fallu adopter des mesures visant à renforcer la confiance. » A l’intention du pouvoir, il enfonce tout de même le clou, affirmant qu’il « semble clair que la police arménienne a besoin de davantage de formation sur les dispositifs anti-émeutes, des fautes graves ayant été commises. »