par Sylvain Biville
Article publié le 03/04/2008 Dernière mise à jour le 04/04/2008 à 08:13 TU
Le 4 avril 1968, Martin Luther King est assassiné à Memphis, Tennessee. Quarante ans après la disparition du porte-drapeau du mouvement des droits civiques, son héritage est revendiqué par les candidats à l’élection présidentielle.
Martin Luther King, le 28 avril 1963, sur les marches du Lincoln Memorial à Washington, d'où il prononça son fameux discours « I have a dream ».
(Photo : AFP)
« Quand Martin Luther King junior a été assassiné, quelque chose est mort en chacun d'entre nous et quelque chose est mort en Amérique », estime John Lewis. Représentant de l’Etat de Géorgie, dans le sud des Etat-Unis, il est actuellement le seul membre du Congrès américain à avoir connu Martin Luther King. « Il a changé ma vie », estime, dans un entretien accordé à la correspondante RFI à Washington, Donaig Le Du, ce héros du mouvement des droits civiques. John Lewis compare les Etats-Unis du début des années 1960 à l’Afrique du Sud de l’apartheid : dans le sud du pays, Blancs et Noirs vont dans des écoles différentes, ils sont séparés dans les transports en commun. Des obstacles insurmontables empêchent les Noirs américains de s’inscrire sur les listes électorales.
Seul membre du Congrès à pouvoir revendiquer avoir connu Martin Luther King
« Grâce à lui, nous avons pu créer un mouvement de masse, une coalition avec des gens de toutes les confessions, de toutes les races, qui croyaient en lui, il personnalisait ce que l'Amérique a de meilleur. »
La lutte non-violente pour l’émancipation des Noirs, dont un jeune pasteur d’Atlanta devient le porte-parole en 1955, finit par faire fléchir le pouvoir politique. « Je fais un rêve, le rêve qu'un jour cette nation se lève et tienne la promesse de son crédo : "Nous tenons pour une évidence que tous les hommes naissent égaux" » déclare Martin Luther King à Washington, en 1963, devant 250 000 personnes. En 1964, le président Lyndon B. Johnson met officiellement fin à la ségrégation en signant le Civil Rights Act. L’année suivant, le Voting Rights Act supprime les restrictions au droit de vote.
« Sans Martin Luther King, il n’y aurait pas de Barack Obama aujourd’hui »
« Grâce au Dr King, nous avons pu créer un mouvement de masse, une coalition avec des gens de toutes confessions, de toutes races, qui croyaient en lui, se souvient John Lewis. Il personnalisait ce que l'Amérique a de meilleur ». Cet ancien compagnon de route du prix Nobel de la paix, âgé aujourd’hui de 68 ans, a longtemps soutenu Hillary Clinton dans la course à la Maison Blanche, au nom de la fidélité à son mari Bill. Puis, en février dernier, après les primaires démocrates dans son Etat de Géorgie, remportés par Barack Obama avec 67% des voix, il a opéré un spectaculaire changement d’alliance. « Il y a un mouvement, un esprit autour de lui qui me rappellent ce pour quoi nous nous sommes battus », explique-t-il avant d’ajouter que « sans Martin Luther King, il n’y aurait pas de Barack Obama aujourd’hui ».
« Certains de ses supporters veulent voir en lui l'héritier du combat pour les droits civiques. »
« L’héritage de Martin Luther King est revalorisé par la candidature Obama », renchérit Dick Howard, professeur à Stony Brook University et auteur de Aux origines de la pensée politique américaine (Ed. Buchet-Chastel). L’assassinat de Martin Luther King correspond à un tournant dans le mouvement d’émancipation des Noirs américains, qui passe d’une culture de la non-violence et d’une quête d’intégration à une forme de résistance, avec le groupe radical des Black Panthers (« Panthères noires »). Parallèlement, la réforme du système électoral permet l’émergence d’une génération d’hommes politiques noirs qui se posent en représentants d’une communauté, à l’instar de Jesse Jackson ou d’Al Sharpton. « Obama, en cherchant à transcender le communautarisme, réactualise le rêve d’intégration de Martin Luther King », analyse Dick Howard.
Impasse raciale
40 ans après l’assassinat du héros des droits civiques, Barack Obama, à qui on a successivement reproché d’être « trop noir » ou « pas assez noir », a reconnu, le mois dernier que les Etats-Unis se trouvaient aujourd’hui dans « une impasse raciale ». Dans un discours présenté par certains comme le plus important depuis « I have a dream », il a pris acte de la colère des Noirs, tout comme du ressentiment des Blancs, et a promis de travailler avec tous pour dépasser ces « blessures raciales » qui continuent à miner la société américaine.
« Le Dr King serait très fier de voir la position dans laquelle de trouve Barack Obama aujourd’hui », affirme le représentant démocrate John Lewis. Les partisans du sénateur de l’Illinois ont tendance à le présenter comme l’héritier naturel de Martin Luther King. Mais aucun des prétendants à la Maison Blanche ne renonce à se revendiquer d’une figure devenue aujourd’hui aussi consensuelle. Hillary Clinton, qui s’était aliéné une partie de la communauté noire en janvier en laissant entendre le rêve de Martin Luther King n’était devenu réalité que grâce au président Johnson, redouble aujourd’hui d’efforts pour honorer la mémoire du pasteur assassiné. Elle a publié une vidéo sur son site internet, dans laquelle elle se targue d’avoir assisté, adolescente, à l’un de ses discours à Chicago. Elle se rend d’ailleurs vendredi, pour le 40e anniversaire de sa mort, à Memphis, où est également attendu le candidat républicain John McCain.
Memphis, 4 avril 1968, 18h01 |
Il est 18h01, le 4 avril 1968. Martin Luther King est sur le balcon du Lorraine Motel à Memphis, Tennessee, dans le sud des Etats-Unis, où il est venu soutenir des éboueurs en grève. Il est abattu d’une balle dans la gorge, par James Earl Ray, un extrémiste ségrégationniste blanc. La veille, le pasteur noir délivrait un dernier discours prémonitoire : « Certains ont commencé à parler des menaces qui se profilaient. Qu'est ce qui pourrait m'arriver de la part d'un de nos frères blancs malades... Comme tout le monde, j'aimerais vivre longtemps. Mais ce n'est pas ce qui m'importe maintenant. Je veux simplement accomplir la volonté de Dieu. Et il m'a permis d’aller au sommet de la montagne! J'ai regardé autour de moi, et j'ai vu la terre promise. » |
« Le Lorraine Motel est aujourd'hui un véritable musée des années 60 »
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