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Crise alimentaire mondiale

Haïti : le président Préval réduit le prix du riz

par Jean-Pierre Boris

Article publié le 14/04/2008 Dernière mise à jour le 14/04/2008 à 17:48 TU

Un marché de Port-au-Prince le 11 avril 2008.(Photo : Reuters)

Un marché de Port-au-Prince le 11 avril 2008.
(Photo : Reuters)

Le président haïtien René Préval devrait consacrer son début de semaine à des consultations pour trouver un successeur au Premier ministre Jacques-Edouard Alexis qui a été renversé la semaine dernière par une motion de censure parlementaire. C’est la conséquence des émeutes de la faim qui ont secoué Port-au-Prince et les principales villes du pays pendant dix jours. L’ONG Médecins Sans Frontières a indiqué le 11 avril avoir pris en charge 170 blessés dont 44 par balles au cours des jours précédents.

Jacques-Edouard Alexis sera resté à la tête du gouvernement haïtien pendant un peu moins de deux ans. Nommé à ce poste en juin 2006, il jouissait encore de la confiance des parlementaires le mois dernier. Ceux-ci la lui avaient renouvelée par un vote. Ils se sont ravisés en raison des émeutes qui ont secoué le pays et de l’incapacité du gouvernement à les endiguer. L’ex-Premier ministre estime pourtant ne pas avoir démérité. Au cours d’une intervention devant le Sénat, avant le vote de défiance qui devait le destituer, Jacques-Edouard Alexis avait souligné ce qu’il estimait devoir être porté à son actif ; à savoir l’amélioration du climat de sécurité dans le pays, l’assainissement des finances publiques, les succès dans la lutte contre la corruption et la contrebande. Cependant, cette ultime intervention n’aura pas eu l’effet escompté par son auteur.

Le Premier ministre Alexis censuré

Sur les dix-sept sénateurs qui siégeaient, seize, détenant la majorité absolue dans un Sénat composé de trente élus, ont estimé que les manifestations des jours précédents constituaient « un désaveu public de la politique économique du gouvernement ». Pourtant, face au mécontentement populaire provoqué par les hausse des prix des denrées alimentaires, au premier rang desquelles le riz, le 4 avril 2008, Jacques-Edouard Alexis avait annoncé une série de mesures destinées à venir en aide à la population.

Au total, c’est 27 millions d’euros qui étaient débloqués. Cette somme devait servir à la création de quelques milliers d’emplois pour les jeunes, à ouvrir des restaurants communautaires et universitaires et à favoriser l’octroi de crédits aux petits entrepreneurs. Mais ces annonces n’avaient pas suffi à calmer la colère populaire. Les émeutes avaient continué, faisant six morts ; cinq dans la population haïtienne et un parmi les casques bleus de la Mission des Nations unies en Haïti (Minustah).

Moins huit dollars le sac de riz                                          

Face au mécontentement général et à l’impossibilité de calmer la population, le président René Préval avait pourtant lui aussi jeté tout son poids dans la bataille pour tenter de sauver son Premier ministre. Dans un premier temps, il prenait la parole pour demander le retour au calme. En vain. Peu avant le vote de la motion de censure, il soulignait que le départ de Jacques-Edouard Alexis ne ferait pas baisser les prix. Il annonçait une baisse de 15% du prix du sac de 23 kilos de riz. Passé en quelques jours de 35 à 70 dollars, le prix de ce sac devait donc redescendre à 62 dollars. « C’est un effort que le gouvernement a consenti, avait-il déclaré lors d’une conférence de presse au Palais national, grâce à des fonds de trois millions de dollars apportés par la communauté internationale ».

En présence des importateurs de riz, le président haïtien précisait aussi qu’il n’était pas question de baisser les taxes douanières sur l’importation de cette céréale. Le faire contribuerait en effet à vider les caisses de l’Etat et favoriserait le riz importé au détriment de la production nationale que le président haïtien veut au contraire encourager. Cependant, le riz n’est pas la seule denrée à avoir augmenté. Le maïs, les haricots, l’huile de cuisson ont augmenté significativement ces derniers mois. Globalement, les analystes chiffrent à 40% la hausse moyenne des produits alimentaires. Il faut y ajouter la hausse des carburants.

Dix millions de dollars de la Banque mondiale

Les autorités haïtiennes peuvent d’ailleurs compter, semble-t-il, sur la communauté financière internationale. La Banque mondiale a ainsi annoncé dimanche 13 avril qu’elle débloquait dix millions de dollars pour aider le gouvernement à répondre à la crise alimentaire. Cette aide vise à « réagir à la hausse des prix de l’alimentation qui devient inabordable pour les familles pauvres » peut-on lire dans un communiqué publié à Washington. Ces fonds devraient servir à augmenter rapidement les programmes de minimas sociaux et les repas dans les écoles. Une mission d’experts de la Banque mondiale va par ailleurs se rendre en Haïti pour rencontrer le gouvernement et les organismes internationaux installés sur place. Coïncidence heureuse, une réunion des donateurs internationaux, qui parrainent l’effort de développement de la République d’Haïti est prévue pour la fin du mois d’avril.

L’intervention des organismes financiers internationaux et des puissances étrangères semble indispensable à la stabilisation des prix alimentaires en Haïti. D’une manière ou d’une autre, les importateurs ne peuvent échapper à la hausse des cours mondiaux et sont dans l’obligation de la répercuter, sauf à voir disparaître leurs entreprises. Mais ces contingences économiques et industrielles ne sauraient être comprises par des estomacs affamés. 80% de la population haïtienne survit avec moins de deux dollars par jour.

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(Photo : AFP)