par Manu Pochez
Article publié le 20/04/2008 Dernière mise à jour le 20/04/2008 à 13:14 TU
Des hauts et des bas
Petite frayeur matinale au moment de partir. Mademoiselle ne veut pas démarrer. Pas d’affolement, tout est en place, l’allumage fonctionne, l’essence arrive, Thierry ne comprend pas. Depuis le départ, le seul carburant que nous avions était du « super » conventionnel, on ne trouvait rien d’autre, hier à Tan Tan, inversement de situation, il n’y a plus que du « sans plomb ». Thierry, désabusé, s’installe devant la deuche pour boire un café, je mets un coup de starter, et toute contente, voilà qu’elle nous fait entendre le ronronnement de son moteur. Après deux petites flatulences bien amenées, la voilà prête à partir, aurait-elle du mal à digérer quelque chose… ?
Quant à la « pipe » (voir l’étape d’hier), le bricolage effectué à Laayoune s’avère tout à fait efficace, mais si en arrivant dans l’hexagone on pouvait avoir la pièce… ce serait royal !
L’étape du jour prévoit de rejoindre Marrakech, située au pied du haut Atlas, dans la plaine de Haouz. Les Almoravides, l’ont fondée au XIe siècle. Elle a toujours été, et demeure aujourd’hui un carrefour économique important du pays. Et rallier par la route Agadir à Marrakech en 2CV, peut relever de l’exploit.
Des hordes de poids lourds hétéroclites l’empruntent quotidiennement dans les deux sens. Notre frêle automobile a eu sa dose d’adrénaline : tantôt, toute fière de dépasser en pleine montée un semi-remorque chargé d’énormes blocs de marbres de plusieurs tonnes qui roule à 15 km/h, tantôt apeurée par un autre camion surpuissant lancé dans la côte pleins phares, prêt à lui lécher le pare-chocs arrière. Non content, ce pervers, une fois la 2CV rabattue, se permettra d’aller doubler un autre poids lourd sur la troisième file de gauche et sans visibilité.
Vous arrivez en face ? C’est à vous de vous écarter sur le bas côté, c’est la loi de la jungle routière. « Ce n’est pas étonnant », nous raconte Saïd, il est pompiste sur cet axe. « L’an dernier, il y a eu plusieurs centaines de morts, rien que sur ce tronçon de moins de 100km ». Les victimes ? « Des passagers d’autocar et des conducteurs de poids lourds principalement ».
Les autorités ont décidé de prendre le taureau par les cornes et d’investir pour la sécurité. La construction de l’autoroute entre Agadir et Marrakech a commencé. Un chantier pharaonique, des viaducs en construction, le gypse a été creusé, taillé, un barrage a même été vidé pour permettre la construction de gros ouvrages.
Mais le chantier est toujours en cours et sur certains tronçons pas encore en travaux, les chèvres profitent de leur derniers moments de liberté.
Nous sommes dans la plaine, la deuche a retrouvé sa vitesse de croisière, bien que le vent soit toujours là. Et plus nous montons vers le nord, plus notre véhicule est admiré, félicité, applaudit, bien que la 4L soit ici omniprésente.
Appels de phares du véhicule qui nous suit, encore un admirateur de la voiture, pense-t-on. Il insiste. Il pourrait tout à fait nous doubler et nous faire un petit signe amical comme les autres mais non, il insiste. Appels de phares répétés, son klaxon s’ajoute aux jeux de lumières, et dans mon rétroviseur, j’aperçois toute la famille nous faire de grands signes, les mains indiquent le bas côté, en décrivant de grands cercles, et en fait ils n’ont pas l’air de sourire. Des policiers en civil ? Avec femmes et enfants, c’est un peu gros. Un braquage en famille ? On n’y croit pas une seule seconde. Une mauvaise blague ? Ils n’ont pas l’air de rigoler. On décide de ralentir doucement, derrière les pouces se lèvent, et on s’arrête. Le conducteur sort de sa voiture et curieusement se précipite vers sa malle arrière. Quelques secondes plus tard, c’est avec… notre roue de secours qu’il nous aborde en s’excusant « désolé, vous avez perdu ça ! », Avec Thierry, nous avons le même reflexe, coup d’œil direct sur la galerie où était arrimée cette fameuse roue. « Merci, au revoir » lance notre ami, qui a déjà démarré sans que nous n’ayons eu le temps de le remercier.
L’arrivée sur Marrakech est interminable, c’est la fin du week-end, les habitants regagnent la capitale de la province. Certains chauffeurs de cars climatisés transportant les touristes se croient tout permis, on passe à deux doigts de la collision avec l’un de ces bandits de la route qui se rabat violemment sur nous. J’aurais été à bord de ce bus, j’aurais fait un scandale quant à la conduite hasardeuse de ce bolide.
Entrés au centre ville, où les forces de l’ordre sont bien visibles, ces chauffards se sont curieusement assagis. Au détour d’une avenue, Thierry me crie dans les oreilles « STOP ! , une deuche ! ».
Elle est sagement garée devant un café, on descend pour tenter d’identifier l’heureux propriétaire qui est peut-être en terrasse. Hélas non, on glisse une carte de visite sous les essuies glaces, en espérant que le conducteur nous appelle avant notre départ de Marrakech…
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