par Piotr Moszynski
Article publié le 15/05/2008 Dernière mise à jour le 15/05/2008 à 17:40 TU
Une vague d’arrestations et d’expulsions des immigrés clandestins confirme la détermination du nouveau gouvernement italien à mettre rapidement en œuvre les promesses électorales de Silvio Berlusconi et de ses alliés en matière sécuritaire. Deux hommes politiques sont en première ligne : le ministre de l’Intérieur, Roberto Maroni, et le maire de Rome, Gianni Alemanno.
La criminalité est, certes, présente parmi les immigrés, mais il serait difficile d’affirmer qu’elle en constitue une exclusivité. Les arrestations de la nuit dernière ont été effectuées, pour la plupart, dans les milieux particulièrement criminogènes : dans les clubs de nuit et dans les locaux connus pour être fréquentés par les fournisseurs de drogue. Outre les Italiens, la police a interpellé des Roumains, des Albanais, des Chinois et des Marocains.
Les Roumains rejetés
Des policiers roumains participaient à l’opération pour prêter main forte à leurs collègues italiens. Une quinzaine d’autres doivent venir de Bucarest en renfort la semaine prochaine. Le ministre roumain de l’Intérieur, Cristian David, s’est rendu jeudi à Rome pour discuter avec son homologue italien, Roberto Maroni, de mesures envisagées par l’Italie contre l’immigration clandestine. Il veut surtout s’assurer que « les réglementations européennes sont respectées ».
Il est vrai que les Roumains, et en particulier les Tziganes d’origine roumaine, font l’objet d’un vif – et parfois violent – rejet parmi la population italienne. Leur nombre est en forte augmentation depuis l’entrée de la Roumanie dans l’Union européenne en janvier 2007. Les sources officielles l’estiment à 342 200. Selon l’organisation catholique Caritas, il pourrait dépasser 550 000. Les Roms sont souvent perçus comme la principale source de l’insécurité. Mardi dernier, quelques jours après une tentative d’enlèvement d’un nourrisson par une Rom de 16 ans, de violents incidents ont éclaté autour de plusieurs campements de Roms dans la périphérie de Naples. Certains ont été incendiés. Dans la soirée, des centaines de personnes, parmi lesquelles des groupes de jeunes armés de bâtons, sont venues manifester autour des divers camps disséminés dans le quartier et jeter des pierres en direction des Roms, qui ont fini par abandonner les deux camps les plus petits pour se réfugier dans le plus important, protégé par la police.
Solutions radicales
Un tel climat social favorise l’apparition de solutions politiques radicales. Ainsi, le nouveau maire de Rome, Gianni Alemanno, ex néo-fasciste élu fin avril, a promis lors de sa campagne électorale que les habitants de la capitale allaient « redevenir maîtres chez eux ». Pour y arriver, il veut notamment expulser les quelque « 20 000 immigrés et clandestins » qui ont, selon lui, « commis des délits et continuent de vivre à Rome ». Au niveau du gouvernement, c’est sous la houlette de Roberto Maroni – ministre de l’Intérieur, mais aussi un responsable du parti xénophobe et populiste de la Ligue du Nord – qu’est préparé un véritable arsenal de mesures contre l’immigration clandestine, avec, principalement, les Roumains en ligne de mire.
Le décret doit être adopté lors de la première session du nouveau Conseil des ministres, prévue à Naples le 21 mai. Il prévoit notamment la création d'un délit d'immigration clandestine puni de 6 mois à 4 ans de prison avec un jugement au plus tard dans les 15 jours de l'arrestation, suivi de l'expulsion immédiate en cas de culpabilité reconnue. Il instituerait aussi des tests ADN pour limiter les possibilités de regroupement familial, prolongerait jusqu'à 18 mois (contre deux actuellement) la période de rétention dans les centres d'accueil pour les étrangers en situation irrégulière. De nouveaux centres de rétention seraient également construits. Parmi d’autres mesures évoquées figurent également l'obligation d'un revenu minimum et légal pour les étrangers, ainsi que celle d'habiter dans un logement décent. Ce programme prévoit aussi le rapatriement des citoyens de l'Union européenne sans ressources ou coupables de délits, la redéfinition du rôle des collectivités locales dans la lutte contre la criminalité, ainsi que de nouvelles mesures anti-mafia. Le gouvernement Berlusconi aimerait également autoriser l’utilisation de vedettes de la Marine pour repousser en haute mer les embarcations transportant des clandestins vers les côtes italiennes. Cependant, cette mesure suscite déjà des résistances. Le chef d’Etat-major des armées a averti qu’elle serait « contraire aux normes internationales en vigueur ».
Résistances
D’autres signaux semblent indiquer que ces mesures risquent de ne pas passer comme une lettre à la poste quand elles arriveront au stade de l’application par la justice. Huit Polonais ont été arrêtés par la police le 13 mai. Avec dix-sept autres compatriotes, ils ont arrangé un petit campement dans un tunnel tout près de la place Saint-Pierre. En bons catholiques, ils cherchaient sans doute la proximité du Saint-Siège, mais surtout un refuge. Ils l’ont d’ailleurs très bien équipé. Ils disposaient (illégalement) du courant électrique, ce qui leur a permis d’y installer des téléviseurs et des réfrigérateurs. Le parquet leur a reproché non seulement de voler le courant, mais aussi d’avoir endommagé le système de ventilation et de bloquer les issues de secours du tunnel. Pourtant, le tribunal est arrivé à la conclusion qu’il n’était pas possible de prouver que c’était eux qui l’avaient fait – et a décidé de les mettre hors de cause et de les libérer. En tant que citoyens de l’UE reconnus non coupables de quelque délit que ce soit, ils ne sont pas expulsables et vont probablement revenir dans leur tunnel.
Gianni Alemanno a beau tempêter que la justice « rend ainsi impossible le travail des services de l’ordre », il doit s’exécuter. Il faut dire que les Polonais ont eu beaucoup plus de chance que des dizaines d’immigrés expulsés sur le champ après l’opération policière la nuit dernière.