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Macédoine

Des élections dominées par les violences inter-albanaises

Article publié le 31/05/2008 Dernière mise à jour le 02/06/2008 à 03:34 TU

Les électeurs de Macédoine sont convoqués aux urnes dimanche pour des élections législatives anticipées. Sept ans après les accords de paix d’Ohrid, la campagne a été dominée par l’escalade de la violence entre les deux factions albanaises rivales.

Affiche du Parti démocratique des Albanais (PDSH) avec le leader de ce parti, Menduh Thaçi.(Photo : T. Mangalakova)

Affiche du Parti démocratique des Albanais (PDSH) avec le leader de ce parti, Menduh Thaçi.
(Photo : T. Mangalakova)

De notre envoyé spécial à Skopje, Jean-Arnault Dérens

Jeudi soir, la situation a bien failli basculer pour de bon à Tetovo, la principale ville albanaise de Macédoine. L’Union démocratique pour l’intégration (BDI), le principal parti albanais du pays, dans l’opposition depuis 2006, tenait son dernier meeting avant les élections de dimanche. Des affrontements ont éclaté avec des militants de la faction rivale, le Parti démocratique des Albanais (PDSH), qui participe au gouvernement du pays.

Dans des circonstances assez confuses, des militants du BDI ont également frappé un adolescent macédonien, suscitant l’intervention de la police. Les heurts se sont généralisés, et des militants du BDI ont bloqué les principales artères de la ville pour demander la libération des manifestants arrêtés la veille. Tetovo est restée bloquée jusqu’à l’aube.

Ces nouveaux affrontements viennent clore la campagne électorale la plus violente que le pays ait connue depuis son accession à l’indépendance, en 1991, et ces violences n’impliquent que les militants des deux factions albanaises, qui se battent farouchement pour le pouvoir.

Depuis l’ouverture de la campagne, on recense plus d’une dizaine de fusillades, les sièges locaux des partis albanais ont souvent été attaqués ou détruits à l’explosif et le dirigeant du BDI, Ali Ahmeti, ancien chef de la guérilla de l’UCK, a été victime d’une tentative d’attentat le 10 mai.

« Une lutte à mort pour le pouvoir »

« Chez les Macédoniens, on sait que Nikola Gruevski, le Premier ministre, va gagner haut la main, mais chez nous, les Albanais, c’est une lutte à mort pour le pouvoir », explique Avdi, un chauffeur de taxi albanais. « Chaque camp essaie d’impressionner les électeurs pour les dissuader de voter pour le parti rival. Pourtant, ajoute-t-il, les deux partis ont le même programme : appliquer toutes les dispositions des accords de paix de 2001, accélérer la décentralisation », reconnaît-il. Impossible de lui faire dire pour qui il va voter : « Cela devient trop dangereux de donner son avis par les temps qui courent ».

D’après les sondages, le BDI, qui regroupe la plupart des anciens combattants de la guérilla albanaise, qui avait failli faire basculer le pays dans la guerre civile en 2001, devrait arriver, encore une fois, largement en tête. Cependant, il est probable que le VMRO-DPMNE du Premier ministre Nikola Gruevski choisira, comme en 2006, de s’allier avec le PDSH. Une vieille connivence afffairiste unit en effet les deux formations. Dans cette hypothèse, les cadres du BDI menacent à mots à peine couverts de reprendre les armes.

Un nouveau casus belli

Les Albanais représentent un quart de la population de la Macédoine, soit environ 500 000 personnes. Malgré les avancées enregistrées depuis les accords de paix d’Ohrid, signés en août 2001, ils s’estiment toujours victimes de discriminations. Ils sont sous-représentés dans l’administration et les emplois publics. Les lois de décentralisation tardent toujours à entrer en vigueur, tandis que les contacts sont toujours plus rares et plus distants entre Albanais et Macédoniens.

« Ce serait bien si nos dirigeants s’occupaient enfin des problèmes réels des gens, et pas de leurs querelles de pouvoir », conclut Avni, le chauffeur de taxi. « Pourquoi le bilinguisme, promis en 2001, n’est-il toujours pas entré en vigueur ? »

Un nouveau casus belli est venu compliquer les relations macédo-albanaises avec l’indépendance du Kosovo voisin, proclamée le 17 février dernier. Au grand dam des Albanais de Macédoine, les autorités de Skopje n’ont toujours pas reconnu cette indépendance et n’envisagent pas de le faire dans un proche avenir. Cette reconnaissance serait mal perçue par la plupart des Macédoniens, qui craignent un risque irrédentiste pour leur pays.

Dans ces conditions, sonné par l’échec essuyé par le pays au dernier sommet de l’OTAN, où la candidature macédonienne a été rejetée à cause du veto grec, Nikola Gruevski essaie de ressouder l’électorat macédonien en jouant de la carte patriotique. Cependant, dans un pays en proie à de sérieux doutes identitaires, la tentation séparatiste pourrait vite resurgir au sein de la communauté albanaise, et les surenchères observées durant la campagne ne présagent rien de bon pour l’avenir.

A écouter

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