par Sophie Malibeaux
Article publié le 02/06/2008 Dernière mise à jour le 02/06/2008 à 21:41 TU
L’attentat, qui a visé lundi l'ambassade du Danemark à Islamabad, n'a pas été revendiqué.
(Photo : Reuters)
D’après les premiers témoignages, tout indique que l’ambassade elle-même était visée par cet attentat. De fait, les autorités danoises se savaient menacées, depuis la re-publication le 13 février dernier d’une caricature de Mahomet dans un journal danois. Cette nouvelle publication d’un dessin représentant la tête du prophète couverte d’un turban en forme de bombe à la mèche allumée avait provoqué des manifestations, notamment au Pakistan et en Jordanie.
Le dispositif de sécurité avait été renforcé dans plusieurs ambassades danoises à la suite d’avertissements adressés par des membres présumés d’al-Qaïda. Le personnel des représentations danoises d’Alger et de Kaboul avait même été déplacé pour poursuivre leur travail dans des endroits tenus secrets. Rien de tel cependant à Islamabad, où l’ambassade est pourtant située à l’extérieur de l’enclave diplomatique, ce qui la rend plus vulnérable.
Les fronts du « dialogue » avec les islamistes
Malgré les protestations des étudiants en religion, descendus dans les rues de Karachi pour brûler le drapeau danois, le climat semblait à l’apaisement depuis l’avènement d’un nouveau gouvernement, affichant sa volonté de renouer le dialogue avec ceux que l’on appelle au Pakistan les « militants », c'est-à-dire les combattants islamistes soutenant le djihad en Afghanistan, depuis les zones tribales de la frontière afghano-pakistanaise.
Un accord local a été conclu dans la vallée de Swat où l’armée a été appelée à intervenir à plusieurs reprises afin de reprendre le contrôle de la région.
L’un des plus virulents pourfendeurs de la guerre contre le terrorisme menée par les Etats-Unis, l’islamiste Baitullah Mehsud, est engagé dans des pourparlers avec le gouvernement pour ramener le calme dans la province frontière du Nord-Ouest où les attentats sont fréquents. Mais le processus n’a pas encore porté ses fruits. Surtout, il est fragilisé par des attaques au missile - imputées aux forces américaines - dans les villages proches de la frontière.
Lundi, dans un village proche de Miransha, chef-lieu du Waziristan du Nord, l’une de ces attaques a détruit plusieurs bâtiments dont une mosquée, selon des sources officielles. Les Etats-Unis, qui ne reconnaissent pas publiquement ces attaques, tirent néanmoins des missiles à partir d’avions sans pilote, des drones qui survolent les zones tribales suspectées de servir de bases arrière aux combattants talibans d’Afghanistan. En mai, une douzaine de personnes ont été tuées de cette façon dans le district de Bajaur, au nord-ouest du pays. En représailles, un kamikaze s’est fait sauter à proximité de locaux fréquentés par des militaires dans la localité de Mardan, faisant 13 morts.
En l’absence de revendication, il reste malgré tout impossible d’imputer l’attentat du lundi 2 juin, à Islamabad, à un groupe d’acteurs précis.
Les fragilités de la nouvelle équipe au pouvoir
Fragilisé dans ses démarches en faveur de la réconciliation avec les milieux fondamentalistes, le gouvernement l’est aussi en son sein, en raison des divergences qui opposent les deux principaux acteurs de la coalition au pouvoir sur la façon de traiter la question de la restauration des juges, démis de leur fonction par le président Musharraf lors de l’état d’urgence de novembre 2007.
Les partisans de Nawaz Sharif, à la tête de la PML-N (Ligue Musulmanne Pakistanaise, tendance Nawaz), n’ont pas tout à fait les mêmes intérêts à défendre que les leaders du Parti du Peuple Pakistan de feue Benazir Bhutto, qui ont bénéficié d’un accord de réconciliation conclu entre l’ancien Premier ministre et le président Musharraf lorsqu’il était encore question entre eux d’un partage du pouvoir. Résultat : la confusion politique semble pouvoir profiter à terme aux deux perdants des dernières élections : d’un côté le président Musharraf, pour l’instant mis sur la touche, de l’autre, les mouvements extrémistes qui tentent d’obtenir le maximum des « négociations » en cours.
14/05/2008 à 14:24 TU