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Sommet de la FAO

3 jours pour trouver un plan d’action

par Myriam Berber

Article publié le 03/06/2008 Dernière mise à jour le 03/06/2008 à 16:42 TU

Jacques Diouf (g), directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), en compagnie de Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies.(Photo : André-Michel Essoungou/RFI)

Jacques Diouf (g), directeur général de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), en compagnie de Ban Ki-moon, secrétaire général des Nations unies.
(Photo : André-Michel Essoungou/RFI)

Le sommet de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) s’est ouvert, mardi 3 juin 2008, pour trois jours à Rome. Plus d’une cinquantaine de chefs d’Etat et de gouvernement sont réunis au siège de l’Institution pour évoquer la crise alimentaire et les solutions à mettre en œuvre pour soutenir l’agriculture dans les pays en développement. Ce sommet sera aussi pour la FAO l’occasion de redorer son image, alors que l’organisation est durement critiquée.

« Le temps des discours est dépassé, le moment de l'action est venu », c'est avec ces mots que Jacques Diouf a ouvert le sommet de Rome. Le directeur général de la FAO, l’agence onusienne spécialisée dans l’agriculture et l’alimentation, estime qu'il faut « faire vite pour ne pas mettre le monde dans une situation dangereuse ». Le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon a, lui aussi, pris la parole pour fixer un objectif très ambitieux: « doubler la production alimentaire d'ici 2050 » pour faire face aux besoins de la population mondiale qui va passer de 6 à 9 milliards d’humains.

Le thème du sommet était initialement l’impact du réchauffement climatique et des biocarburants sur la sécurité alimentaire, mais l’actualité de la flambée des prix des denrées alimentaires a pris le dessus. Les solutions à mettre en œuvre pour juguler la crise, mais aussi pour soutenir les politiques agricoles dans les pays en développement, seront également au centre des discussions lors de ce sommet, comme ce sera le cas au G8 en juillet dernier et à l’Assemblée générale de l'Onu en septembre 2007.

Relancer les cultures vivrières familiales

Selon la Banque mondiale, la cherté de la nourriture est devenue un combat quotidien pour près 2 millions d’individus dans le monde.  Parmi les causes de cette crise sont évoquées la baisse de la production agricole dans les pays en développement, l’augmentation de la consommation dans les pays émergents et le développement des biocarburants. Et sur ce marché tendu, le moindre accident aggrave la situation. « Face à la crise, certains pays ont réagi en limitant les exportations ou en imposant des mesures de contrôle des prix. Ces initiatives ont faussé le fonctionnement des marchés et poussé les prix encore plus à la hausse », a expliqué le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon. Une allusion au Japon et la Chine qui, en limitant leurs stocks, ont contribué à la forte hausse des prix du riz.

De son côté, le président français regrette « l'abandon des cultures vivrières dans les pays en développement ». Au passage, Nicolas Sarkozy a dénoncé « l’erreur stratégique historique » des grands organismes internationaux qui ont encouragé les pays en développement à intensifier des cultures d’exportation comme le coton au détriment des agricultures familiales et vivrières. Pour faire face aux problèmes alimentaires dans le monde, Nicolas Sarkozy propose également de rassembler les scientifiques spécialistes de l’alimentation au sein d’un conseil, comme on l’a fait pour le climat au sein de GIEC.

D'autres dirigeants ont pointé l'essor des biocarburants, des cultures dédiées aux carburants pour les voitures, et non plus pour les assiettes. Selon le secrétaire américain à l’Agriculture, Ed Shafer, les biocarburants ne représenteraient environ que 3% de la hausse totale des prix alimentaires. Mais pour l’ONG Oxfam, l’impact réel s’élève à 30%. Dans un contexte plutôt hostile, Luiz Ignacio Lula da Silva, le président du Brésil, le deuxième producteur d'éthanol après les Etats-Unis, a pris la défense des biocarburants, qui selon lui, ne seront pas responsables de la crise. « Les biocarburants ne sont pas des bandits mais peuvent au contraire devenir un outil important pour sortir les pays de l'insécurité alimentaire », a-t-il argumenté à la tribune.

« Une agence bureaucratique et sclérosée »

Ce sommet sera aussi pour la FAO l’occasion de redorer son image, alors que l’organisation est durement critiquée. En novembre dernier, un audit externe jugeait très sévèrement cette agence dirigée depuis 14 ans par le Sénégalais Jacques Diouf et qui emploie plus de 3 300 personnes, dont les deux tiers travaillent à Rome : « bureaucratique, sclérosée, sans stratégie globale, ni vision de l’avenir, ni projets ambitieux », selon le rapport de cette commission d’experts. Et de citer comme exemple : le tsunami en Asie du Sud-Est où les semences expédiées par l’organisation étaient arrivées trop tard. La perte de confiance dans la FAO est telle que la Banque mondiale lui a préféré la Coordination des Affaires humanitaires de l’ONU pour son aide d’1,2 milliard de dollars.

Comme il l’avait fait, il y a un mois, le président sénégalais Abdoulaye Wade s’en est pris à nouveau à la FAO, à la tribune. Même si il a rendu hommage à son directeur général Jacques Diouf, c’était pour mieux critiquer l’organisation accusée d’assister les pays en développement comme « des mendiants ». Jacques Diouf avance comme argument, pour sa défense, que «la part de l’agriculture dans l’aide au développement est passée de 17% à 3% au cours des vingt dernières années ». Sans compter le fait que la Banque mondiale et la plupart des banques régionales ont, elles aussi, fortement réduit leurs dons et leurs prêts aux filières agricoles dans les pays en développement. La FAO demande 1,7 milliard de dollars pour renforcer la production agricole des pays touchés par la crise.

(Photo : AFP)