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UE/Traité de Lisbonne

Une semaine cruciale pour l’Europe

par Julie Lerat

Article publié le 16/06/2008 Dernière mise à jour le 16/06/2008 à 17:15 TU

Après le « non » irlandais au référendum sur le Traité de Lisbonne, le 12 juin dernier, les 27 cherchent une issue pour sortir de l’impasse institutionnelle. La France, qui prendra la présidence de l’UE d’ici 15 jours, est en première ligne. Nicolas Sarkozy, qui avait imaginé ce « traité simplifié », refuse une renégociation. Les discussions sont engagées pour obtenir un accord politique, attendu par la France avant la fin de la semaine.
Le quartier de Temple Bar à Dublin. Un des endroits où les jeunes travailleurs européens se rencontrent.(Photo: Flickr / Ian Wilson)

Le quartier de Temple Bar à Dublin. Un des endroits où les jeunes travailleurs européens se rencontrent.
(Photo: Flickr / Ian Wilson)

« La France est de retour en Europe », avait lancé fièrement Nicolas Sarkozy au soir même de son élection, le 7 mai 2007. Alors que Paris s’apprête à prendre la présidence de l’Union européenne le 1er juillet prochain, le pays est désormais au cœur d’une Europe en « crise ». Car c’est à la France - qui avait enterré le projet de Constitution européenne en 2005 par un « non » cinglant – que revient la tâche délicate de jouer les médiateurs, pour que le « non » irlandais au traité de Lisbonne n’enraye pas la machine institutionnelle européenne.

Depuis l’annonce des résultats du référendum irlandais - 53,4% de « non » au Traité de Lisbonne - le président français présente ce refus comme un nouveau défi. « Ca ne va pas simplifier (notre) tâche mais pour être passionnant, c’est passionnant », a déclaré Nicolas Sarkozy. « L’Europe, ça a été vécu pour protéger, et tant d’Européens pensent que l’Europe, ça inquiète ! A nous d’en tenir compte, pas dans six mois, tout de suite ».

Pour sa part, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, se veut rassurant. « Ce n’est pas la fin du monde… », a-t-il déclaré dans une interview au quotidien Le Figaro.  Se laissant même aller à une note d’optimisme pour la présidence française à venir : « Paradoxalement, je dirais même que le vote irlandais lui confère une opportunité : si nous parvenons à démontrer qu’en de telles circonstances la présidence française peut rassembler et rassurer, sans renoncer en rien à ses priorités, le but sera atteint ».

La présidence française bousculée

Mais la France sera-t-elle en mesure de maintenir ces priorités? Elle en avait défini quatre : l’agriculture, le changement climatique, l’immigration et la défense. Le « non » irlandais, et le manque de visibilité quant à l’avenir du traité de Lisbonne, ne devraient pas remettre en cause les deux premières.  En revanche, en matière d’immigration, la présidence française comptait sur le renforcement des pouvoirs du Parlement européen pour faciliter l’adoption de nouvelles mesures. Elle devra se contenter des dispositions en vigueur aujourd’hui : les décisions doivent être adoptées par les gouvernements des 27, à l’unanimité.

Les projets de défense risquent également de pâtir du « non » irlandais. Le Traité de Lisbonne prévoyait, pour les pays volontaires, une « coopération structurée permanente » dans ce domaine. Or toute avancée sur le sujet pourrait heurter les Irlandais, très attachés à leur neutralité militaire. Il en va de même pour la fiscalité, un autre sujet cher à la France : la ministre française de l’Economie, Christine Lagarde, ne devrait pas s’attaquer à l’harmonisation de l’assiette d’imposition sur les sociétés. Car une fois encore, le sujet fâche en Irlande. Or la présidence française doit veiller à ne pas irriter l’électorat irlandais, qui pourrait être appelé à se prononcer une seconde fois sur le Traité de Lisbonne.

L’Irlande, appelée à revoter ?

C’est en effet la seule solution sérieusement envisagée, non seulement par Paris, mais aussi par Berlin. Le président français compte sur un nouveau référendum, « de façon à ce que l’incident irlandais ne devienne pas une crise ». La renégociation du traité a d’emblée été exclue. D’autant que l’Irlande avait déjà organisé un second référendum en 2002, après avoir rejeté le Traité de Nice en 2001. L’option d’un second vote est donc envisageable.

Reste à convaincre les 8 pays qui n’ont pas encore ratifié le traité de poursuivre le processus. Si 26 pays adoptent le Traité de Lisbonne, l’Irlande n’aura sans doute pas d’autre choix que de voter à nouveau, car le Premier ministre irlandais Brian Cowen a exclu que son pays ne soit pas membre à part entière de l’Europe. « Je veux que l’Europe essaie de fournir une partie de la solution aussi », a-t-il déclaré. A Bruxelles, on évoque la possible adoption d’une déclaration qui dissiperait les craintes des Irlandais – des garanties sur l’interdiction de l’avortement, la neutralité militaire du pays, et l’octroi d’un droit de veto dans le domaine fiscal. Selon le secrétaire d’Etat français aux Affaires européennes, Jean-Pierre Jouyet, la France compte sur un « accord politique dès la fin de la semaine ». « Nous allons perdre quelques mois sur le plan institutionnel, mais nous ne perdrons pas de temps en ce qui concerne les projets attendus », a-t-il assuré.

Dossier spécial

UE: le rejet irlandais du Traité de Lisbonne crée une nouvelle crise constitutionnelle Photo: AFP