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UE / Immigration clandestine

La «directive retour» devant le Parlement européen

par Julie Lerat

Article publié le 17/06/2008 Dernière mise à jour le 17/06/2008 à 17:50 TU

Le commissaire européen en charge de la Justice et de la Sécurité, Jacques Barrot pendant une conférence de presse à Strasbourg le 17 juin 2008.(Photo : AFP)

Le commissaire européen en charge de la Justice et de la Sécurité, Jacques Barrot pendant une conférence de presse à Strasbourg le 17 juin 2008.
(Photo : AFP)

Le Parlement européen votera ce mercredi la « directive retour », qui vise à harmoniser les mesures d’expulsion des immigrés clandestins au sein de l’Union Européenne. Le projet a suscité de vives polémiques au sein du Parlement, en raison de son caractère répressif. Il devrait, malgré tout, être adopté à une courte majorité.

C’est le début d’un long processus d’harmonisation des politiques en matière d’immigration au niveau européen. La « directive retour », qui fixe les conditions d’expulsion des étrangers en situation irrégulière, était débattue ce mardi devant le Parlement européen, avant un vote prévu mercredi. La majorité des eurodéputés s’accordent sur le fait qu’il est nécessaire d’introduire une plus grande cohérence entre les législations des différents pays de l’UE. Mais la polémique enfle depuis que le texte a été revu par les ministres de l’Intérieur des 27, qui ont renforcé son caractère répressif.

Jusqu’à 18 mois de rétention

Si elle est adoptée par le Parlement européen sans amendement, la « directive retour » prévoit qu’un immigré clandestin aura entre 7 et 30 jours pour choisir un « retour volontaire » – en fonction de l’Etat membre dans lequel il se trouve. S’il ne choisit pas cette option, il sera placé en centre de rétention pour une durée maximum fixée à 6 mois, mais pouvant être prolongée à 18 mois dans certaines conditions – en cas de non coopération de l’étranger ou de difficulté à obtenir les laissez-passer consulaires pour l’expulsion. Une fois « éloignées », les personnes en situation irrégulière se verront interdire l’entrée dans un pays de l’Union européenne pour une durée de 5 ans – une mesure qui ne devait au départ s’appliquer qu’aux personnes n’ayant pas choisi un retour « volontaire ».

A droite, l’eurodéputé Patrick Gaubert (UMP, PPE), parle « d’avancées non négligeables ».  « Certes tout texte est perfectible, mais cette directive constitue une avancée par rapport à ce qui existe aujourd'hui où chaque Etat membre fait ce qu'il veut, parfois de manière inacceptable », écrit-il. La directive prévoit notamment une assistance juridique aux immigrés clandestins, ainsi que des soins médicaux. « Toutes les lignes directrices du Conseil de l'Europe figurent dans la directive, (…) pourquoi toutes ces critiques ? », s’interroge Manfred Weber, rapporteur du Parlement européen pour la « directive retour ».

La « directive de la honte »

Cette directive s’appliquera aux mineurs, même non accompagnés. C’est l’une des raisons qui lui a valu d’être qualifiée par certains eurodéputés de « directive de la honte ». « C’est absolument une violation du respect, en toutes circonstances, de l’intérêt supérieur de l’enfant », regrette Hélène Flautre, eurodéputée du groupe des Verts/ALE, présidente de la sous-commission des Droits de l’homme du Parlement européen.

Autre point sensible du débat, la durée de rétention est « en totale disproportion » avec les nécessités, selon les socialistes Jacques Delors et Michel Rocard. Elle avait été fixée à 3 mois, au départ, avant de passer à 6 mois – prolongeables à 18. Il ne s’agit que d’un plafond. Les 20 pays membres où la durée de rétention est inférieure à 18 mois pourront conserver leur règlementation. En France, la durée de rétention n’est que de 32 jours (mais d’une durée moyenne de 9 jours) ; de 40 jours pour l’Espagne, tandis que seuls 7 pays n’ont pas fixé de date limite. Ce qui fait craindre que certains Etats, aujourd’hui plus souples, ne renforcent leur législation, comme est en train de le faire l’Italie. Le gouvernement italien a en effet annoncé son intention de faire passer la durée de rétention à 18 mois, alors qu’elle n’est aujourd’hui que de 6 mois.

Malgré la levée de boucliers des députés de gauche, les critiques des ONG et même du Vatican, le texte devrait être adopté mercredi à une courte majorité. Les députés du Parti populaire européen et les libéraux, majoritaires au Parlement européen, se sont entendus pour rejeter les amendements présentés par les partis de gauche. Une fois la « directive retour » adoptée, d’autres propositions sur l’immigration seront étudiées, comme la création d’une « carte bleue » européenne, inspirée de la « green card » américaine, ou la mise en place de mesures de répression à l’égard des patrons qui emploient des immigrés clandestins.