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Union européenne

Les enjeux économiques de la présidence française

par Myriam Berber

Article publié le 30/06/2008 Dernière mise à jour le 01/07/2008 à 13:32 TU

Le Premier ministre slovène Janez Jansa passera mardi 1<sup>er</sup>&nbsp;juillet 2008 le relais de la présidence de l’Union européenne au président français Nicolas Sarkozy.(Photo : AFP)

Le Premier ministre slovène Janez Jansa passera mardi 1er juillet 2008 le relais de la présidence de l’Union européenne au président français Nicolas Sarkozy.
(Photo : AFP)

A partir du 1er juillet 2008, la France prend la présidence de l’Union européenne en pleine tempête, après le rejet par les Irlandais du traité de Lisbonne et dans un climat social marqué par la hausse des prix de l’énergie. Ses priorités économiques : réformer la politique agricole commune, faire progresser le système fiscal, mieux réguler la finance mondiale, relancer l’Europe sociale et faire de l’Europe une économie sobre en énergie et carbone.

Politique agricole commune

La crise alimentaire mondiale a redonné une actualité à la modernisation de la Politique agricole (PAC). D’ici la fin de l’année, les Vingt Sept doivent boucler le « bilan de santé de la PAC » prévue depuis la réforme de 2003, avant une remise à plat en 2013. La PAC absorbe quelque 42 milliards d’euros par an. L’objectif de cette réforme est de produire plus et mieux. Pour doper la production agricole, la réforme propose de supprimer les jachères, de lever les quotas sur le lait, de limiter les subventions sur les petites exploitations, de cesser les subventions aux biocarburants et les mécanismes de soutien des prix.

La réforme prévoit également de moduler les aides directes aux agriculteurs  Les sommes libérées continueraient d'être affectées au secteur agricole, non plus comme aides directes aux agriculteurs, mais pour favoriser le développement rural, un concept qui regroupe la protection de l'environnement, la préservation de la biodiversité ou encore l'entretien du paysage. Ces propositions libérales sont bien accueillies par les pays du Nord et le Royaume-Uni qui militent pour une politique agricole commune plus libérale. Au contraire, une vingtaine de pays dont la  France, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Grèce estiment que l’Europe doit continuer à soutenir ses agriculteurs. Le débat risque d’être houleux en raison des revendications des agriculteurs et des pêcheurs qui réclament des aides supplémentaires pour compter la hausse des prix du carburant.

Gouvernance et  fiscalité

La France n’entame pas sa présidence en position de force, vu l’état de ses comptes publics. Elle a renoncé à inscrire dans ses priorités le renforcement de la gouvernance de la zone euro. La Commission européenne vient, en effet, d’adresser une mise en garde à Paris sur ses déficits, dont le creusement lui semble « préoccupant », une situation embarrassante au moment ou Paris est censé montrer l’exemple à ses partenaires. Bruxelles estime que le déficit public en France va se détériorer pour atteindre 2,9% en 2008 et 3% en 2009, soit la limite fixée par le Pacte de stabilité. Surtout, un retour à l’équilibre de ses comptes est désormais mis en doute, alors que Nicolas Sarkozy a déjà obtenu un sursis de deux ans de cet objectif, à l’origine fixé à 2010 pour tous.

Le projet sur l’harmonisation de l’assiette de l’impôt sur les sociétés dans l’UE devrait être fortement freiné. Une telle harmonisation nécessite, en effet, l’unanimité du conseil des ministres. Si le projet est soutenu par la France et l’Allemagne, il n’est en effet pas du tout du gout de l’Irlande. L’autre dossier difficile pour la France est celui du pétrole cher.  La semaine dernière, la proposition de Nicolas Sarkozy de plafonner la TVA pour alléger la facture des consommateurs a été rejetée par plusieurs responsables européens, dont l’Allemagne, la Suède et la Pologne. D’autres pistes ont donc été évoquées comme notamment l’idée d’une taxe « Robin des Bois » sur les profits des compagnies pétrolières, celle d’une taxation sur les mouvements spéculatifs ou encore des mesures ciblées pour les catégories sociales les plus défavorisées. Toutes ces propositions doivent faire l’objet d’un rapport de la Commission européenne pour octobre 2008. Une solution à cette crise est d’autant plus urgente que le doublement du prix du baril conjugué à l’augmentation des prix denrées alimentaires en un an a poussé l’inflation à des niveaux record. En juin, elle a atteint 4% dans la zone euro, bien au dessus de l'objectif fixé par la Banque Centrale Européenne (BCE), qui mise sur un taux légèrement inférieur à 2%.

Régulation de la finance mondiale

La réforme des agences de notation est une priorité pour la France. Mises en cause dans la crise des crédits hypothécaires à risques (« subprimes »), les agences de notation, ont été soupçonnées d’avoir évalué avec trop de complaisance le profil financier d’établissements spécialisés dans les prêts immobiliers. Dès le prochain Conseil Ecofin, le 8 juillet 2008, la France espère obtenir l’accord des Vingt-Sept sur le principe d’un système européen d’enregistrement et de supervision des agences. Objectif : aboutir sur un règlement européen de ces agences d’ici à la fin de la présidence française. 

Europe sociale

La France amorcera trois nouveaux projets de loi qui porteront sur les droits des patients en matière de soins transfrontaliers, la lutte contre les discriminations en dehors du marché du travail et un meilleur fonctionnement des comités d’entreprises européens. Un autre projet concerne la portabilité des droits à retraite complémentaire lorsque le salarié a travaillé dans plusieurs entreprises de l’Union. Le semestre de la présidence française sera également mis à profit pour imposer l’application de plusieurs directives. Deux viennent d’être adoptées sur le temps de travail et l’amélioration des droits des intérimaires. Ces deux textes sociaux majeurs ont été acceptés à la majorité qualifiée du conseil des ministres européens chargés de l’Emploi et des Affaires sociales. Mais ils devront toutefois être approuvés par le Parlement européen. Si les conservateurs du Parlement se sont déclarés satisfaits de l'accord sur le temps de travail, les socialistes, les Verts et les communistes ont annoncé qu’ils rejetteraient ce texte qui autorise les salariés à travailler plus de 48 heures par semaine et sous certaines conditions, jusqu'à 60 ou 65 heures par semaine.

Climat et énergie

L’environnement et l’énergie seront les thèmes majeurs de la présidence française qui devra parvenir avant la fin de l'année à un accord sur la lutte contre le réchauffement climatique. L'Europe souhaite montrer la voie aux Etats-Unis, à la Chine et à l'Inde, juste avant la renégociation du protocole de Kyoto en 2009. L’objectif du paquet « énergie-climat » (PEC) est d’obliger l'UE à réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 20% d'ici à 2020, voire de 30% en cas d'accord au niveau mondial et d’augmenter de 20% les énergies renouvelables, comme l’éolien et le solaire. Reste que les différences entre les Vingt-Sept, dont certains sont engagés dans le nucléaire et d’autres très dépendants du charbon, rendent les négociations ardues. Le coût n’est pas le même suivant les pays de l’Est et de l’Ouest. A titre d’exemple, la Pologne où 96% de l'électricité est produite à partir du charbon, appréhende les nouveaux systèmes des quotas d'émission de gaz à effet de serre. La Pologne n'est pas suffisamment riche pour s'offrir de nouvelles centrales thermiques moins polluantes, ni suffisamment prête pour lancer un programme de  construction de centrales nucléaires.

 

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