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Pologne/Etats-Unis

Bouclier antimissile : la Pologne sous pression

par Julie Lerat

Article publié le 03/07/2008 Dernière mise à jour le 03/07/2008 à 17:13 TU

Contrairement à ce qu’affirmait Washington, la Pologne dément avoir conclu un «accord de principe» au sujet du déploiement du bouclier antimissile américain sur son territoire. Washington voudrait les voir aboutir avant l’élection présidentielle de novembre. La Pologne exige une assistance militaire américaine en échange de sa collaboration.
Le Patriot est le seul système tactique opérationnel pour la défense antimissile balistique.(Photo : www. wsmr-history.org)

Le Patriot est le seul système tactique opérationnel pour la défense antimissile balistique.
(Photo : www. wsmr-history.org)

Côté américain, l’accord semblait conclu ce mercredi. Mais 14 mois de négociations n’ont toujours pas permis aux Etats-Unis de s’entendre avec la Pologne sur le possible déploiement de dix missiles intercepteurs sur son sol. « Les négociations ne sont pas terminées, a déclaré le ministre polonais de la Défense, Bogdan Klich. Nous avons fini un tour des négociations et nous nous trouvons toujours dans la dernière ligne droite », a-t-il précisé.

La veille, un haut responsable américain avait pour sa part assuré à un journaliste, sous couvert d’anonymat, qu’un « accord de principe » avait été trouvé. Le secrétaire d’Etat adjoint chargé des Affaires européennes, Daniel Fried, avait parlé de « réels progrès » dans les négociations, mais se disait « prudent » sur les résultats obtenus.

Exigences polonaises

Les Etats-Unis ont multiplié les pressions sur le gouvernement libéral du Polonais Donald Tusk ces derniers temps, menaçant d’installer les missiles intercepteurs en Lituanie, si la Pologne ne se montrait pas plus coopérative. Ces tentatives de pression sont pourtant restées lettre morte. Mardi, le porte-parole du secrétariat d’Etat américain, Tom Casey, déclarait que Washington ne menait aucune négociation parallèle, « car le but est de conclure un accord avec la Pologne ».

La Pologne est l’un des plus fidèles alliés des Etats-Unis en Europe centrale, comme elle l’a démontré en participant aux interventions militaires en Afghanistan et en Irak. Mais, depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau Premier ministre polonais, en novembre dernier, les négociations sur le bouclier antimissile ont changé de ton. Donald Tusk exige, en effet, des garanties sur la sécurité de son pays, en échange de sa participation au projet américain. Il voudrait obtenir le soutien de Washington pour moderniser son armée, et notamment son propre système de défense antimissiles.

Le temps presse

« Au-delà des missiles, la Pologne demande une assistance militaire, explique Krzysztof Soloch, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (IFRI) et spécialiste des questions de défense en Europe centrale. Elle exigerait 20 milliards de dollars sur 15 ans, d’après des fuites du ministère de la Défense polonais. Aujourd’hui, le montant de l’aide militaire américaine à la Pologne s’élève à 30 millions de dollars par an, contre 3 milliards pour l’Egypte ou pour Israël ». Les Etats-Unis, habitués à obtenir des faveurs de la part de Varsovie sans grande contrepartie, se montreraient réticents jusqu’ici.

Pourtant, le temps presse. Le président George Bush voudrait obtenir un accord sur le bouclier antimissile avant l’élection de son successeur, en novembre prochain. Côté polonais, la stratégie semble être de retarder au maximum la signature d’un accord, afin d’obtenir plus de concessions américaines. « Mais les Polonais ont eux aussi intérêt à conclure un accord avant l’élection américaine. Si c’est John McCain qui l’emporte, cela ne changera rien. Mais Barack Obama, en tête dans les sondages, a plusieurs fois répété qu’il était très hostile au système antimissile », analyse Krzysztof Soloch.

La Pologne, indispensable maillon du bouclier antimissile

Le bouclier antimissile américain est composé de trois systèmes différents, dont deux sont déjà en place - un système terrestre national, basé en Alaska et en Californie, et un système orbital, capable de détruire des missiles à mi-parcours. Le troisième volet du bouclier antimissile est un système terrestre avancé, qui doit être placé sur un site stratégique, à une faible distance du lieu de lancement. Les Etats-Unis ont signé, en avril dernier, un accord avec la République tchèque pour placer sur son territoire un radar perfectionné, d’ici 2011-2013. Le seul maillon manquant de ce système est l’installation de dix missiles intercepteurs, de préférence sur le sol Polonais. La Pologne, allié fidèle des Etats-Unis, se situe sur la trajectoire d’éventuels missiles intercontinentaux tirés depuis l’Iran.