Article publié le 05/07/2008 Dernière mise à jour le 05/07/2008 à 20:14 TU
Le président colombien Alvaro Uribe (g) félicite le chef des Forces armées de Colombie, Freddy Padilla de Leon (d) et le ministre de la Défense Juan Manuel Santos (2e d) pour la libération d'Ingrid Betancourt.
(Photo : AFP)
Avec notre correspondant à Bogota, Eric Samson
« Cette information est totalement fausse. Je ne sais pas d’où elle vient ni pourquoi ». Le ton du ministre colombien de la Défense est énergique. Pas question de laisser ternir l’image d’une opération d’intelligence mondialement saluée comme « une symphonie parfaite », selon l’expression d’Ingrid Betancourt.
« Nous n’avons pas payé un seul peso », a rajouté Juan Manuel Santos alors que la Radio suisse romande affirme que 20 millions de dollars ont été payés pour récupérer les otages. Selon la radio, qui cite une source « proche des événements », le reste de l’opération militaire n’aurait été qu’un simulacre répondant à des objectifs de politique intérieure du président Uribe.
Preuve de la préocupation du gouvernement colombien, le ministre Santos a retardé un voyage de plusieurs heures pour répondre aux questions de la presse colombienne et internationale. « Nous avons une politique de récompenses financières très agressive et très réussie », a-t-il rappelé. « Nous payons pour avoir des informations, et parfois des millions de dollars. Si nous avions payé à cette occasion, nous l’aurions dit car nous voulons que les gens sachent que nous sommes bons payeurs ».
Une « absence de mise en scène »
Pour prouver leurs dires, les autorités ont révélé de nouveaux détails de l’opération « Jaque » (Echec), en particulier une vidéo tournée par des soldats jouant le rôle de journalistes. Les premières images montrent une clairière dans la jungle – une plantation de coca selon Santos – où attendent les otages et leurs gardiens. Voici la vidéo publiée sur Youtube. Soyez patients pour la télécharger.
Selon le général Freddy Padilla de León, commandant des forces armées, et le général Mario Montoya, chef de l’armée de Terre, les 12 membres du commando « ont suivi trois semaines de cours avec des professeurs de théâtre » pour simuler les accents étrangers de la prétendue mission internationale qui devait accompagner les otages vers le campement du nouveau leader des FARC, Alfonso Cano. Tous étaient désarmés pour ne pas inquiéter les geôliers des otages.
La caméra se tourne ensuite vers des otages, en particulier vers une Ingrid Betancourt visiblement de mauvaise humeur. Certains essaient de dénoncer leurs conditions de détention. Les images les montrent avec leurs menottes de plastique jusqu’à l’explosion de joie à l’intérieur de l’hélicoptère lorsque les membres du commando s’identifient.
Si les images correspondent au récit officiel de l’opération, certains s’étonnent de voir une vidéo montée et aucune image du moment où les militaires ont neutralisé « César » et « Gafas », les deux leaders des FARC en charge des otages. Selon le ministre Santos, pourtant, ces images prouvent « l’absence de mise en scène ». « D’ailleurs, ajoute-t-il, nous aurions eu intérêt à montrer des membres des FARC accepter de l’argent contre leurs otages. Cela aurait été encore plus désastreux pour leur image ».
« Une désinformation des FARC »
Couvrant les thèmes de défense pour Caracol Radio, Jair Buitrago n’est pas convaincu par ce dernier point. « Tout le monde sait que le gouvernement paie et paie bien pour avoir des renseignements, c’est pas nouveau… En revanche, que les FARC aient été bernées de cette façon, qu’elles aient volontairement remis leurs otages les plus précieux aux militaires, ça n’a pas de prix pour le gouvernement ».
Au-delà du ministre de la Défense, le vice-président Francisco Santos Calderón a également renforcé le message officiel. Actuellement en Argentine, il a déclaré à une radio de Buenos Aires que la version de la Radio suisse romande était « une désinformation des FARC » due au fait que « de nombreux leaders exilés et certains de ses principaux sympathisants » vivent en Suisse.
Les gouvernement français et américain ont nié le paiement de toute rançon. Durant la réception pour la célébration de l’indépendance, l’ambassadeur américain William Brownfield a, lui aussi, démenti l’information. « Combien avons-nous payé pour la libération des trois citoyens américains ? Zéro. Zéro. Rien. Ni un dollar, ni un peso, ni un euro ».
Le ministre Santos a finalement réaffirmé que l’opération « Jaque » était « 100% colombienne », sans participation d’experts israéliens ou américains comme l’affirment d’autres versions de presse. « Quelle a été la participation américaine ? Aucune. Ils nous ont simplement aidés à installer deux appareils de communication dans l’hélicoptère pour transmettre un SOS. Une sorte de bouton panique ».
La vérité complète sur l’opération « Jaque » sera-t-elle connue un jour ? Jair Buitrago en doute. « Avant le lancement de l’opération, les autorités ont essayé de nous dépister en nous lançant sur de fausses pistes. Il leur faut maintenant protéger leurs informateurs et depister les FARC ».
A écouter
« Je veux être disponible pour la Colombie, je ne sais pas si la meilleure option est une candidature présidentielle... »
06/07/2008
« Je suis très surprise (de n'avoir aucune séquelle)... Je pense que l'esprit aide à ce que le corps tienne. »
06/07/2008
« Des détails de l'opération commencent à être connus, ainsi les militaires colombiens ont été coachés comme des acteurs d'Hollywood...»
06/07/2008 par Anne Toulouse
« Jamais les FARC n'ont répliqué avec la loi du talion jusqu'à présent, mais jamais l'armée colombienne ne leur a infligé un échec aussi cuisant... »
06/07/2008 par Marie-Eve Detoeuf