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France/Union pour la Méditerranée

L’avenir se joue-t-il au Sud ?

par Frédérique Misslin

Article publié le 12/07/2008 Dernière mise à jour le 12/07/2008 à 21:34 TU

Rivaux, frères ennemis et adversaires de toujours réunis autour de la même table, c’est le pari du sommet fondateur de l’Union pour la Méditerranée, ce dimanche 13 juillet. L’affiche politique est alléchante mais sans contenu politique, l’Union pour la Méditerranée semble vouée à l’échec. Les pays du Sud s’interrogent sur leur rôle au sein de cet espace porteur d’espoir mais théâtre de multiples drames.

(Photo : AFP/José Luis Roca)

(Photo : AFP/José Luis Roca)

Une belle affiche politique

Nicolas Sarkozy a dû payer de sa personne mais le résultat est là : une quarantaine de chefs d’Etat et de gouvernement sont attendus dimanche à Paris. Ils vont porter sur les fonts baptismaux l’Union pour la Méditerranée (UPM) et quel que soit le résultat de ce sommet, le président français peut d’ores et déjà s’enorgueillir d’avoir réussi à réunir le Premier ministre israélien Ehud Olmert, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas et le président syrien, Bachar el-Assad. « Pour qui connaît les ressentiments de ces peuples enchevêtrés, cette rencontre est déjà un succès historique », affirme Bernard Kouchner, le ministre français des Affaires étrangères.

Sommet UPM : la sécurité

« Pas moins de 18 000 gendarmes et policiers sont déployés à Paris depuis l'arrivée des chefs d'Etat et de gouvernement... »

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12/07/2008 par Olivier Chermann

A l’Elysée, l’entourage du président français ne cesse de le répéter : « La Méditerranée est au cœur de toutes les grandes problématiques ». Parmi les grands projets au menu de l’UPM : le plan de nettoyage de la mer Méditerranée, Mare Nostrum, en 2020, qui devrait bénéficier d’un premier investissement de 2 milliards de dollars. Autre projet, cher à l’Egypte et à la Grèce, la création d’une sorte d’autoroute de la mer. Enfin, les pays riverains de la Méditerranée devraient travailler à la maîtrise de l’énergie solaire et à la gestion plus efficace des ressources en eau.

Henri Guaino, le conseiller de Nicolas Sarkozy, précise que la grande différence entre le processus de Barcelone et l’UPM réside dans le partage du pouvoir et des responsabilités au Nord et au Sud. Il évoque la nécessaire parité dans les prises de décisions. L’idée est d’impliquer pleinement les populations du Sud dans ces projets et de chercher à obtenir la participation du secteur privé et de la société civile. « Nous voulons faire de la Méditerranée le laboratoire du co-développement », avait dit Nicolas Sarkozy à Tanger, l’année dernière. L’objectif est politique mais le moteur est économique.

Les attentes au Sud

En 1995, le processus de Barcelone n’avait pas réussi à passer l’obstacle que constitue le conflit israélo-palestinien. L’UPM saura-t-elle éviter les chausses-trappes de la politique moyen-orientale ? Bachar el-Assad, le président syrien, estime en tout cas que la France a un rôle à jouer dans le processus de paix au Proche-Orient, traditionnellement parrainé par les Américains et aujourd’hui encore dans l’impasse. Bachar el-Assad arrive à Paris avec deux cartes en main : la reprise récente des pourparlers indirects entre Syriens et Israéliens et la formation d’un gouvernement au Liban.

Nicolas Sarkozy

L'avenir des relations israélo-syriennes vu par le président français

«La France, Bernard Kouchner comme moi-même, encourage le développement des pourparlers, pour l'instant indirects, entre la Syrie et Israël.»

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12/07/2008 par Mehdi Benchelah

Israël espère de son côté que le lancement de l’Union sera la première étape d’une future normalisation de ses relations avec les pays arabes. Malgré tout, pour éviter tout embarras diplomatique, Ehud Olmert et Bachar el-Assad qui dirigent des pays techniquement en guerre, seront placés à bonne distance l’un de l’autre.

Côté palestinien, on précise que « l’Union pour la méditerranée est un pas dans la bonne direction mais qu’aucun projet de coopération régional ne peut fonctionner pleinement si l’occupation israélienne se poursuit ».

Pascal Boniface - l'UPM et le problème israélo-palestinien

Directeur de l’IRIS, l’institut de relations internationales et stratégiques

« Si certains pensent que l'on peut lancer un projet d'Union pour la Méditerranée en laissant de côté le conflit israélo-palestinien, c'est une illusion.»

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12/07/2008 par Benchelah Mehdi

Pour parvenir à rassembler tout le monde, Nicolas Sarkozy, qui assure actuellement la présidence de l’Union européenne, a multiplié les coups de téléphone et dépêché des émissaires dans les capitales du Sud. Ainsi, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan sera finalement présent bien qu’il craigne que l’UPM soit un moyen de maintenir la Turquie en dehors de l’espace européen. Le chef de l’Etat algérien, Abdelaziz Bouteflika, s’est résolu lui aussi à faire le voyage, après avoir entretenu le suspens pendant plusieurs semaines pour deux raisons principales : le contentieux qui oppose l’Algérie au Maroc sur le dossier du Sahara occidental et la présence des Israéliens.

Seule la Libye a ouvertement fustigé le projet estimant qu’il est tout à la fois « effrayant et dangereux ». Le colonel Mouammar Kadhafi s’est même lancé dans une de ses célèbres diatribes il y a un mois sur le thème : «  Nous ne sommes pas des chiens ni des affamés pour que les Européens nous jettent des os ». La Libye est le seul pays à ouvertement boycotter la rencontre.  

La question de l’immigration

Cette nouvelle Union menace-t-elle les organisations régionales du Sud qui existent déjà comme l’Union du Maghreb arabe, l’Union africaine ou la Ligue arabe ? Pour le président sénégalais Abdoulaye Wade, cela ne fait aucun doute : « L’UPM vise à amputer le continent africain de sa partie nord ». La Ligue arabe prend les choses avec plus de philosophie : « Nos Etats membres ne sont liés par aucune clause d’exclusivité ! ».

Quel pays accueillera le Secrétariat général de l’organisation ? La France souhaite que ce soit une nation du Sud et penche en faveur de la Tunisie. Malte et le Maroc se sont également portés candidats.

Enfin, le rapprochement entre les deux rives de la Méditerranée c’est aussi et surtout la question de l’immigration, « choisie » selon l’expression du président français. Elle est au cœur de la réflexion, reconnaît-on à l’Elysée. L’Union pour la Méditerranée regroupe 775 millions d’habitants. Mais, à l’intérieur de cet espace, les déséquilibres ne manquent pas. La moyenne du PIB par habitant dans les pays du Sud riverains de la Méditerranée est de 7 000 dollars contre 26 000 au Nord. Au Sud, certains craignent que la conception de la Méditerranée des Européens soit celle d’une banlieue livrée à un partenariat inégal. Les opinions publiques ont du mal à accepter que l’UPM puisse limiter davantage l’accès au portes de l’Europe d’autant que les pays du Sud seront probablement sollicités pour jouer les auxiliaires de police anti-migratoire alors que ces pays du Sud auraient souhaité un assouplissement de la circulation des hommes et des biens.

Dossier spécial

(Photo : ESA)