par Oihana Gabriel
Article publié le 17/07/2008 Dernière mise à jour le 17/07/2008 à 20:45 TU
Nicolas Sarkozy, alors que la France préside depuis le 1er juillet l’Union européenne, a provoqué la colère en Irlande en déclarant mardi devant les députés UMP que les Irlandais « devront revoter » le traité de Lisbonne. Le 13 juin dernier, les Irlandais avaient rejeté à 53% ce texte. Attendu lundi prochain à Dublin, le président français devait à l’origine « écouter et dialoguer ». Mais ces déclarations risquent de compliquer cette délicate visite.
« Les Irlandais devront revoter et je mettrai mon veto à tout élargissement tant qu’il n’y aura pas de nouvelles institutions ». C’est devant les parlementaires de la majorité que le président français a exprimé, mardi dernier, sa solution au blocage provoqué par le « non » irlandais au traité de Lisbonne. Ce ne serait pas la première fois. En effet, il avait fallu deux référendums pour que les Irlandais, obligatoirement consultés pour ce type de traité, adoptent le traité de Nice : en 2001, ils avaient d’abord dit « non ». Mais après une campagne en faveur de l’Europe, le texte avait finalement été accepté un an plus tard.
A Paris, Henri Guaino, conseiller spécial de Nicolas Sarkozy, s’est vite employé à minimiser les déclarations du président, soulignant qu’un second vote est « une des solutions » mais qu’un référendum n’interviendrait « probablement pas sur un texte (qui serait) exactement le même, peut-être avec des exceptions. »
Une déclaration « insultante » pour le Sinn Fein
Car à Dublin, les parlementaires n’ont pas vraiment apprécié la position du président de l’Union européenne. Le Sinn Fein, seul parti irlandais à avoir soutenu le « non » au référendum, parle d’une position « profondément insultante pour le peuple irlandais ». Quant au Parti travailliste, partisan du « oui », il regrette ce « sérieux faux-pas ».
Lundi prochain, Nicolas Sarkozy se rendra à Dublin, accompagné du ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner, pour rencontrer le Premier ministre irlandais, Brian Cowen mais aussi « pour écouter et dialoguer ». Mais pour le chef du Labour irlandais, Eamon Gilmore, ces dernières déclarations vont à l’encontre de la volonté d’écoute revendiquée par le président français : « S’il a déjà arrêté sa décision sur cette question, ça risque d’être une écoute plutôt vaine.»
Des concessions pour amadouer l’opinion irlandaise
Le traité de Lisbonne, qui a fait l’objet d’un référendum en Irlande uniquement, a été adopté par 23 pays sur les 27 membres. La Grande-Bretagne a parachevé le processus de ratification ce jeudi en début d’après-midi. Il n’est donc pas question de renégocier le texte de Lisbonne, cette version simplifiée du Traité constitutionnel rejeté par la France et les Pays-Bas en 2005.
Mais quelques concessions pourraient faire changer d’avis les Irlandais. Nicolas Sarkozy devrait rassurer l’opinion irlandaise : l’Union européenne n’abordera pas la question de l’avortement ou de la neutralité, deux questions sensibles dans ce pays.
Il serait aussi question que les Vingt-Sept s’engagent à garder un commissaire par membre, ce qui est le cas aujourd’hui. En Irlande, une partie des opposants au traité craignaient que ce petit pays perde son commissaire et que son influence diminue au sein de l’Union. Il était en effet prévu par le traité de Lisbonne qu’à partir de 2014, le nombre de commissaires ne puisse désormais dépasser les deux tiers du nombre d’Etats membres. Mais le texte prévoyait une alternative : cette disposition ne serait pas adoptée si le Conseil européen s’y opposait de façon unanime. En clair, cette disposition pourrait être changée sans que les pays qui ont déjà ratifié le traité n’aient à revoter. Une disposition qui facilite la tâche de Nicolas Sarkozy : il peut ainsi encourager les Irlandais à adopter le traité de Lisbonne. D’autant plus que le traité de Nice prévoit une réduction du nombre de commissaires à partir de 2009.