par Myriam Berber
Article publié le 21/07/2008 Dernière mise à jour le 21/07/2008 à 14:14 TU
Celso Amorin, ministre brésilien des Affaires étrangères, est en principe le facilitateur entre les intérêts des pays du Nord et du Sud.
(Source: Wikipédia)
C’est la rencontre dite « de la dernière chance » pour l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Son patron, Pascal Lamy, a convoqué les ministres d'une trentaine de pays à Genève pour tenter de sortir le cycle de Doha de l’enlisement et aboutir à un accord sur la libéralisation du commerce mondial. Pour Peter Mandelson, le commissaire chargé de défendre les positions européennes à l’OMC, cet accord est une chance qui ne se reproduira pas. « Si collectivement, nous ratons ce test à Genève, cela réduira notre capacité à obtenir des succès lors des prochains tests sur le changement climatique, la sécurité alimentaire, la sécurité énergétique et d'autres questions », a-t-il expliqué.
Les négociations du cycle de Doha, lancées en 2001 dans la capitale du Qatar pour mettre la libéralisation des échanges au service du développement, auraient dû être conclues fin 2004, mais les discussions ont achoppé sur un conflit Nord-Sud à propos des subventions et droits de douane des produits agricoles. Le principal point de dissension est celui du protectionnisme des pays du Nord, Etats-Unis et Union européenne. Dans cette confrontation Nord-Sud, le Brésil devrait être l’un des grands facilitateurs de cette négociation. Leader avec l’Inde du G20 qui fait entendre la voix des pays émergents, le géant latino-américain a un rôle de médiateur, entre les intérêts des pays en développement et ceux de l’Europe et des Etats-Unis.
« 'Si l'on répète un mensonge plusieurs fois, cela devient la vérité'. En citant le chef de la propagande du régime nazi Joseph Goebbels, Celso Amorim voulait selon lui dénoncer l’attitude des pays riches à l’OMC sur le dossier agricole ».
Subventions et droits de douane agricoles
La négociation sur l’agriculture est le dossier le plus sensible du cycle de Doha. Le projet d’accord prévoit que les pays riches réduisent leurs subventions agricoles, accusées par les pays du Sud de saper les cours mondiaux et de pénaliser leurs paysans. Les dernières propositions sur la table de l’OMC se traduiraient par une réduction des subventions agricoles européennes de l’ordre de 75% à 85%. Son plafond autorisé tombera de 110,3 à 27,6 milliards d’euros maximum. Les subventions du Japon et des Etats-Unis seront réduites de l’ordre de 66% à 73%, ce qui ramènera le plafond américain à moins de 16,4 milliards de dollars. Les autres pays développés devront réduire leurs subventions de 50% à 60%. Ces baisses qui doivent intervenir dans un délai de cinq ans, ne concernent pas les autres types de subventions comme celles versées aux agriculteurs pour protéger l’environnement.
Autre volet important de cette négociation sur l’agriculture : les droits de douane. Les grands exportateurs agricoles comme les Etats-Unis et le Brésil réclament une baisse des tarifs douaniers appliqués par l’UE et le Japon. Le projet d’accord sur la table de l’OMC stipule que les droits les plus élevés baissent le plus, l’objectif est de parvenir à une baisse de 54% en moyenne pour les pays développés. Pour les pays en développement, la baisse moyenne ne devra pas dépasser 36%.
Un compromis sur la banane
La négociation sur l’agriculture, le dossier le plus sensible du cycle de Doha, est suspendue à un compromis sur la banane.
(Photo : AFP)
Cette négociation est suspendue à un compromis sur la banane. Le commerce de la banane est un débat interminable qui oppose une coalition Union européenne et pays en développement dits ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) à une alliance Etats-Unis-Amérique latine. En vertu de préférences commerciales accordées à ses anciennes colonies, l’Europe ne fixe aucun droit de douane pour les bananes provenant des pays ACP. A l’inverse, les Etats-Unis et les pays latino-américains, comme l’Equateur, doivent payer 176 euros par tonne de bananes importées vers l’Europe. L’Europe, deuxième partenaire commercial de l’Amérique latine, a fait un geste en se disant prête à accepter une baisse des tarifs douaniers qui passeraient de 176 euros par tonne à 116 euros d’ici 2015. « L’ Union européenne ne bloquera pas la proposition de Pascal Lamy », a indiqué le négociateur européen Peter Mandelson. Pour leur part, les pays ACP ont jugé « inacceptable » cette proposition, menaçant de bloquer les négociations du cycle de Doha si elle était adoptée. Ils estiment, en effet que « si la réduction tarifaire envisagée était appliquée en l’état, elle condamnerait l’industrie bananière des pays ACP ».
En échange de concessions en matière agricole, les pays industrialisés exigent de ceux du Sud, et notamment les pays émergents comme la Chine et le Brésil, qu'ils ouvrent davantage leur marché aux produits industriels. Les discussions dans ce domaine sont techniques. Elles portent non pas sur la réduction des droits de douane industriels, mais sur celle des plafonds que les Etats membres de l'OMC s'engagent à ne pas ou plus dépasser. Le projet d’accord propose qu'une trentaine de pays émergents réduisent leurs droits de douane selon un coefficient compris entre 19 et 26. L'Inde ou le Brésil ramèneraient ainsi la moyenne de leurs droits de douane entre 11% et 12%. Pour les pays développés, le coefficient de baisse serait compris entre 7 et 9. Le calendrier d'application serait de cinq ans pour les pays développés et de dix ans pour les émergents. Les membres récents de l’OMC comme la Chine pourraient bénéficier d'une période de grâce supplémentaire de trois à quatre ans.
Pour que la réunion de Genève soit qualifiée de réussie, les ministres devront tomber d’accord sur les modalités de la négociation, c’est-à-dire les pourcentages précis de diminution des subventions agricoles et de baisse de droits de douane sur les produits agricoles et industriels. En cas de succès, ils auront jusqu’à la fin de l’année pour détailler leur engagement produit par produit.