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Etats-Unis

Le premier procès de Guantanamo

par Sébastien Farcis

Article publié le 21/07/2008 Dernière mise à jour le 21/07/2008 à 19:59 TU

Salim Ahmed Hamdan est le premier « combattant ennemi » à être jugé sur l’île de Guantanamo, plus de 6 ans après l’ouverture de cette prison spécialement aménagée pour les prisonniers de l’armée américaine en Afghanistan. L’ancien chauffeur d’Oussama ben Laden est accusé de «complot» et de «soutien matériel au terrorisme». Le Yéménite a toujours contesté la légitimité de ce tribunal, et a plaidé non coupable à l’ouverture de son procès, lundi 21 juillet, procès qui devrait durer trois semaines. Il encourt la prison à vie.

Jusqu’à la dernière minute, Salim Hamdan aura contesté la légitimité de ce tribunal militaire d’exception. Malgré cela, un juge fédéral a demandé à poursuivre ce procès, dans une décision du 17 juin. Treize officiers de l’armée américaine, dont l’identité est gardée secrète par le Pentagone, constituent le jury de ce premier procès d’un détenu de Guantanamo.

Ce Yéménite de 38 ans n’a pas le profil du terroriste international qu’est censée accueillir cette prison, selon Jonathan Malber, auteur d’un livre sur l’histoire de Salim Hamdan, livre qui doit sortir début août.

Photo non datée de Salim Ahmed Hamdan, l'ancien chauffeur de ben Laden.(Photo : AFP)

Photo non datée de Salim Ahmed Hamdan, l'ancien chauffeur de ben Laden.
(Photo : AFP)

L’accusé était chauffeur de taxi dans le sud du Yémen, quand il a été recruté pour participer à la guerre sainte, en 1996, à l’âge de 26 ans.  Le jeune homme, qui n'était pas particulièrement pieux, a alors décidé de se rendre au Tadjikistan, avec 35 autres musulmans, pays où les militants islamistes combattaient contre le gouvernement soutenu par la Russie, selon l'écrivain. Salim Hamdan a ensuite rencontré Oussama ben Laden et il est devenu son chauffeur. Ses avocats réfutent toute participation à une action terroriste, alors que les procureurs l’accusent d’avoir « conduit le chef d’al-Qaïda dans différents centres d’entraînement, acheminé des armes, des munitions ou d'autres fournitures aux membres d'al-Qaïda et à leurs associés », précise l’acte d’accusation. Il est donc considéré par le ministère public comme un membre du premier cercle d’al-Qaïda.

Depuis 2004, date à laquelle il a été formellement inculpé pour complot par le ministère de la Défense, les avocats de Salim Hamdan ont enchaîné les recours devant la Cour suprême. C’est lui qui, en 2006, avait contesté la légalité de ce tribunal, et obtenu gain de cause, ce qui avait obligé le Congrès à formaliser son existence par une loi. Le 12 juin dernier, ce ressortissant yéménite a encore obtenu une décision favorable, qui reconnaît à tous les détenus de Guantanamo le droit d’être protégés par la Constitution des Etats-Unis, ce qui n’était pas le cas depuis 6 ans sur cette base militaire située sur l’île de Cuba. Cela offre une victoire importante aux détenus de Guantanamo : ils pourront faire appel de la légalité de leur détention devant la justice civile des Etats-Unis.

Un Australien a déjà été condamné par ce tribunal militaire. Mais David Hicks avait plaidé coupable en 2007, ce qui lui avait évité tout procès. Extradé dans son pays, il est aujourd’hui libre, après 9 mois de prison.

Salim Hamdan est donc le premier à pouvoir se défendre des accusations d’activité terroriste sur environ 800 personnes détenues, à un moment ou un autre, depuis 2002. Et c’est un cas emblématique : il a affirmé avoir subi des tortures répétées. Il aurait été frappé, menacé de mort, privé de sommeil et humilié sexuellement par une femme, la liste est longue.

Les procureurs ont nié tout mauvais traitement, mais le flou qui entoure le statut juridique de ces prisonniers les a privés des garanties législatives et réglementaires offertes à des détenus de droit commun. A la fin de la guerre en Afghanistan, le Pentagone avait présenté ces prisonniers comme des « combattants ennemis » qui ne faisaient pas partie d’une armée nationale, et n’avaient donc pas le droit à la protection définie par la Convention de Genève. C’est en 2006 que la Cour suprême a invalidé cette situation et que George Bush a ordonné l’application de cette Convention.

Le Tribunal de Guantanamo a cependant toujours le droit d’accepter les aveux et révélations obtenues sous la torture, ce qui est largement contesté par les organisations des droits de l’homme. Il reste aujourd’hui environ 270 suspects enfermés dans cette prison, et seulement vingt d’entre eux ont été formellement inculpés.