Article publié le 28/07/2008 Dernière mise à jour le 28/07/2008 à 15:24 TU
La police patrouille devant la Cour constitutionnelle, à Ankara, le 28 juillet 2008
(Photo : Reuters)
Les juges de la Cour constitutionnelle sont réunis depuis ce lundi pour statuer sur le sort de l'AKP, le parti au pouvoir. Des délibérations sous pression au lendemain du double attentat non revendiqué qui a fait 17 morts et plus de 150 blessés à Istanbul. Le débat qui scellera le sort de l'AKP devrait durer plusieurs jours ; le parti au pouvoir est poursuivi à l'initiative du procureur de la Cour de cassation qui estime que le Parti de la justice et du développement doit être interdit à cause de ses activités contraires à la laïcité.
Avec notre envoyé spécial à Ankara, Jérôme Bastion
La Cour constitutionnelle va délibérer sans relâche jusqu’au verdict. C’est ce qu’elle a promis pour ne pas perdre de temps. On a évoqué ça et là des durées de cinq à dix jours sans que personne ne puisse présumer d’une date. Tout ce que l’on sait, c’est que les sages de la Cour constitutionnelle doivent se rendre en Russie le 10 août, et donc peut-être, qu’ils voudront en finir avant.
Les délibérations se tiendront à huis clos et plusieurs votes vont intervenir. D’abord, celui sur le fond : l'AKP est-il coupable ou pas d’attenter à la laïcité et quelles sont les sanctions pour le cas où la culpabilité serait reconnue ? Il faut la majorité des deux tiers, donc sept voix sur onze pour décider de la fermeture ou d’une amende financière à son égard.
Si le parti est fermé, les juges se prononceront ensuite sur l’éventuel bannissement de ses soixante-et-onze responsables pour cinq ans. Les juges décideront dans ce cas à la majorité simple, donc avec six voix contre cinq, du sort de chacun des dirigeants cités. Il y aura donc soixante-et-onze votes, à l’exception du président de la République qui était cité dans la plainte, mais qui est protégé par l’immunité de sa fonction.
« Un homme se présentant comme un sympathisant de l'opposition sociale démocrate et qui demandait que quatre des onze juges de la Cour constitutionnelle soient récusés pour leur proximité présumée avec l'AKP. La Cour constitutionnelle a jugé cette demande irrecevable. »
Risque de chaos
Ce verdict peut être lourd de conséquences pour la vie politique turque. Les risques qu’il comporte sont évoqués ou commentés dans la presse et la tension est bien réelle autour de ce procès. On a même entendu le vice-président de cette Cour constitutionnelle, Osman Paksüt, promettre « le chaos » au lendemain du verdict. Des mots assez surprenants dans sa bouche.
Une inquiétude qui se traduit également en ce moment dans les éditoriaux des grands journaux et qui marque une inflexion ces derniers temps vers des appels à plus de responsabilités et plus de respect des critères démocratiques surtout.
L'heure n'est plus à la résignation ou à l'hallali
« La fermeture d’AKP ne sera pas bonne pour l’image de la Turquie, peut-on lire dans les journaux, et surtout, elle ne réglera rien puisque le parti changera juste de nom et restera au pouvoir, ou sera reconduit dès les prochaines élections sous une autre étiquette ».
« Est-ce bien là la meilleure manière de défendre la laïcité », demande Mehmet Ali Birand de Posta. Alors que Hassan Cemal du journal Milliyet, par exemple, appelle les juges de la Cour constitutionnelle « à faire le premier pas pour décrisper la situation politique et faire le choix de la stabilité du pays ».
L’heure n’est donc plus tant à la résignation ou à l’hallali contre le parti au pouvoir, comme cela a été le cas pendant des mois, mais plutôt à la recherche d’une solution médiane, un avertissement sans exclusion, une sorte de consensus.
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