Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Japon

Enrayer la chute

par Georges Abou

Article publié le 01/08/2008 Dernière mise à jour le 01/08/2008 à 20:10 TU

Face à un effondrement de sa cote de popularité, le Premier ministre japonais a remanié son gouvernement vendredi 1er août. Plutôt que de convoquer des élections anticipées, Yasuo Fukuda veut montrer un profil combatif, rassurer ses amis et alliés et préparer les échéances tout en évitant l’hémorragie électorale. Mais, Yasuo Fukuda a dû faire des concessions et accepter la nomination d’un nouveau Secrétaire général à la tête du Parti libéral démocrate (PLD), qui dirige le pays depuis une cinquantaine d’années, laissant ainsi ouverte la voie à sa succession. L’équipe compte 17 ministres, dont 13 nouveaux.

Le Premier ministre japonais, Yasuo Fukuda, a remanié son gouvernement, le 1er août 2008.(Photo : Reuters)

Le Premier ministre japonais, Yasuo Fukuda, a remanié son gouvernement, le 1er août 2008.
(Photo : Reuters)


Changement sur l’économie, permanence sur la politique étrangère, succession ouverte : ce sont les points saillants qui émergent après le remaniement ministériel et l’annonce du nouveau gouvernement japonais. Le ministère des Finances (confié à Bunmei Ibuki, 70 ans) et celui de la Politique économique et budgétaire (confié à Kaoru Yosano, 69 ans) tombent aux mains de deux partisans de l’austérité, dont le second est bien connu pour avoir été l’architecte de la privatisation des services postaux, accomplie dans la douleur en 2005, et un partisan farouche du relèvement de la taxe sur la consommation (fixée aujourd’hui à 5%). Le Japon a beau être la deuxième puissance économique mondiale, les caisses de l’Etat sont au plus mal. Selon l’OCDE, en 2007, la dette publique atteignait 180% du produit intérieur brut, héritage non soldé de la crise des années 90. Avec ces nouveaux profils, le relèvement de la TVA japonaise devient donc une hypothèse hautement probable à court terme.

Sur le plan politique, il n’est pas insignifiant de noter que les deux hommes sont des vieux routiers du PLD, rompus au petit jeu des « chaises musicales » : tandis que Kaoru Yosano a déjà occupé des fonctions ministérielles dans les précédentes équipes, en prenant la charge l’ancien haut fonctionnaire Bunmei Ibuki quitte la tête du Parti libéral démocrate. Et, par la même occasion, réduit ses chances de conduire le gouvernement dans une perspective plus lointaine, cédant en quelque sorte sa place à son successeur Taro Aso (68 ans) qui devient, de façon informelle, l’un des principaux personnages politiques de l’archipel.

Le PLD en ordre de bataille

Permanence, par ailleurs, sur la politique étrangère avec le maintien à son poste du titulaire du portefeuille, Masahiko Komura (66 ans). Comme Yasuo Fukuda (72 ans), le chef de la diplomatie japonaise est un partisan du rapprochement avec Pékin et, sauf incident ou exacerbation du discours nationaliste lors de ces prochains mois de fièvre électorale, cette volonté ne devrait pas rencontrer d’obstacles majeurs. Un changement significatif, en forme de rupture peut-être, est notable au ministère de la Défense où, dans le contexte, c’est un homme jeune, Yoshimasa Ayashi (47 ans), qui récupère les dossiers de Shigeru Ishiba, plombés par une succession de scandales.

Le remaniement ministériel de ce vendredi 1er août donne d’ores et déjà un certain nombre d’indications sur la stratégie purement politique du PLD. D’abord, à mesure que décroît la cote de popularité de Yasuo Fukuda (actuellement à moins de 30%), il montre une volonté de se battre et de tenter de restaurer la confiance des citoyens, plutôt que de se résoudre à convoquer des élections anticipées. A priori, c’est donc cette équipe qui conduira les affaires du Japon jusqu’à la convocation des élections générales prévues pour le mois de septembre 2009, selon le calendrier électoral. Cette hypothèse ne recueille pas l’adhésion unanime des membres du PLD, ni d’un certain nombre de ses alliés, pour qui Yasuo Fukuda, laminé par l’impopularité de ses réformes, incarne la persistance du déclin et la certitude d’un fiasco électoral.

De nouveaux anciens

Dans cette perspective, et c’est l’autre enseignement majeur de ce remaniement, la désignation de Taro Aso au secrétariat général du PLD résonne comme la désignation d’un héritier digne de reprendre l’affaire lorsqu’il faudra retourner à la conquête du pouvoir et redorer le blason électoral de la formation en pariant sur une direction renouvelée par de nouveaux anciens. Avec cette nomination, c’est donc peut-être le signal de l’effacement prochain de la vie politique du Premier ministre qui est lancé. En tout cas, à Tokyo, la désignation de Taro Aso est interprétée comme de la résignation de la part du M. Fukuda. Et, selon les observateurs de la vie politique japonaise, Taro Aso, qui attend son tour depuis fort longtemps, ne fait pas mystère de ses ambitions en la matière.

Enfin, à travers ce changement d’équipe, le PLD, qui conduit la politique du Japon depuis une cinquantaine d’années, espère bien renforcer ses liens avec ses alliés du parti New Komeito, dont les députés lui assurent une majorité des deux-tiers à la chambre basse du Parlement.