par Anne Fauquembergue
Article publié le 15/08/2008 Dernière mise à jour le 16/08/2008 à 15:37 TU
Washington et Varsovie négociaient depuis quinze mois au sujet de l’installation de missiles intercepteurs américains en territoire polonais. Un accord a été trouvé entre les deux pays dans la précipitation le 14 août. La riposte russe à l’offensive géorgienne en Ossétie du Sud le 8 août dernier semble avoir pesé dans la conclusion de cet accord. Les Etats-Unis ont accepté de répondre à la principale exigence du gouvernement polonais : l’installation en plus d’une batterie antiaérienne de dernière génération pour renforcer la défense du pays. Cet accord suscite la colère de Moscou qui y voit une menace pour sa propre sécurité.
Le négociateur américain John Roods (g) et le ministre polonais des Affaires étrangères, Radoslav Sikorski, le 14 août.
(Photo : Reuters)
L’accord préalable sur le bouclier antimissile américain a été signé le 14 août à Varsovie par le vice-ministre polonais des Affaires étrangères et le négociateur américain John Rood. Ce bouclier vise à protéger les Etats-Unis d’éventuelles attaques de pays qualifiés de « voyous » par l’administration Bush : l’Iran et la Corée du Nord.
Dix missiles intercepteurs seront installés au nord de la Pologne d’ici 2012. Ces missiles constituent l’un des éléments du bouclier antimissile américain en Europe. La République tchèque a accepté le 8 juillet dernier d’accueillir sur son sol le complément : un radar perfectionné chargé de détecter les menaces balistiques. Les missiles intercepteurs polonais seront installés dans une petite commune au nord de la Pologne : Redzikowo. Pour gérer ces installations, 300 soldats américains seront affectés de façon permanente sur place.
Un accord précipité par le contexte international dans le Caucase
Le Patriot est le seul système tactique opérationnel pour la défense antimissile balistique.
(Photo : www. wsmr-history.org)
Les Etats-Unis négocient avec la Pologne l’installation de ce dispositif depuis quinze mois. Ces derniers mois les Polonais ont fait « monter les enchères ». Arguant que la mise en place des éléments du bouclier antimissile représentait des risques pour la sécurité de la Pologne, le Premier ministre polonais Donald Tusk a cherché à obtenir un renforcement de sa propre défense. Les Etats-Unis ont finalement cédé. Selon le gouvernement polonais, ils ont accepté de déployer en plus une batterie anti-aérienne de type Patriot composée de 96 missiles. La coopération militaire entre les deux pays sera également renforcée.
La situation internationale, notamment la riposte russe à l’offensive géorgienne en Ossétie du Sud le 8 août dernier a joué un rôle dans la conclusion de cet accord. « L’augmentation de la tension internationale qui nous surprend maintenant fait des garanties de sécurité une question encore plus importante que jusqu’à présent », estime Radoslaw Sikorski, le ministre des Affaires étrangères polonais. Située dans l’ancienne zone d’influence de la Russie, la Pologne se sent menacée par le géant russe.
Spécialiste de la Russie à la Fondation pour la Recherche stratégique à Paris « Quand quelque chose ne lui convient pas, la Russie est prête à mettre les moyens pour signifier qu’elle est hostile et défendre ses intérêts.»Isabelle Facon
Parfum de guerre froide
Aux Etats-Unis, le Pentagone s’est dit « extrêmement satisfait d’avoir finalement conclu un accord avec la Pologne ». Pour le négociateur américain John Rood : « C’est un accord important pour la sécurité des Etats-Unis, de la Pologne et de nos alliés de l’OTAN ». Le président Bush, affaibli par l’enlisement de l’armée américaine en Irak, souhaitait trouver un accord avant la fin de son mandat. C’est maintenant chose faite.
De son côté, la Russie voit d’un très mauvais œil l’installation de ces missiles intercepteurs dans son ancien glacis. Le président russe Dmitri Medvedev se sent directement menacé : « le système antimissile que Varsovie et Washington ont convenu d’installer a pour cible la Fédération de Russie ». Selon Moscou, la rhétorique américaine sur les Etats voyous n’est qu’un prétexte.
Piqué au vif par cet accord, le ministre des Affaires étrangères russe, Sergueï Lavrov, a annulé une visite qu’il devait faire à Varsovie les 10 et 11 septembre prochain.
Les Etats-Unis ont tenté de rassurer la Russie expliquant que la défense antimissile européenne était bel et bien installée pour contrer les attaques de l’Iran. La Pologne s’est également dit prête à laisser Moscou inspecter le site de la future base américaine qui doit être installée d’ici 2012.
De quoi rassurer les Russes ? Rien n’est moins sûr. Depuis des mois, la Russie prévient qu’elle n’acceptera pas l’installation d’un tel dispositif. Le chef adjoint d’état-major russe a même prévenu que Varsovie deviendrait une cible « prioritaire » de la Russie en cas de déploiement des missiles intercepteurs.
Sur le même sujet
A écouter
Chercheur associé à l'IRIS
« Selon les derniers sondages, plus de 47% des Polonais sont opposés à ce système anti-missile. »
16/08/2008 par Schmidt Heike
« Une cible prioritaire, c'est aux yeux de Moscou ce que la Pologne risque de devenir en acceptant sur son territoire une partie du bouclier antimissile. »
15/08/2008 par Alexandre Billette