par Anne Fauquemberg
Article publié le 25/08/2008 Dernière mise à jour le 26/08/2008 à 03:24 TU
Edouard Kokoity, président de l'Ossétie du Sud (g) et Sergueï Bagapch, président de l'Abkhazie (c) s'entretiennent avec des parlementaires à la Douma, à Moscou, le 25 août 2008. Le Parlement russe s'est prononcé lundi pour une reconnaissance des deux républiques séparatistes de Géorgie.
(Photo : AFP)
La Géorgie : le grand perdant
De l’offensive en Ossétie du Sud lancée dans la nuit du 7 au 8 août 2008, la Géorgie sort largement perdante. Militairement, l’armée russe occupe toujours une partie du territoire, notamment le port de Poti au bord de la mer Noire. Les infrastructures militaires géorgiennes ont presque toutes été détruites par l’armée russe : les bases militaires de Senaki, Gori, l’aéroport de Marneouli, près de Tbilissi, et les installations portuaires de Batoumi et de Poti…Economiquement, les bombardements russes ont aussi causé beaucoup de dégâts. Le chemin de fer géorgien a été endommagé et les exportations pétrolières paralysées par l’attaque du pipeline BTC. Enfin, le parc naturel de Borjomi, l’un des principaux sites touristiques du pays a été détérioré par des bombes incendiaires.
En ce qui concerne son intégrité territoriale, la Géorgie voit s’éloigner de sa souveraineté les provinces séparatistes d’Ossétie du Sud et d’Abkhazie. Le Parlement russe vient de reconnaître leur indépendance et les populations sur place ne supportent plus la tutelle de Tbilissi. Le président Saakachvili qui avait fait du retour de ces provinces dans le giron national une priorité a clairement échoué ; un échec encore plus cinglant car le président géorgien a lui-même déclenché la guerre avec la Russie. Pour les réfugiés de Gori et de ses environs – principales cibles des Russes en Géorgie jusqu’à leur retrait de cette zone le 22 août – Mikheïl Saakachvili est celui qui a « perdu le pays » en allant provoquer les Russes à Tskhinvali. La déroute de la Géorgie éloigne aussi durablement le pays d’une entrée dans l’Otan.
Le grand retour de la Russie sur la scène internationale
La Russie sort quant à elle revigorée de ce conflit. Depuis 2000 avec l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, Moscou cherche à retrouver son rôle d’influence dans les ex-pays de l’Union soviétique. Ces ambitions ont été mises à mal par le désir d’émancipation de certains de ses anciens alliés comme l’Ukraine et la Géorgie. La Russie n’a jamais accepté que ces deux pays se rapprochent de l’Occident et veuillent entrer dans l’Otan. Moscou a d’autant moins supporté l’initiative géorgienne de lancer l’assaut contre l’Ossétie du Sud, territoire pro-russe que la majorité des citoyens ont un passeport délivré par Moscou.
« Nous voulons être respectés. Nous voulons que notre peuple, nos valeurs soient respectés. Nous avons toutes les ressources économiques et militaires. Quiconque a encore des illusions à ce sujet doit les abandonner » a rappelé le Président russe Medvedev le 19 août dernier.
La démonstration de force de Moscou le 8 août dernier peut être analysée comme un avertissement lancé par Moscou aux anciens pays de sa zone d’influence. Au-delà de cet avertissement, le Kremlin signale qu’il ne souhaite plus être exclu des relations internationales.
Déploiement antimissile sur le sol polonais, élargissement de l’Otan, indépendance du Kosovo : la Russie a assisté passivement à ces événements…Elle souhaite désormais être plus associée à la marche du monde.
Dernier exemple en date de cette volonté de s'imposer : ce lundi, le président Medvedev a mis en garde la Moldavie, l'invitant « à ne pas répéter l'erreur commise » par Tbilissi, allusion au différend qui oppose la Moldavie à la Transnistrie, l'une de ses régions séparatistes.
« La Transnistrie est un petit territoire sécessionniste, séparé par les armes de la Moldavie depuis 1990. Son indépendance n'est reconnue par personne, pas même par Moscou qui pourtant y entretien des troupes. »
Puissance économique de premier plan, Moscou dispose aussi des moyens de se faire entendre. Depuis 1999, le taux de croissance du pays atteint environ 7%. La Russie profite de la flambée des prix des matières premières, surtout du gaz et du pétrole dont son sous-sol est riche.
L’Union européenne divisée
Dès le début de la crise dans le Caucase, les divergences entre les Européens sur l’attitude à tenir vis-à-vis de Moscou sont apparues au grand jour.
D’un côté l’Italie, la France, l’Allemagne et l’Espagne : ces pays souhaitent ménager leurs relations avec Moscou. Ils considèrent la Russie comme un partenaire stratégique et ne souhaitent pas prendre de front le géant russe. Le ministre des Affaires étrangères français, Bernard Kouchner, a écarté ce lundi la possibilité de « parler sanctions » contre Moscou. Dimanche, Angela Merkel, la chancelière allemande, a souligné qu’il n’y aurait « certainement pas » de gel des relations entre son pays et Moscou.
De la Russie dépend la sécurité énergétique de l’Europe : l’Allemagne importe de ce pays 40% du gaz qu’elle consomme, la France 20% et certains Etats du nord de l’Europe quasiment 100%...
De l’autre côté, les Etats baltes et la Pologne, des pays qui ont subi la domination soviétique ainsi que la Suède. Ces pays prônent une attitude de fermeté vis-à-vis de la Russie. Dès le début des hostilités, Carl Bildt, le ministre suédois des affaires étrangères, également président du Comité des ministres du Conseil de l’Europe a condamné « l’opération militaire » russe.
Le 12 août, les chefs d’Etat de la Pologne et des Etats baltes ont pris l’initiative de se rendre à Tbilissi pour soutenir le président Mikheïl Saakchvili. Ces divisions ne sont pas nouvelles. Elles étaient déjà apparues en avril lors du sommet de l’Otan, l’Allemagne et la France s’opposant à ce que la Géorgie entre dans la salle d’attente l’Otan pour ne pas froisser les Russes.
Le sommet extraordinaire de l’Union Européenne convoqué lundi 1er septembre par Nicolas Sarkozy au nom de la présidence française de l’Union européenne risque de raviver ces différends entre les pays européens.
Les Etats-Unis dans l’embarras
« Une rhétorique vigoureuse mais peu d’action ». C’est ainsi que le Washington Post qualifie l’attitude de l’administration Bush dans ce conflit. Les Etats-Unis ont beau soutenir le président Saakachvili et sa candidature pour entrer dans l’Otan, ils ont offert peu d’aide concrète à la Géorgie dans ce conflit.
Les condamnations de l’intervention russe en sont restées au stade des mots. L’échange le plus vigoureux entre les Etats-Unis et la Russie s’est tenu aux Nations unies le 11 août dernier. Le représentant américain exigeant que « la Russie affirme que son but n’est pas de changer le gouvernement de la Géorgie, démocratiquement élu, et qu’elle accepte l’intégrité territoriale et la souveraineté de la Géorgie ».
En réalité, les moyens de pression de Washington sont faibles. Les Russes savent bien que la plupart des forces américaines sont réquisitionnées en Afghanistan et en Irak.
Le regain de tension avec la Russie a néanmoins précipité la signature de l’accord sur le bouclier antimissile avec la Pologne. Les négociations duraient depuis quinze mois entre les deux pays. L’installation de ce bouclier en Pologne s’accompagnera du déploiement de troupes américaines et renforcera la présence militaire des Etats-Unis dans cette région.
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