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Géorgie / Balkans

Crise dans le Caucase, inquiétudes dans les Balkans

Article publié le 30/08/2008 Dernière mise à jour le 30/08/2008 à 23:37 TU

La crise caucasienne est suivie avec la plus grande attention dans les Balkans. Les Serbes voient dans les événements de Géorgie la « conséquence » de la proclamation d’indépendance du Kosovo, tandis que les dirigeants de Pristina rejettent tout parallèle.
La reconnaissance par la Russie de l'indépendance de l'Abkahzie et de l'Ossétie du Sud a été célébrée le 26 août à Sukhumi. Les événements dans le Caucase sont suivis avec inquiétude en Serbie et au Kosovo.(Photo : Reuters)

La reconnaissance par la Russie de l'indépendance de l'Abkahzie et de l'Ossétie du Sud a été célébrée le 26 août à Sukhumi. Les événements dans le Caucase sont suivis avec inquiétude en Serbie et au Kosovo.
(Photo : Reuters)

De notre correspondant dans les Balkans, Jean-Arnault Dérens

« La situation du Kosovo n’a rien à voir avec celle de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud » : tel est le message que répètent tous les jours la presse de Pristina et les dirigeants kosovars, qui affirment que l’indépendance du Kosovo est un cas unique, sui generis, et ne pouvant fonder un précédent. Cet argument, figurant dans le plan de l’émissaire des Nations unies Martti Ahtisaari, était également avancé par les diplomates occidentaux favorables à l’indépendance.

Non sans ironie, le même argument est aujourd’hui défendu par les dirigeants russes pour justifier la reconnaissance des deux républiques sécessionnistes du Caucase, dont la situation serait également « exceptionnelle ».

Belgrade semble donc avoir la partie belle pour expliquer que la proclamation d’indépendance du Kosovo, le 17 février dernier, et sa reconnaissance par les pays occidentaux – par 46 États au total à ce jour – a déstabilisé l’ensemble des relations internationales, créant un précédent très dangereux.

Les diplomates serbes entendent bien faire valoir cet argument lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies, en septembre : la Serbie a déposé une résolution demandant que la Cour internationale de Justice soit appelée à se prononcer sur la conformité au droit international de la proclamation d’indépendance du Kosovo. La Serbie, qui a sonné le ban de ses alliés parmi les pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine toujours membres du Mouvement des Non-Alignés, compte bien obtenir la majorité simple, suffisante pour que cette résolution soit adoptée, ce qui entraînera une saisine immédiate de la Cour.

Les événements de Géorgie fragilisent la position serbe

Cependant, les événements de Géorgie fragilisent considérablement la position serbe. En effet, jusqu’à présent, la Serbie s’accrochait aux règles du droit international et au principe de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États, tout en comptant sur le soutien politique de la Russie. Or, cette dernière, en reconnaissant l’indépendance des petites républiques caucasiennes, vient de violer ces principes.

Les dirigeants serbes font donc profil bas sur le dossier géorgien, essayant de louvoyer entre les positions russes et occidentales. Leur position est d’autant plus inconfortable qu’il a été confirmé que leur pays avait vendu des armes à la Géorgie de Mikhei Saakashvili, ce qui fait un peu désordre pour un allié de Moscou.

Seule l’opposition nationaliste serbe plaide ouvertement pour la reconnaissance de l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud. L’ancien Premier ministre Vojislav Kostunica estime qu’il s’agirait d’une « réaction appropriée ». Selon lui, la Serbie devrait tout miser sur sa relation privilégiée avec la Russie, d’autant que le Kremlin a confirmé son soutien à la position serbe sur le Kosovo.

Aleksandar Vucic, un dirigeant du Parti radical serbe, dénonce également « l’hypocrisie » des Occidentaux, « qui disent qu’il faut respecter l’intégrité territoriale de la Géorgie, mais n’ont pas respecté celle de la Serbie en soutenant l’indépendance du Kosovo ».

Le tout-puissant Premier ministre de la Republika Srpska, « l’entité serbe » de Bosnie-Herzégovine, Milorad Dodik, joue avec délices sur la « pat position » : il promet que l’entité qu’il dirige ne reconnaîtra pas l’Abkhazie et l’Ossétie, tout en interdisant à la Bosnie de reconnaître le Kosovo… Il est vrai que la Republika Srpska n’est pas indépendante et n’est donc pas appelée à reconnaître l’indépendance de qui que ce soit.

Essayant d’aller plus loin dans l’analyse, plusieurs commentateurs notent qu’un petit pays comme la Serbie n’a « rien de bon à gagner » du nouveau contexte de guerre froide, tout en essayant d’envisager des sorties de crise. Djordje Vukadinovic, le rédacteur en chef de l’influente revue Nova srpska politicka misao, estime que la crise caucasienne « révèle surtout que la Russie a désormais les moyens de défendre ses intérêts ». Il ne pense pas que cette crise puisse amener les pays occidentaux à réviser leurs positions sur le Kosovo, même s’il n’écarte pas l’hypothèse d’un « compromis global », qui entraînerait un nouveau « gel » provisoire du statut du Kosovo. Une hypothèse que le publiciste albanais Veton Surroi n’écarte pas non plus.

Les Albanais du Kosovo, qui se veulent totalement solidaires de la Géorgie et des positions occidentales, constatent surtout avec déplaisir et inquiétude l’inaction et l’impuissance des Etats-Unis et des Européens face à la Russie : c’est assurément un signal de mauvais augure alors que le Kosovo compte toujours avant tout sur le soutien américain.

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