par Piotr Moszynski
Article publié le 12/09/2008 Dernière mise à jour le 15/09/2008 à 07:23 TU
Les 15 et 16 septembre 2008, le Conseil de l'Otan se déplace au grand complet à Tbilissi.
(Source : Wikipédia)
Après une réponse politique apportée par l’Union européenne à l’intervention russe en Géorgie, l’Otan prépare une réponse sur le plan militaire. Non, l’Alliance ne va employer ni missiles, ni canons, ni même de mitraillettes. Elle va créer une commission.
Aussi dérisoire que cette riposte puisse paraître dans l’immédiat, elle risque néanmoins d’annoncer une suite beaucoup plus douloureuse pour les ambitions russes à long terme. Selon le quotidien polonais Gazeta Wyborcza, la Commission Otan-Géorgie constitue une première « tête de pont » de l’Alliance atlantique dans la région – et en même temps un coup dur porté aux espoirs du Kremlin de voir l’Occident reconnaître le territoire de l’ancienne Union soviétique comme une zone d’influence russe. D’autant plus qu’une solution similaire avait été adoptée pour l’Ukraine en juin dernier.
Une visite qui agace Moscou
La création de la commission qui lie l’Otan à la Géorgie a été décidée le 19 août, lors d’une réunion d’urgence des ministres des Affaires étrangères de l’Alliance, convoquée suite au conflit russo-géorgien. Le format et les attributions de la commission sont définis dans un document final qui sera signé par le secrétaire général de l’Otan Jaap de Hoop Scheffer et le Premier ministre géorgien Lado Gourguénidzé juste avant la session inaugurale à Tbilissi. Les membres du Conseil de l’Atlantique Nord profiteront également de leur séjour en Géorgie pour s’entretenir avec le président Mikheïl Saakachvili et avec des parlementaires. Mardi, ils vont se scinder en deux groupes. Le premier va rencontrer des représentants de la société civile et de l’opposition. Le deuxième doit se rendre hors de Tbilissi, dans une zone qui n’est pas encore révélée publiquement, mais l’on peut deviner qu’il s’agit sans doute d’un territoire où des combats ont été menés lors de l’attaque russe.
L’arrivée de la délégation de l’Otan agace Moscou au plus haut point. L’ambassadeur de Russie au siège bruxellois de l’Alliance, Dmitri Rogozine, a qualifié la visite de « totalement déplacée » et a appelé l’Otan « à se retenir d’envoyer une délégation de haut niveau en Géorgie, parce que c’est interprété par Saakachvili comme un soutien politique et militaire total ». Ainsi, pour le Kremlin, les alliés d’un Etat souverain et démocratique devraient s’abstenir de lui manifester leur soutien politique et militaire quand il se croit menacé, et ceci juste pour ne pas réjouir Mikheïl Saakachvili et pour faire plaisir à Dimitri Medvedev.
Yalta, c’est fini
Visiblement, l’Otan n’a pas vraiment l’intention de faire attention aux remarques de ce genre. L’Alliance ne se limite pas à la création d’une commission pour bien signaler à la Russie que – comme s’exclamait Nicolas Sarkozy – « Yalta, c’est fini ! » et que ses opérations visant à rétablir les zones d’influence de l’époque soviétique risquent de se révéler rapidement contreproductives. Ce week-end, les chefs d’état-major des pays de l’Otan se réunissent en Bulgarie pour examiner la situation de l’armée géorgienne, afin que l’Alliance puisse – conformément au Partenariat pour la paix signé en 1994 – lui apporter son soutien. Cinq officiers alliés sont déjà à pied d’œuvre en Géorgie depuis une semaine, au sein d’une équipe mandatée par Jaap de Hoop Scheffer, pour faire le point sur les besoins de la Géorgie, y compris militaires.
Le problème, c’est que, pour Moscou, Yalta, ce n’est manifestement pas encore tout à fait fini. Et les vieux réflexes apparaissent de nouveau. Les dirigeants russes semblent croire qu’il suffit – comme au bon vieux temps – de faire peur pour obtenir la soumission de « petits » voisins et une neutralité anxieuse du reste du monde. Or, ils constatent maintenant avec un agacement à peine voilé que la peur qu’ils ont suscitée n’a pour effet qu’une consolidation du camp adverse et une isolation croissante de la Russie elle-même.
Effets contreproductifs
En effet, l’Union européenne réussit pour la première fois à parler d’une seule voix face à la Russie. Pire, la position des nouveaux membres, particulièrement méfiants à l’égard de Moscou, semble se renforcer au sein de l’Union après l’opération russe en Géorgie. Le vice-président américain Dick Cheney déclare ouvertement que « l’élargissement de l’Otan sera continué » et que les Etats-Unis sont « certains » que la Géorgie et l’Ukraine en deviendront membres. Et il semble ignorer royalement les menaces russes de « cesser toute coopération avec l’Otan » si ces deux pays accédaient au MAP, le Plan d’action en vue d’adhésion à l’Alliance atlantique.
Les chars russes dans la ville de Gori, proche de la République séparatiste d'Ossétie du Sud mais située en Géorgie, le 13 août 2008.
(Photo : Reuters)
Par ailleurs, l’intervention russe en Géorgie a permis aux pays baltes, angoissés par le durcissement de la politique russe qu’ils considèrent néo-impériale, d’ouvrir un débat au sein de l’Otan sur l’éventuel renforcement du dispositif de défense « de routine » des Etats baltes en temps de paix, et pas seulement en période de crise. L’Estonie, la Lettonie et la Lituanie ont des raisons de s’inquiéter : elles abritent de fortes minorités russophones, dont Moscou a tendance à s’ériger en protecteur, comme ce fut le cas en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
Comme le souligne Thomas Gomart de l’Ifri, cité par l’AFP, « malgré leur victoire militaire, les Russes sortent isolés de la crise géorgienne, n’ayant reçu l’appui que de rares pays comme le Venezuela et la Syrie ». Pas sûr qu’il s’agit là du meilleur chemin menant au renforcement de la position de la Russie dans le monde, l’objectif officiellement recherché de ses dirigeants.
A écouter
Porte-parole adjoint de l'Otan à Bruxelles
Les objectifs de cette mission sont d’approfondir le dialogue politique et la coopération entre l’Otan et la Géorgie et superviser le processus lancé à Bucarest [d’intégrer la Géorgie à l’Otan].
15/09/2008 par Frédéric Rivière