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Sommet de Québec

Des ambitions politiques accrues

par Marie Joannidis

Article publié le 14/10/2008 Dernière mise à jour le 15/10/2008 à 15:29 TU

La prévention et le règlement des conflits, tout comme le respect de l’état de droit, restent des priorités de la Francophonie qui cherche à étendre son influence politique à travers des partenariats avec de nombreuses organisations internationales et régionales, notamment les Nations unies, l’Union européenne, l’Union africaine et même le Commonwealth.

Des centaines de personnes, agitant des portraits du président mauritanien renversé, se sont rassemblées vendredi à Nouakchott pour exprimer avec force et exaltation leur opposition au coup d'Etat militaire. (Photo : AFP)

Des centaines de personnes, agitant des portraits du président mauritanien renversé, se sont rassemblées vendredi à Nouakchott pour exprimer avec force et exaltation leur opposition au coup d'Etat militaire. 
(Photo : AFP)


Premier casse-tête des chefs d’Etats et de gouvernements réunis du 17 au 19 octobre à Québec pour le XIIe sommet de l’OIF (Organisation internationale de la Francophonie), le cas de la Mauritanie, pays membre suspendu pour cause de coup d’Etat et de non respect des institutions. A la suite du coup d’Etat militaire du 6 août dernier, le secrétaire général de l’OIF Abdou Diouf avait convoqué une session extraordinaire du Conseil permanent de la Francophonie (CPF) qui regroupe les représentants des chefs d’Etat et de gouvernement et qui avait décidé de suspendre la Mauritanie. Tous les bailleurs de fonds ont arrêté leurs aides et une réunion de concertation organisée en septembre entre la présidence du Conseil de l’Union européenne assurée par la France, la Commission européenne, l’Union africaine et l’OIF avait souligné une totale convergence de vues sur la nécessité d’une remise en liberté immédiate du Président mauritanien arrêté Sidi Ould Cheikh Abdallahi et d’un retour au fonctionnement régulier des institutions.

On souligne à l’OIF le travail important accompli en Mauritanie pendant la transition qui avait suivi un autre coup d’Etat en 2005, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui puisque les militaires qui ont pris le pouvoir refusent tout dialogue. Si ce pays n’a pas été invité au sommet de Québec, la présence du secrétaire général de l’Onu, Ban ki Moon, du Commissaire européen José Manuel Barroso, du président de la Commission africaine Jean Ping aux côtés notamment d’Abdou Diouf et du chef d’Etat français Nicolas Sarkozy devrait permettre d’en parler au plus haut niveau. « Ce qui est très important c’est qu’il il y a un très large accord sur une ligne dure de l’Union africaine afin que l’on obtienne la libération du président élu et un retour au fonctionnement normal des institutions issues de la transition », précise-t-on de même source.

Mauritanie, Tchad, RCA… une coopération active avec l’Onu

La République centrafricaine (RCA) et le Tchad sont parmi les autres dossiers prioritaires concernant la prévention des conflits ou les médiations dans lesquels est impliquée la Francophonie, en dehors de ses soutiens aux processus démocratiques en Côte d’Ivoire (où l’Onu est en charge), en RDC, à Haïti ou ailleurs y compris à propos de la crise entre l’Erythrée et Djibouti. En RCA, l’OIF est directement impliquée dans le processus de médiation concernant notamment le dialogue inclusif et la préparation, qui achoppe encore, d’une loi d’amnistie pour tous les opposants y compris armés. Au Tchad, où la Francophonie travaille notamment avec l’Union européenne, il s’agit de relancer le dialogue politique et de participer aux travaux de la commission d’enquête décidée par les autorités de N’djamena sur les disparitions d’opposants durant les premiers jours des affrontements armés autour de la capitale en février 2008.

L’OIF coopère étroitement avec l’Onu en particulier dans le cadre de l’alerte précoce pour prévenir les conflits et aussi dans l’appui aux sorties de crise ou aux périodes de transition. Cette coopération a été officialisée par une rencontre à New York le 28 mars 2008 entre Ban ki Moon et Abdou Diouf, consacrée à la fois à la prévention des conflits, au maintien de la paix, à l’accompagnement des processus électoraux, à l’utilisation du français et à la diversité culturelle, thèmes chers aux deux organisations.

Dans le cadre de la prévention des conflits, l’OIF et l’Onu ont organisé en avril 2008 à Paris, siège de l’organisation francophone, une conférence afin de mieux coordonner et harmoniser les efforts en matière de prévention des conflits et d’alerte précoce en présence de nombreuses organisations régionales : Union africaine, Union européenne, CEDEAO, CEEAC, Ligue des états arabes, Communauté des pays de langue portugaise (CPLP). En outre, des discussions sont engagées depuis 2004 pour renforcer la participation des francophones aux opérations de maintien de la paix, d’autant plus que les missions les plus importantes des casques bleus ont lieu dans des pays francophones comme la RDC ou la Côte d’Ivoire.

Avec l’Union européenne et le Commonwealth, renforcer les capacités des pays ACP

Concernant sa collaboration avec l’UE, l’OIF travaille à Bruxelles auprès des ambassades et des missions des 27 pays membres mais aussi des candidats à l’UE et dans différents Etats partenaires et forme chaque année des conseillers politiques et des conseillers techniques. La Commission européenne et la Francophonie ont par ailleurs conclu en 2006 un Protocole d’accord pour renforcer le dialogue, la concertation et la coordination de leurs interventions en faveur des pays auxquels elles portent un intérêt commun, dans des domaines prioritaires comme la démocratie, les droits de l’homme et la prévention des conflits, la diversité culturelle et linguistique, l’éducation et la formation ainsi que le développement économique et social.

La Commission européenne participe aussi avec l’OIF et le Commonwealth au projet Hub&Spokes, qui a pour objectif de renforcer les capacités des pays ACP dans le domaine des négociations commerciales. Francophones et anglophones se sont ainsi engagés, depuis 2005, à aider les 79 pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) à s’insérer dans le commerce mondial, en mettant à leur disposition une expertise de haut niveau leur permettant de maîtriser les procédures de formulation, de négociation et de mise en oeuvre des politiques commerciales, notamment dans le cadre des négociations des accords de partenariat économique avec l’UE.

Enfin, l’OIF a mis sur pied en 2004 un mécanisme d’observation et d’évaluation permanente de la démocratie, des droits et des libertés, cherchant à coordonner son action avec d’autres partenaires, tout en se basant sur des réseaux nationaux ou internationaux comme les Organisations internationales non gouvernementales (OING) telles que la Fédération internationale des droits de l’homme, Reporters sans frontières ou Amnesty International, et la société civile. Toutes ces activités ont pour toile de fond le respect de la justice et de l’Etat de droit dont se targue la Francophonie malgré les faiblesses en la matière de plusieurs de ses membres.

La justice et l’Etat de droit, pour protéger des effets pervers de la mondialisation

La Conférence des ministres francophones de la Justice, en février 2008 à Paris, a permis l’adoption d’une déclaration sur la justice et l’Etat de droit, véritable feuille de route en la matière. Les ministres se sont engagés à renforcer davantage l’organisation et l’administration d’une justice indépendante et de qualité pour prévenir la fragilisation de l’État et constituer un facteur de développement. Ils ont recommandé plusieurs moyens d’action concrets : intensification de la diffusion du droit et de la circulation de l’information juridique notamment par l’informatisation ; valorisation de l’expertise francophone et la coopération sud-sud ; le renforcement des partenariats avec les autres acteurs internationaux et les réseaux ; l’observation et l’évaluation permanentes des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés et de la coopération dans l’espace francophone.

Pour Abdou Diouf, la déclaration de Paris met en lumière la conception de la Francophonie d’une « justice indépendante, accessible et de qualité, qui inspire confiance et qui s’impose comme la colonne vertébrale de l’État de droit et de la démocratie, comme un moteur du développement, et comme un bouclier qui doit protéger nos pays et nos peuples des effets pervers et des impasses de la mondialisation ».

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