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Sommet de Québec

La Francophonie à l’heure de l’économie

par Marie Joannidis

Article publié le 15/10/2008 Dernière mise à jour le 15/10/2008 à 15:29 TU

Organisation essentiellement culturelle et politique, la Francophonie veut aussi faire entendre sa voix sur la scène économique internationale malgré la faiblesse de ses moyens propres et la disparité de ses membres du Nord, du Sud et du groupe dits des pays émergents.

Si les crises financières et alimentaires mondiales seront au centre des débats du XIIe sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) à Québec, les discussions sur la gouvernance économique tenteront de donner une impulsion nouvelle à cet espace économique qui représente 12,6 % de la population mondiale, 12 % de son revenu et 19 % de l’ensemble des échanges commerciaux internationaux. D’autant plus qu’en marge du sommet, les seize chefs d’État membres de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, l’Ohada, se retrouveront le 17 octobre pour prendre des décisions sur les trois dossiers essentiels à son fonctionnement : la mise en œuvre d’un mécanisme autonome de financements, le choix et la désignation des hauts responsables des institutions et la révision du traité de Port-Louis signé le 17 octobre 1993. Cette réunion, prévue depuis 2005, n’avait jamais pu avoir lieu. Elle est l’aboutissement des efforts du secrétaire général de l’OIF, Abdou Diouf, ancien chef d’Etat sénégalais, et de ceux de l’actuel président Abdoulaye Wade, dont le pays assure en 2008 la présidence du conseil des ministres de l’Ohada.

L’Ohada, bien au-delà de la Zone franc

L’Ohada regroupe à l’heure actuelle seize Etats : le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la République centrafricaine, la Côte d’Ivoire, le Congo, les Comores, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée-Equatoriale, le Mali, le Niger, le Sénégal, le Tchad et le Togo. Le traité est toutefois ouvert à l’adhésion de tout Etat membre de l’Union africaine (UA) et au-delà, invité à y adhérer du commun accord de toutes les parties. Son domaine géographique dépasse donc les frontières de la Zone Franc et de l’aire linguistique francophone puisque la Guinée (non membre de la Zone franc), la Guinée-Bissau, lusophone, et la Guinée-Equatoriale, hispanophone, en font déjà partie. Le Traité a pour objectif de favoriser le développement économique et l’intégration régionale en dotant les Etats-parties d’un droit des affaires unique et simplifié, offrant la sécurité juridique et judiciaire nécessaire à l’ensemble des acteurs économiques. Il permet aussi d’assurer la promotion de l’arbitrage comme instrument privilégié de règlement des différends contractuels.

Concernant la direction des organes de l’Ohada, il s’agit de réactualiser la décision prise peu après la mise en œuvre de l’organisation d’attribuer les postes à un certain nombre de pays choisis d’avance. Car ces « Arrangements » dits « de Ndjamena », adoptés en avril 1996 pour assurer le fonctionnement rapide des instances permanentes et qui devraient être supprimés, ont posé des problèmes de compétence et créé des frustrations de plus en plus grandes parmi les autres pays membres. Les chefs d’Etat doivent aussi définir les attributions et la périodicité des réunions de la Conférence des chefs d’Etat et de gouvernement et discuter de la question de la langue de référence du traité, qui restera le français avec trois langues de travail, anglais, espagnol et portugais. Enfin, ils devront se prononcer sur l’augmentation du nombre des juges de la Cour commune de justice et d’arbitrage (CCJA) sans pour autant qu’il en ait un par pays membre de l’Ohada, ce qui en ferait de simples représentants de leur Etat.

Fédérer les acteurs économiques des pays membres

L’OIF, qui s’occupe déjà de formation dans le domaine commercial et d’assistance technique, travaille également dans le domaine économique avec un ensemble de partenaires et de réseaux. Ainsi, le Forum francophone des Affaires (FFA) tente de fédérer les acteurs économiques des pays membres et de faciliter les échanges entre acteurs économiques publics et privés dans les pays arabophones, francophones, hispanophones et lusophones. Abdou Diouf lui-même a par ailleurs participé en mai dernier à la Rencontre internationale de la Francophonie économique (RIFE) organisée par la Chambre de commerce de Québec et ses partenaires du secteur privé.

Pour l’OIF, la solidarité, « principe fondateur de la Francophonie », qui réunit des États du Nord, des États du Sud ainsi que des pays émergents, doit être accompagnée par la création de richesses, objectif qui ne peut être atteint sans le dynamisme et la compétitivité des entreprises au plan national, régional et international. En allant donc à la rencontre du secteur privé, Abdou Diouf a souligné la volonté de son organisation d’engager de nouvelles actions en faveur des acteurs de l’économie, créateurs d’emplois directs.

On souligne toutefois de source informée qu’une position francophone unique au sein des organisations financières internationales est impossible en raison des disparités mais que l’OIF peut aider les pays du Sud non seulement à prendre part aux grandes négociations (commerce ou environnement par exemple) mais aussi à élaborer des stratégies sur le plan régional, voire intercontinental, à propos de points ciblés comme cela été le cas pour les producteurs de coton africains au sein de l’OMC.

On estime toutefois, de même source, que les pays membres de la Francophonie ne sont pas encore prêts à se doter d’une Société d’investissement s’inspirant du Fonds de solidarité du Québec. De même, des réserves existent aussi bien sur l’Initiative de transparence des industries extractives (ITIE) que sur celle concernant la Responsabilité sociale des entreprises (RSE). « Personne ne refuse l’ITIE, mais les pays qui n’ont pas d’industrie extractive comme le Vietnam ne se sentent pas concernés et pensent que ce n’est pas un sujet pour la Francophonie puisqu’il ne concerne qu’un nombre limité de pays qui, d’ailleurs, l’ont déjà adopté officiellement », souligne un responsable. Quant à la RSE, s’il y a un accord de principe, les pays du Sud mettent en garde contre une manière déguisée d’ériger des barrières non tarifaires qui freineraient la diversification de leur économie et leurs exportations vers les pays du Nord. Ils se disent prêts à accepter une aide pour élaborer des chartes RSE afin d’avoir des règles de bon fonctionnement des entreprises, à condition que celles-ci soient élaborées en tenant compte des spécificités locales.

Marie Joannidis

Dossier spécial