par Myriam Berber
Article publié le 21/10/2008 Dernière mise à jour le 21/10/2008 à 16:36 TU
De nombreux Etats ont été rayés de la liste des paradis fiscaux non coopératifs de l'OCDE, après avoir pris des engagements de transparence. N'y figurent plus que Monaco, Andorre (photo) et le Liechtenstein.
( Photo : AFP )
Les paradis fiscaux sont désormais dans le collimateur des responsables politiques internationaux. De nombreux Etats pointent la responsabilité de la finance parallèle dans l’amplification de la crise. Parmi ces pays accusateurs, la France et l’Allemagne. Peu après le président Nicolas Sarkozy, le Premier ministre François Fillon a appelé à la disparition des centres offshore : « Ces trous noirs comme les centres financiers offshore ne doivent plus exister. Leur disparition doit préluder à une refondation du système financier mondial ».
A l’instar de Nicolas Sarkozy, la chancelière allemande Angela Merkel n’a eu de cesse de dénoncer les pratiques de la principauté du Liechtenstein, paradis fiscal situé entre la Suisse et l’Autriche. La Liechtenstein Global Trust (LGT), propriété de la famille princière, concentrerait, en effet, la plupart des opérations d’évasion fiscale dénoncées par les autorités allemandes. Selon l’ONG Transparency International, il y aurait une cinquantaine de paradis fiscaux dans le monde, dans lesquels « plus de 400 banques, deux tiers des 2 000 fonds spéculatifs et 2 millions de sociétés écrans » géreraient « près de 10 000 milliards de dollars d’actifs ».
Revoir la liste des paradis fiscaux
Pour l’OCDE, un pays est considéré comme un paradis fiscal à trois conditions : opacité complète des sociétés, pas d’accès à l’information bancaire et refus de collaborer avec d’autres Etats en matière de lutte contre la fraude fiscale. L’OCDE recense une quarantaine de pays, dont 35 ont pris des engagements de transparence et d’informations avec l’organisation. Seul trois Etats : le Liechtenstein, Monaco et Andorre sont qualifiés de « paradis fiscaux non coopératifs ». Parmi les propositions de la France et de l’Allemagne : l’établissement d’une liste plus réaliste des paradis fiscaux que celle dressée par l’OCDE. Cette liste officielle comporte, en effet, des lacunes. De nombreux paradis fiscaux, comme Hong Kong et Singapour, ne sont pas inclus tandis que d’autres Etats, sortis de la liste, ne respectent pas les engagements pris.
Le ministre français du Budget Eric Woerth a proposé de « revoir la liste des paradis fiscaux et de l'élargir à tous les pays qui offrent un secret bancaire excessif », ce qui permettra d'envisager « des mesures contre les territoires et même les institutions financières qui ne respecteraient pas les règles du jeu ». Berlin est d’accord avec Paris pour faire le ménage dans la liste noire. « La Suisse offre des conditions qui encouragent le contribuable allemand à frauder. A mon avis, la Suisse doit figurer sur une telle liste », a argumenté le ministre allemand des Finances Peer Steinbrück qui a fait état des difficultés à coopérer avec les autorités suisses en cas d’évasion fiscale avérée. Paris et Berlin organiseront en juin 2009 une réunion sur les paradis fiscaux dans la capitale allemande pour faire le point sur les mesures envisagées pour imposer plus de contrôles aux paradis fiscaux.
Des mesures de rétorsion
D’ici à la réunion de Berlin, la quinzaine de pays qui ont participé à la réunion de Bercy à Paris feront une « sorte de collecte des meilleures pratiques » nationales en matière de lutte contre la fraude fiscale, a précisé Eric Woerth qui souhaite durcir les procédures de contrôle fiscal. Sur le plan international, le ministre du Budget a notamment évoqué l’idée de « s’abstenir de signer des conventions fiscales avec les Etats qui ne prévoient pas de levée du secret bancaire ».
Pour bon nombre de spécialistes de la question, comme notamment le président de Transparency International France Daniel Lebègue, la crise financière peut constituer une opportunité pour lancer une véritable réforme des paradis fiscaux. Un point de vue partagé par Thierry Godefroy, économiste au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales et spécialiste de la question des paradis fiscaux : « La dernière grande offensive datait de la fin des années 90 suite à la grande crise économique asiatique. On avait alors abouti à la première liste établie par l’OCDE. L’administration Bush dès son arrivée a bloqué le processus. Mais la donne a changé. L’hiver dernier, il y a eu une offensive contre le Liechtenstein suite à la découverte de comptes en Allemagne. Vu l’ampleur de la crise actuelle, peut-être cette fois-ci les choses vont-elles un peu plus avancer. Reste que c’est très difficile de contrôler les flux financiers qui transitent pas les paradis fiscaux et les centres offshore».
Des flux financiers énormes. La France évalue à « 30 à 40 milliards d'euros » les pertes pour le budget de l’Etat liées à la fraude fiscale, via les centres offshore. Si la fraude fiscale affecte les pays du Nord, elle constitue aussi un fléau budgétaire pour les pays du Sud. L’ONG britannique Oxfam évalue à 500 à 800 milliards de dollars les flux qui s’évadent des pays du Sud. Des flux qui comprennent la fraude fiscale mais aussi l’argent du crime et de la corruption. La Cnuced estime que 400 milliards de dollars ont été investis hors du continent africain en 30 ans, soit deux fois la dette de l’Afrique. Oxfam estime que « pour chaque euro d'aide au développement versé au continent africain, environ cinq euros sortent du continent pour s'abriter sur des comptes offshore ».
A écouter
Berne rappelle combattre sans nuance la fraude fiscale et confirme que la Suisse apporte son entraide juridique lorsque la fraude est avérée.
22/10/2008