par Mounia Daoudi
Article publié le 03/11/2008 Dernière mise à jour le 03/11/2008 à 22:10 TU
C’est dans Qiushi, la très officielle revue du Parti communiste chinois, que Wen Jiabao a choisi de dévoiler les grandes lignes de la politique macro-économique de son gouvernement. Le Premier ministre chinois a d’abord officiellement reconnu que son pays n’était désormais plus épargné par les turbulences financières mondiales et leurs conséquences. « La crise financière mondiale et le ralentissement de l’économie empirent », écrit-il avant de préciser que « les pressions inflationnistes en Chine restent fortes alors que le prix du pétrole est encore à un prix élevé malgré certaines corrections ». Pour Wen Jiabao, « tous ces facteurs négatifs affectent et continueront à affecter la Chine ». Enterrée donc la théorie du découplage selon laquelle certaines économies continueraient de croître pendant que d’autres seraient en récession. La Chine, comme toutes les autres économies, va donc devoir subir le ralentissement mondial.
En annonçant, il y a une dizaine de jours, un Produit intérieur brut en hausse au troisième trimestre de seulement 9%, son plus bas niveau depuis 2003, Pékin avait certes implicitement reconnu un fléchissement de sa croissance, passée sous la barre symbolique des 10%. Un fléchissement largement liée au ralentissement des exportations chinoises en raison notamment de la faible demande américaine. Mais le gouvernement, qui a conscience de la trop grande dépendance de son économie des exportations –elles représentent 37% de son PIB–, avait aussitôt annoncé son intention de promouvoir la consommation intérieure pour amortir cette baisse de la demande étrangère. Une consommation qui n’a représenté que 40% du PIB en 2007 alors qu’elle est de l’ordre de 70% dans les pays occidentaux.
Une inflation de 4,6% en septembre
Une salle de marchés à Pékin, le 3 novembre 2008. La Chine, comme toutes les autres économies, va subir le ralentissement mondial.
(Photo : Reuters)
Mais cette volonté de relancer la consommation intérieure chinoise ne doit pas faire oublier à Pékin l’impératif qu’est la lutte contre l’inflation qui a atteint en septembre 4.6%. L’indice des prix à la consommation a certes enregistré son cinquième recul mensuel mais il avait atteint 8,7% en février, son plus haut niveau en douze ans. « Nous devons comprendre à quel point l’inflation peut mettre en danger la croissance économique, la vie des gens et la stabilité sociale », a d’ailleurs reconnu le Premier ministre chinois dans le texte publié par la revue Quishi. Selon Wen Jiabao, la principale tâche de son gouvernement va être désormais de « maintenir avec succès un équilibre entre développement économique stable et relativement rapide et lutte contre l’inflation ».
Le gouvernement chinois se trouve en effet dans une position délicate. Et pour l’économiste Françoise Nicolas, de l’Institut français des relations internationales, Pékin ne pourra pas empêcher l’émergence de tensions sociales. Cette spécialiste de la Chine estime en effet que « les déclarations de Wen Jiabao semblent suggérer que le gouvernement veut faire comprendre à la population qu’il fera son possible pour essayer de sauver un peu la croissance mais qu’il ne peut pas non plus privilégier cet objectif car il y aurait un risque trop important de relance de l’inflation ». Et selon l’économiste, « dans les deux cas, qu’il y ait ralentissement de la croissance ou relance de l’inflation, le gouvernement va devoir affronter la colère de la population ».
La baisse des exportations a d’ores et déjà contraint des milliers d’entreprises à mettre la clé sous la porte et à licencier des dizaines de milliers de personnes. Selon un récent rapport de l’Association des entreprises à capitaux étrangers du Guangdong, cette riche province devrait perdre, d’ici janvier, 9 000 de ses 45 000 usines installées dans la région de Canton, Dongguan et Shenzhen. Le rapport estime que la demande étrangère pour les produits de cette région aura alors diminué de 30%. Et selon ses calculs, au moins 2, 7 millions personnes pourraient perdre leur emploi.
Devenue « l’usine du monde », la Chine n’est plus à l’abri d’un ralentissement de l’économie de ce même monde.