par Piotr Moszynski
Article publié le 05/12/2008 Dernière mise à jour le 08/12/2008 à 02:36 TU
Le président français Nicolas Sarkozy, le président de la Commission européenne, Jose Manuel Barroso et le président du Parlement européen Hans-Gert Pottering à Bruxelles ce vendredi 7 novembre.
(Photo : AFP)
« Qu’il s’agisse de la Géorgie ou de la crise financière, Super-Sarko occupe le terrain. Super-Sarko sauve le monde. (…) Nicolas Sarkozy avale les crises comme un drogué. Avec la force que lui confère la présidence de l’UE, il développe une dynamique qui doit son succès d’une part à la nécessité de rester unis en temps de crise et, d’autre part, à la personnalité de Sarkozy » pouvait-on lire dans le journal allemand Süddeutsche Zeitung. Et le Financial Times de titrer : « Super-Sarko’s plans for the world » (« Les plans de Super-Sarko pour le monde »). Pour les Européens, la « prodigieuse énergie » du président français n’est pas étonnante en soi, tout le monde le sait déjà « hyperactif » grâce à l’intérêt que tous les médias portent à son style pratiqué en France. Ce qui les a beaucoup plus surpris, c’est qu’il a su utiliser cette énergie pour donner, selon les termes du Guardian, « une réelle signification à la notion de présidence européenne ».
Deux crises
Cela a été particulièrement apprécié dans le contexte de la gestion des deux principales crises que l’Europe a dû affronter au cours de la présidence française : celle dans le Caucase et celle sur les marchés financiers mondiaux.
Bien qu’imprécis dans les détails, ce qui a permis à la Russie d’en exploiter habilement les lacunes, l’accord de cessez-le-feu en Géorgie négocié par la présidence française a été unanimement salué par les Vingt-Sept comme un coup de maître qui a permis de sauver l’essentiel : beaucoup de vies humaines. « Le fait est, estime le journal britannique, que le cessez-le-feu a donné un coup d’arrêt à l’avancée des troupes russes en direction de Tbilissi, le temps que les Géorgiens reprennent leur souffle ».
Même respect pour la détermination de Paris à prendre le taureau par les cornes quand il s’agit de la crise financière. Süddeutsche Zeitung s’émerveille de voir l’Union européenne « réagir au désastre des banques avec une rapidité époustouflante pour elle. (…) Soudain, l’Europe ne fait plus figure de mastodonte étouffant qui paralyse la liberté des marchés avec sa bureaucratie toute-puissante. L’Europe a agi et, contrairement aux Etats-Unis, elle a trouvé le bon modèle : des garanties bancaires, une nationalisation partielle, des cautions et cela s’est avéré la meilleure recette pour calmer les marchés ». Certes, l’initiative et l’inventivité dans ce domaine reviennent clairement à Gordon Brown, mais Nicolas Sarkozy a su éviter que son plan ne reste purement britannique. Il est arrivé à l’aménager d’abord en un plan des quatre pays européens faisant partie du G7, puis en celui des quinze pays de la zone euro et enfin, en celui des Vingt-Sept.
Une déesse à huit bras
Est-ce que pour autant ces louanges extraites des presses allemande et britannique témoignent d’une admiration unanime des pays membres à la présidence française ? Certainement pas.
A trop vouloir devenir un moteur de l’UE à lui tout seul, Nicolas Sarkozy a donné à certains observateurs une fâcheuse impression qu’il voulait se mêler de tout, tout contrôler et diriger tout le monde. « Nicolas Sarkozy, ironisait un commentateur polonais, Marek Magierowski, ressemble de plus en plus à une déesse hindoue à huit bras. (…) Il construit un ‘nouvel ordre capitaliste’, il propose la création de fonds souverains nationaux, il veut devenir un quasi-président de l’Europe en temps de crise. Et dans le cadre des heures sup', il aide une terroriste italienne, il poursuit les hackers qui ont violé son compte bancaire et il envoie les procureurs bloquer la production des poupées vaudou à son effigie ». Difficile d’éviter, dans ce contexte, de renforcer le vieux cliché d’une France dirigiste et centralisatrice. Pas étonnant, donc, qu’il a suffi que Paris présente une proposition de mieux coordonner la politique européenne dans le domaine du football pour que l’honorable journal britannique The Times tire à boulets rouges pendant une semaine contre le projet d’un « super-régulateur » français.
Mais il y a pire et dans des domaines autrement plus importants. Bien qu’à peu près tout le monde salue l’arrêt des combats en Géorgie, la gestion des effets de cette crise laisse souvent perplexe, surtout en Europe centrale, où l’on reste très méfiant par rapport à la Russie et à tout ceux qui veulent jouer un peu trop ami-ami avec le Kremlin. Si même en France Le Nouvel Observateur titre son analyse des relations franco-russes « Sarko le Russe », que dire de sentiments éprouvés dans les anciens pays occupés par l’Union soviétique ? Ils réagissent plutôt mal au déroulement du sommet UE-Russie à Nice, et surtout aux concessions et hésitations de Nicolas Sarkozy au sujet du bouclier antimissile. Varsovie et Prague observent sèchement qu’il n’a rien à faire dans cette affaire qu’elles gèrent toutes seules avec Washington. Le président français le reconnaît le lendemain, mais il est trop tard pour effacer la mauvaise impression.Intérêts
D’où une certaine déception de ceux qui, au début de la présidence française, espéraient sincèrement que la France saurait mettre les intérêts généraux de l’Union devant les siens et protéger ceux des petits pays. Un des plus grands quotidiens nationaux en Pologne, Rzeczpospolita, estime dans un éditorial qu’« une vision de l’UE comme d’un organisme servant uniquement à applaudir les décisions des grands pays émane des dernières déclarations de Sarkozy ». Et il conclut, non sans parti pris politique, c’est vrai, mais quand même assez amèrement : « Quand, il y a un an et demi, lors de sa campagne électorale, Sarkozy parlait chaleureusement du marché libre et du modèle économique anglo-saxon, il éveillait notre sympathie. Quand il a emménagé à l’Elysée, il a prouvé qu’il était beaucoup plus à gauche que beaucoup de démocrates américains. Et quand il s’est mis à gouverner l’Europe, il a montré tout simplement qu’il n’était qu’un homme politique de moyenne envergure parmi d’autres, pour lequel l’image est plus importante que la grandeur ».
Alors, la présidence française, bien vue ou mal vue de l’extérieur ? Comme disent souvent les Polonais, le point de vue dépend du point où l’on est assis…